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20 septembre 2023

Nicolas Sarkozy ne reconnaît qu'une petite phrase

Nicolas Sarkozy a publié une dizaine de livres. Dans Le Temps des combats, qui vient de paraître[i], il égrène ses souvenirs présidentiels de la période 2009-2011. Pour la première fois, sauf erreur, la locution « petite phrase » vient sous sa plume. Il évoque Ségolène Royal :

Je me souvenais d'ailleurs avec un brin de malice de cette petite phrase que je lui avais assénée quand, durant la campagne de 2007, les socialistes avaient lancé une polémique sur un prétendu espionnage de la candidate par mes équipes... J'avais balayé ces accusations fallacieuses d'un revers de main et ajouté : "Pour chercher quoi ? Son programme ? Ce n'est pas une enquête qu'il faut, c'est une exploration !" Cela n'était pas tendre, mais l'avenir m'a donné raison.

Le plus étonnant n’est pas que l’ancien président de la République éclaire ses années 2009-2011 en citant une phrase de 2007. C’est qu’il n’en cite pas d’autre. Car des petites phrases autrement fameuses ont marqué son parcours. Avant même son élection, c’était, en 2005 sur la dalle d’Argenteuil, « Vous en avez assez de cette bande de racailles? On va vous en débarrasser » et, à La Courneuve, « on va nettoyer au Karcher la cité ».


Une autre phrase de 2007 avait été beaucoup plus remarquée : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire »[ii]. Cette formule prononcée à Dakar, extraite d’un discours bourré d’hommages appuyés à l’Afrique et aux Africains, s’est avérée calamiteuse. Le public entend ce qui est dit (logos) en fonction de ses sentiments (pathos) et de ceux qu’il attribue au locuteur (ethos). De plus, le cerveau a souvent un peu de mal avec les tournures négatives. Bon nombre d’auditeurs ont cru entendre : « L’homme africain n’est pas entré dans l’histoire ». L’omission de l’adverbe « assez » changeait radicalement le sens de la phrase.

Ségolène Royal, justement elle, est même allée plus loin en changeant l’adverbe. Visitant Dakar à son tour en 2009, elle déclarait : « Quelqu’un est venu ici vous dire que l’homme africain n’est pas encore entré dans l’histoire. Pardon, pardon pour ces paroles humiliantes. » On comprend que Nicolas Sarkozy lui en tienne rigueur et que, en 2023 encore, il saisisse l’occasion de se souvenir « avec un brin de malice de cette petite phrase [qu’il lui avait] assénée ». Même si l’opinion publique, elle, a oublié depuis longtemps cette formule « pas tendre » mais pas non plus très remarquable.

Souffle d'en bas

Si l’on demande à l’homme de la rue quelle phrase il attache à l’ex-président, il est bien possible que « Casse-toi pauv’ con ! » tienne la corde[iii]. Cette réplique violente à un visiteur qui lui disait : « Touche-moi pas, tu me salis ! », au Salon de l’agriculture de février 2008, avait marqué les esprits. Nicolas Sarkozy ne s’en souvient pas « avec un brin de malice » mais il est juste de noter que, sans parler de petite phrase, il n’en a pas totalement expurgé ses mémoires. Dans La France pour la vie[iv], il commente ainsi cette imprécation :

Lorsque l'on veut devenir Président, on se doit de considérer, de respecter et de s'intéresser à chacun. J'ai moi-même eu grand tort, lors d'une visite au Salon de l'agriculture, de céder à la provocation en répondant à l'individu qui m'avait insulté : "Casse-toi, pauvre c..." Ce fut une erreur, car il avait le droit de penser ce qu'il disait, même s'il n'avait pas à me le dire ainsi. Mais, en lui répondant, je me suis mis à son niveau.

L’ex-président, on le voit, revendique au moins des circonstances atténuantes : il a cédé à une provocation. Le « merde » de Cambronne à Waterloo était lui aussi une réponse à l’ennemi anglais. « Cambronne trouve le mot de Waterloo par visitation du souffle d’en haut » écrit Victor Hugo. Nicolas Sarkozy, dirait-il peut-être, s’est laissé visiter par le souffle d’en bas.

Michel Le Séac’h


[i] Nicolas Sarkozy, Le Temps des combats, Paris, Fayard, 2023.

[ii] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 103.

[iii] Idem, p. 87.

[iv] Nicolas Sarkozy, La France pour la vie, Paris, Plon, 2016.

Photo Wilson Dias/Abr, Wikimedia Commons, licence Creative Commons Attribution 3.0 Brazil.

20 avril 2022

Débat Macron–Le Pen : petite phrase ou programme ?

Avant le débat télévisé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, ce 20 avril, une grande partie de la presse revient sur les débats d’entre-deux-tours précédents. Un article d’Olivier Bénis et Noémie Lair (France Inter, 18 avril) résume l’esprit général : « Petites phrases, grands moments : ces scènes qui ont marqué les débats d'entre-deux-tours de la présidentielle ».

Les petites phrases, journalistes et hommes politiques affectent de les mépriser. Pourtant, le fait est que ce sont elles qui marquent ces débats. Elles s’inscrivent durablement dans le paysage politique français. « Vous n’avez pas le monopole du cœur »(1) : la riposte de Valéry Giscard d’Estaing à François Mitterrand en 1974 est restée fameuse. Certains lui attribuent même la victoire électorale du premier sur le second !

On n’a pas oublié non plus :

  • « C’est quand même ennuyeux que vous soyez devenu l’homme du passif » de François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing, 1981
  • «Vous avez tout à fait raison monsieur le Premier ministre», de François Mitterrand à Jacques Chirac, 1988
  • « Mieux vaut cinq ans avec Jospin que sept ans avec Chirac », de Lionel Jospin à Jacques Chirac, 1995
  • « Non, je ne me calmerai pas », de Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy, 2007
  • « Moi président », de François Hollande à Nicolas Sarkozy, 2012 (2)

Toutes ces sorties ont été qualifiées de « petites phrases » par une partie de la presse. Elles ne portent pas sur des programmes de gouvernement. Avec elles, l’affrontement entre deux responsables politiques se situe sur le terrain du caractère et du comportement. Le programme est sans doute un exercice de style incontournable. Mais il fait un peu penser à la ballade du duel de Cyrano de Bergerac. Ce qu’on en retient au bout du compte, c’est « À la fin de l’envoi, je touche » !

On note que les petites phrases les plus marquantes ne viennent pas forcément du vainqueur de l’élection. Mais elles sont une sorte de bilan du duel : c’est là qu’Untel a « gagné », c’est là qu’Unetelle a « perdu ». Sans qu’il soit besoin de comparer rationnellement des programmes, la petite phrase s’impose d’elle-même, « faisant comprendre aux journalistes, aux états-majors et à la France entière que l’élection était presque gagnée ou quasiment perdue »(3).

Ce genre de petites phrases ne date sûrement pas de l’apparition de la télévision. Celle-ci a seulement permis à des nations entières d’assister aux empoignades verbales. Comme des tribus paléolithiques assemblées autour de deux prétendants. On peut y voir un retour en arrière. Ou l’expression d’une réalité de tous les temps : le leadership est affaire de personnes et non de programmes. (Et, puisque dans l’espèce humaine, l’alpha est généralement un mâle, les femmes sont sans doute désavantagées dans cet exercice.)

Michel Le Séac’h

(1) Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 109.

(2) Idem, p. 59.

(3) Sorj Chalandon, « Des hauts et débats », Le Canard enchaîné, 6 janvier 2021.

Illustration : Clard, Pixabay

13 février 2022

Valérie Pécresse à la recherche d’une petite phrase bien à elle

La place réelle des petites phrases dans les campagnes électorales est d’autant plus difficile à apprécier que certains protagonistes préfèrent éviter cette locution un peu sulfureuse. Ce qui complique la recherche par mots-clés et l’analyse lexicologique... Wally Bordas, Emmanuel Galiero et Marion Mourgue en livrent un excellent exemple. Ils se sont penchés, dans Le Figaro du 12-13 février, sur les difficultés de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse.

Valérie Pécresse est une élue expérimentée, elle a bénéficié d’une formation universitaire prestigieuse, sa santé physique et psychologique paraît excellente, sa santé financière aussi, elle est entourée par une équipe solide et dispose aisément des 500 signatures fatidiques. Que demande le peuple ? Pourtant, de l’avis général, sa campagne connaît un trou d’air.

 
Serait-ce parce qu’elle veut trop bien faire ? « Lorsqu’elle a un discours, elle est trop scolaire et elle veut tout dire », déclare aux journalistes un élu Les Républicains non identifié. Dans son entourage, Philippe Juvin, soutient cette ligne : « Est-ce que les gens n’en ont pas soupé, des grandes promesses grandiloquentes ? Est-ce que les Français n’ont pas envie de rigueur, de calme et d’une vraie colonne vertébrale ? » Mais il ne faut pas confondre le fond et le ton : on peut très bien faire avec calme des promesses inconsidérées. Et Philippe Juvin, avec 3,13 % des voix à la primaire de la droite, n’a pas vraiment démontré sa capacité à toucher les électeurs.

L’inverse des grandes promesses, ce n’est pas le calme, c’est la petite phrase. « En campagne, il faut faire du sale, être de mauvaise foi, il faut y aller ! », assure un parlementaire LR cité par Le Figaro. « Il faut qu’elle sorte les crocs, qu’elle morde », ajoute un autre à l’attention de Valérie Pécresse. De toute évidence, ils songent à une petite phrase « assassine ». Mais la saleté et la mauvaise foi ne sont pas indispensables. « Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur » est l’une des petites phrases les plus violentes restées dans l’histoire des campagnes électorales. « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » est un chef d’œuvre de vacherie vêtu de probité candide.

Les limites des emprunts

En tout cas, c’est clairement sur une petite phrase que compte sans l'expliciter l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. « Trouvera-t-elle les mots qui firent florès dans d’autres campagnes, le "petit Français de sang mêlé" , ou le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, le "mon ennemi c’est la finance" de François Hollande ? » demande Le Figaro. « "On ne l’a pas encore", concède un stratège, "c’est une vraie question. Mais on y travaille." » Autrement dit, Valérie Pécresse est bien à la recherche de sa petite phrase. Celle-ci devrait être au centre de son grand meeting, ce dimanche au Zénith de Paris.

Le côté BCBG de la candidate ne facilite pas l’exercice. Elle n’y est pas fermée, cependant. Elle l’a montré avec « il faut ressortir le Kärcher » et « Macron a cramé la caisse ». Mais ce sont des citations, non des formules personnelles. Le Kärcher, bien sûr, est une allusion au Nicolas Sarkozy de 2005. Et « il a cramé la caisse » reprend une critique de Laurent Wauquiez à l’égard d’Alain Juppé pour sa gestion de la ville de Bordeaux. Citation encore quand, recevant un prix du Trombinoscope le 10 février, Valérie Pécresse compare la campagne électorale à La Guerre des étoiles et elle-même au Retour du Jedi.

La comparaison a soulevé plus de ricanements que de compliments. Il faudra faire mieux. Trouver une petite phrase au croisement exact de ce que la candidate peut dire et de ce que les Français souhaitent entendre dire. Pas facile.

Michel Le Séac’h

Mise à jour à 17h30 : de toute évidence, Valérie Pécresse n'a pas encore trouvé SA petite phrase. Le temps presse désormais.

Illustration : copie partielle d’écran, tweet de LCP sur la remise du prix du Trombinoscope

07 janvier 2022

Valérie Pécresse : « il faut ressortir le Kärcher »

« Je vais ressortir le Kärcher de la cave », assure Valérie Pécresse dans un entretien à La Provence. Puis, dans un tweet : « Il faut ressortir le Kärcher qui a été remisé à la cave par Hollande et Macron depuis plus de dix ans ». Et encore, dans la soirée du 6 janvier, sur son compte Twitter de campagne : « "Je veux que la peur change de camp. Les voyous, les dealers, les mafieux, les prêcheurs de haine, c’est eux qu’il faut harceler, traquer et priver de leurs droits civiques. Je passerai le kärcher. »

« Il faut ressortir le Kärcher » est aussitôt qualifié de « petite phrase » par de nombreux médias comme Télé 7 jours (« Petites phrases : Valérie Pécresse fait plus fort qu'Emmanuel Macron et propose de "ressortir le Kärcher" ! ») ou Gala.

Bien entendu, ce « Kärcher » est l’écho d’une déclaration de Nicolas Sarkozy en 2005. Alors ministre de l’Intérieur, il promettait de « nettoyer la racaille au Kärcher ». Plus de quinze ans après, la formule reste fameuse et clivante.

Valérie Pécresse aurait pu tenter une petite phrase originale, qui lui aurait été propre, pour afficher une intention sécuritaire. Mais elle aurait eu du mal à imprimer, la candidate en est sûrement consciente, faute d’une cohérence cognitive avec son image personnelle assez lisse. 

 « Une expression qu’on attendrait plus dans la bouche d’un jeune du 9.3 que dans celle d’une élue biberonnée entre Neuilly et Versailles »remarque Benoït Gaudibert dans L’Est républicain. Mais justement, l'un des buts de la manœuvre est probablement de corriger son image ! Réutiliser une petite phrase célèbre, c’est récupérer aussi son message, ses sous-entendus. L’industriel Kärcher n’en est peut-être pas ravi, mais ce n’est pas sa réputation d’efficacité que Valérie Pécresse entend exploiter. C’est la réputation d’énergie de Nicolas Sarkozy. Récupération qui n’est pas sans risque : tous ses concurrents de droite s’empressent de rappeler que l’ancien président, finalement, n’a guère utilisé son Kärcher.

Petites phrases recyclées

Le recyclage de petite phrase n’est pas propre à Valérie Pécresse. La méthode a déjà fait la preuve de son efficacité. Par exemple quand Emmanuel Macron recycle une phrase de Donald Trump, « Make our planet great again ». Ou, bien auparavant quand, lors de la campagne présidentielle de 1988, François Mitterrand glisse ironiquement à Jacques Chirac : « Vous n’avez pas le monopole du cœur pour les chiens et les chats », reprenant la petite phrase de Valéry Giscard d’Estaing qui, selon certains, avait tranché le sort de l’élection de 1981 (« Vous n’avez pas le monopole du cœur »).

Ce genre d’exercice a ses limites. Un leader ne peut se contenter de reprendre les paroles des autres. On ne connaît pas de petite phrase recyclée qui soit devenue un mot historique.

Mais Valérie Pécresse n’a pas renoncé à imposer ses propres petites phrases. Au contraire : quand elle accuse Emmanuel Macron d’avoir « cramé la caisse », elle impose sa marque. Et peut-être Emmanuel Macron est-il inspiré par ce parler relâché quand il dit vouloir « emmerder les non-vaccinés » !

Ce qui pourrait signifier que les candidats à la présidentielle de 2022 ont fini par redécouvrir cette face méconnue de la communication politique que sont les petites phrases. Comme avant eux Manuel Valls, marchant explicitement sur les traces de Clemenceau (ce qui prouve au passage que les petites phrases ne peuvent pas tout…).

Michel Le Séac’h

02 mars 2021

Les magistrats « petits pois » : des dangers potentiels d’une petite phrase

Nicolas Sarkozy a-t-il été condamné pour une petite phrase ? Évidemment non, mais même si elle ne figure pas au dossier, elle pourrait bien en être un élément à charge.

Le 7 octobre 2007 Invité de l'émission Vivement dimanche prochain sur France 2, le président de la République racontait une séance solennelle à la Cour de cassation. Il avait été frappé par l’homogénéité des hauts magistrats : « mêmes origines, même formation, même moule, la tradition des élites françaises, respectables, bien sûr, mais pas assez de diversité ». Et il avait décidé d’y changer quelque chose : « je n'ai pas envie d'avoir le même moule, les mêmes personnes, tout le monde qui se ressemble aligné comme des petits pois, la même couleur, même gabarit, même absence de saveur ».

La métaphore étrange des « petits pois » avait intrigué. Brièvement. Google Trends ne révèle à l’époque qu’un bref surcroît de recherches sur l’expression « petits pois ». Il est probable que l’immense majorité des Français ont vite oublié cette petite phrase un peu ésotérique, dont ils ne savaient que faire. 

Mais ce que dit un dirigeant, fût-il le président de la République, ne touche pas nécessairement l’ensemble du public de la même manière. Bien des petites phrases frappent des sous-ensembles : personnes habitant un certain endroit, exerçant une certaine profession, adeptes de certains comportements, etc. Le public des petites phrases se choisit lui-même. Nicolas Sarkozy lui-même avait pu s’en rendre compte, déjà en 2005, comme ministre de l’Intérieur, avec les « racailles d’Argenteuil ». Sa petite phrase avait été reçue comme une offense non par les seules « racailles d’Argenteuil » mais par une fraction plus large de la jeunesse de banlieue.

De toute évidence, les magistrats français, et pas seulement ceux de la Cour de cassation, ont dû se sentir visés de manière assez générale par ces « petits pois ». En tout cas, leurs relations institutionnelles et autres avec le président de la République ont dès lors été exécrables. Nicolas Sarkozy a été visé par une ribambelle d’enquêtes auxquelles ses prédécesseurs Jacques Chirac et François Mitterrand n’avaient jamais eu droit. Acharnement judiciaire ? C’est probable, puisque plusieurs de ces enquêtes se sont achevées par un non-lieu. Enfin, ce 1er mars, voici Nicolas Sarkozy condamné pour corruption et trafic d’influence.

Indices et subjectivité

Et les petits pois reviennent aussitôt dans le débat. « La condamnation de Nicolas Sarkozy, une décision suspecte », estime Nicolas Beytout ce 2 mars à l’antenne d’Europe 1. « Tout est suspect, insiste le chroniqueur. D’abord, son histoire d’ancien président de la République et cette sourde bataille qui l’avait constamment opposé au monde judiciaire. Ce monde de petits pois ne lui a jamais pardonné. » Pour lui, la condamnation « souligne le corporatisme de cette profession. » Qui dit corporatisme dit identité collective – et les petites phrases font partie de celle-ci. Ce n’est pas une question d’orientation politique. Philippe Bilger, ancien avocat général, n’est pas connu pour ses opinions de gauche. Il exultait néanmoins hier sur Cnews à l’annonce de la condamnation, retrouvant le ton qu’il employait en 2014 pour dénoncer sur son blog « les grosses ficelles de Nicolas Sarkozy ».

Conscient de la charge psychologique qui intervenait dans son attitude, il concédait alors : « certains vont me reprocher mon manque de mesure, mon hostilité ». Ce côté passionnel ne fait aucun doute aujourd’hui. Le tribunal correctionnel de Paris l’a d’ailleurs signalé lui-même en assortissant son jugement d’hier de considérations morales (des actes ayant « lourdement porté atteinte à la confiance publique », etc.).

Ce qui ne poserait aucun problème si la condamnation était fondée sur des aveux ou des preuves matérielles. Mais elle l’est sur « un faisceau d’indices graves et concordants », c’est-à-dire sur l’interprétation subjective d’informations parcellaires. On imagine aisément que, le subconscient étant ce qu’il est, les petits pois ont pu faire partie du faisceau.

Michel Le Séac’h

Photo N. Sarkozy :  European People's Party - EPP Summit October 2010 via Wikipedia et FlickrCC BY 2.0

09 février 2021

« Petites phrases, grandes conséquences » : LCP ne fait qu’effleurer la surface

« Petites phrases, grandes conséquences » : pour qui s’intéresse aux petites phrases, le documentaire en deux volets de Thomas Raguet proposé par LCP était alléchant. La première partie diffusée lundi 8 février a-t-elle tenu les promesses de son titre ? Elle était intitulée « Petites phrases : dérapages contrôlés à droite ? ». Se placer sur l’axe gauche/droite, c’était mettre l’accent d’emblée sur le contenu politique et non sur la mécanique des petites phrases.

Capture d'écran LCP

Classique dans sa forme, avec une alternance d’images d’archives et de commentaires de personnalités, le documentaire était en réalité consacré à deux petites phrases seulement, l’une de Jacques Chirac, l’autre de Nicolas Sarkozy (même si l’on y voit au passage Jean-Pierre Raffarin déclarer que « the yes needs the no to win »). Toutes deux sont des cas intéressants dont on aurait pu tirer bien des leçons sur la mécanique des petites phrases.

Prologue à la première : en 1991, alors maire de Paris, le futur président de la République visite le quartier parisien de la Goutte d’or, en pleine rénovation. « Nous on fait pas tellement de bruit, souligne-t-il, mais dans les quartiers difficiles on se préoccupe d’installer des équipements de qualité pour les jeunes ». Quelques jours plus tard, devant une assemblée de militants RPR à Orléans, il déclare :

« Il faut mettre un moratoire au regroupement familial. Comment voulez vous que le travailleur français qui habite à la Goutte d’or, où je me promenais avec Alain Juppé la semaine dernière, il y a trois ou quatre jours, et qui travaille avec sa femme et qui ensemble gagnent environ 15.000 francs et qui voit sur le palier à coté de son HLM entassée une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses et une vingtaine de gosses et qui gagne 50.000 francs de prestations sociales sans naturellement travailler, si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, eh bien le travailleur français sur le palier, il devient fou. Il devient fou. C’est comme ça et il faut le comprendre. Et si vous y étiez vous auriez la même réaction. Ce n’est pas être raciste que de dire cela »

Si vous ne connaissiez pas déjà la réponse, auriez-vous trouvé une petite phrase dans ce passage ? Au premier degré, on entend un homme politique dénoncer un cas ubuesque d’abus des prestations sociales ; on comprend que cet abus est rendu possible par le regroupement familial. 

Mais les commentaires se resserrent aussitôt sur l’accessoire, ce tout petit fragment : « le bruit et l’odeur ». Et surtout, beaucoup de gens ont le sentiment que Jacques Chirac, dans ce fragment, parle d’eux. Ils se sentent visés, littéralement : « on a un homme politique de première importance qui nous agresse, qui incite à la haine, parce que les mots sont des fusils chargés, et M Chirac nous a tiré dessus », commente Abdel Aïssou, président d’une association pour les droits civiques.

Il aurait été intéressant de se demander pourquoi un tout petit passage a été extrait d’une déclaration du maire de Paris, pourquoi il a suscité tant d’émotion, quelles leçons en tirer sur le rôle des petites phrases dans la relation entre peuple et dirigeant, sur la formation des identités, etc. Mais le documentaire s’oriente aussitôt sur le thème politique du racisme – sur le contenu implicite, réel ou supposé, délibéré ou accidentel, de la déclaration. Le phénomène de communication que constitue la sélection de quelques mots, le recentrage du discours sur un thème connexe et son amplification jusqu’à l’évocation d’une guerre civile verbale, n’est pas du tout analysé.

Une petite phrase désignée par ceux qui se sentent concernés

La deuxième petite phrase du documentaire est de Nicolas Sarkozy. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment une phrase mais une thématique balisée par deux mots, « Kärcher, » et « racailles », prononcés dans des circonstances comparables par leur lieu, des communes de la banlieue parisienne. En juin 2005, le ministre de l’Intérieur se rend à La Courneuve pour rencontrer la famille d’un enfant tué accidentellement dans un règlement de comptes. « On va nettoyer, au propre comme au figuré, la Cité des 4.000 », assure-t-il. Devant les parents de l’enfant et en présence d’une journaliste du Monde, il ajoute :  la « nettoyer au Kärcher ». Quelques semaines plus tard, Nicolas Sarkozy « récidive », dit le documentaire. Visitant Argenteuil en nocturne, il est conspué par un comité d’accueil hostile. Apostrophé par une habitante, il reprend le mot « racailles » qu’elle a utilisé : « Vous en avez assez, hein ? Vous avez assez de cette bande de racailles ? Ben on va vous en débarrasser. »

Là encore, au premier degré, ces exclamations n’ont rien de très remarquable. Elles évoquent plutôt les promesses verbales d’un politicien en campagne. Et elles ne comportent même aucun passage susceptible d’être isolé et transformé en petite phrase comme « le bruit et l’odeur ». Ce sont donc les mots « Kärcher » et « racaille » qui en font office ; désormais, ils seront souvent rattachés à Nicolas Sarkozy.

Et, là encore, certains se sentent visés. Stricto sensu, les propos du ministre de l’Intérieur désignent les délinquants de La Courneuve et quelques dizaines de manifestants d’Argenteuil. « Quand il dit racaille, je me sens visé parce que j’habite ici », s’exclame un jeune d’Argenteuil. D’autres élargissent encore plus. Le footballeur Lilian Thuram, pourtant étranger tant à La Courneuve qu’à Argenteuil (originaire de Guadeloupe, il a passé une partie de sa jeunesse à Fontainebleau), déclare : « moi, je suis pas une racaille, moi. Moi, ce que je veux, c’est bosser et sortir de la vie, mais pourquoi tout de suite me mettre ça sur la peau, non, c’est pas vrai. » Dès lors, beaucoup considèrent l’exclamation de Sarkozy comme un propos raciste de portée générale.

Plusieurs pistes intéressantes à peine esquissées

Beaucoup de petites phrases émergent ainsi d’un discours dont elles ne représentent que de loin le sens général, sélectionnées par un public auquel elles n’étaient pas destinées, lequel leur donne un sens de son choix, indépendamment de l’intention de leur auteur. Et cette transformation, habituellement spontanée et non manipulée, est rarement soumise à une analyse rationnelle : à preuve ce documentaire pour lequel les petites phrases semblent sorties toutes offenses dehors de la bouche de Jacques Chirac ou de Nicolas Sarkozy comme Dionysos de la cuisse de Jupiter. Parler des petites phrases sans s’interroger sur ce  mécanisme mystérieux, c’est ignorer une grande partie du sujet.

Il est vrai que les interlocuteurs choisis par Thomas Raguet ne pouvaient pour la plupart que l’entraîner dans cette voie. Leurs commentaires s’étagent du robinet d’eau tiède politiquement correct au règlement de compte personnel sous couvert de philosophie souriante. À une exception notable, Mams Yaffa, adjoint au maire du 18e arrondissement de Paris. Lui seul propose une amorce d’analyse du fonctionnement des petites phrases. Le documentaire s’ouvre sur l’un de ses commentaires (« souvent, ceux qui ont eu de belles petites phrases ont eu de grands destins ») et se clôt sur un autre (« le jour où je ferai une petite phrase c’est peut-être parce que j’aurai d’autres ambitions »). Signe probablement que Thomas Raguet a perçu leur intérêt et leur originalité. Il est dommage de ne pas avoir creusé davantage dans ces deux directions.

Le débat qui a suivi le documentaire est en bonne partie resté sur le terrain du commentaire politique. Aurélien Pradié, en professionnel de la politique (il est député LR), a néanmoins souligné certains rouages importants de la mécanique des petites phrases. Le mystère de leur naissance, d’abord (« des petites phrases on en prononce toute la journée, elles ont un impact ou elles n’en ont pas »). Leur rôle réel dans la vie politique (« ces phrases ont contribué au débat démocratique »). Et surtout, la manière dont, volens nolens, elles caractérisent leur auteur réel ou supposé (« la petite phrase, elle fonctionne si elle est cohérente avec le personnage »).

Quant à Soazig Quéméner, rédactrice en chef politique de Marianne, elle a souligné que certains hommes politiques préparent soigneusement leurs petites phrases, citant en exemple François Fillon. Elle a aussi amorcé une distinction intéressante entre les petites phrases les plus fracassantes selon la sincérité de leur auteur : « soit ils sont sincères et on peut les taxer de cynisme, soit ils ne sont pas sincères et ils sont d’un cynisme absolu » !

Le deuxième volet du documentaire, « La gauche contre le peuple », sera diffusée lundi 15 février à 20h30 sur LCP.

Michel Le Séac’h

06 février 2017

La trajectoire d’une petite phrase est imprévisible, n’est-ce pas François Fillon ?

Le destin d’une petite phrase n’est jamais écrit d’avance. François Fillon vient d’en faire la fâcheuse expérience.

L’ancien premier ministre n’avait jamais été réputé pour ses esclandres, à de rares exceptions près. Sa déclaration du 28 août 2016 a donc surpris à cause de ce passage : « Ceux qui briguent la confiance des Français doivent en être dignes. Ceux qui ne respectent pas les lois de la République ne devraient pas pouvoir se présenter devant les électeurs. Il ne sert à rien de parler d'autorité quand on n'est pas soi-même irréprochable. Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? »

Une petite phrase qui porte est rarement interrogative[1]. Mais ici, la question était purement rhétorique. Et personne ne l’avait prise au premier degré. Les commentateurs avaient aussitôt estimé qu’elle constituait une agression délibérée contre Nicolas Sarkozy, mis en examen dans deux affaires et que François Fillon allait affronter lors des primaires des Républicains pour la présidentielle.

Dans la presse et les médias sociaux, le passage s’était vite resserré autour du groupe de mots le plus fort : « général de Gaulle ». « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » était presque instantanément devenu l’une des premières petites phrases de la campagne présidentielle de 2017. « L’ancien Premier ministre est parvenu à signer la petite phrase qui a le plus fait parler d’elle : ‘ Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ?’ », estimait Louis Hausalter dans Marianne. (Selon un phénomène de simplification habituel, « un seul instant », qui n’apporte pas d’information spécifique, disparaît des citations à peu près deux fois sur trois.)

Il est probable que cette petite phrase, quand elle avait été retenue, avait pris des significations implicites différentes pour des publics différents :
  • « Nicolas Sarkozy n’est pas un candidat acceptable » pour une partie des électeurs de droite.
  • « François Fillon est irréprochable comme le général de Gaulle » pour une autre partie de l’électorat, probablement plus large.
  •  « François Fillon est un homme d’une agressivité condamnable » pour les cadres des Républicains (selon une dépêche AFP reprise notamment par L’Express et Le Nouvel Obs, MM. Larcher et Retailleau « reprochent à Fillon sa phrase assassine »).
Étant donné son retentissement médiatique à l’époque, il n’est guère envisageable que la déclaration du 28 août ait été sans effet sur l’électorat. Il est vrai que, dans l’immédiat, les sondages n’ont pas montré d’évolution en faveur de François Fillon pour la primaire de la droite. Pourtant, sa campagne commencée sur des intentions de vote décevantes a vite tourné à la marche triomphale. Un effet boule de neige amorcé par sa petite phrase ? Les enquêtes ne permettent pas de l’affirmer, mais l’hypothèse ne peut être écartée. Comme l’a souligné Emmanuel Voguet, la victoire de l’ancien premier ministre à la primaire a été une « victoire de la réputation sur la communication ».

Hélas, l’affaire Pénélope Fillon est venue troubler le jeu. La formule du mois d’août dernier est réapparue en force (Google en répertorie à peu moitié autant d’occurrences depuis la parution du Canard enchaîné le 25 janvier que dans les deux semaines qui ont suivi le 25 août), et elle ne cadre pas du tout avec la réputation victorieuse. Comment le cerveau de l'électeur peut-il s’accommoder de cette dissonance ? Il ne peut pas. Ou plutôt, il ne le peut qu’en réévaluant le sens implicite de la petite phrase :
  • « François Fillon est un hypocrite ».
Et tel est bien le sens d’une grande partie des commentaires qui circulent depuis une douzaine de jours sur les réseaux sociaux. Manuel Valls, qui sait ce que petite phrase veut dire, l’a bien saisi avec sa formule miroir : « Vous imaginez le général de Gaulle employer tante Yvonne à l'Elysée ? » Nicolas Sarkozy, à en croire Europe 1, renchérit en petit comité : « Et il dit quoi, le général, là ? ». (On note dans les deux cas la forme interrogative, qui souligne le parallélisme avec la phrase d’origine.)

Sans l’affichage implicite de sa probité, la faute commise par François Fillon en rémunérant son épouse aurait probablement été beaucoup moins grave pour sa campagne politique (après tout, il est loin d’être seul dans son cas et le comportement de François Mitterrand en son temps avait été autrement plus critiquable). Sa petite phrase du mois d’août, revenant comme un boomerang, a réduit en miettes la précieuse réputation qu’il avait réussi à construire. Quel gâchis !

Sa campagne n’est pas condamnée pour autant. L’opinion est volatile. Mais comme la petite phrase y laissera longtemps une rémanence, François Fillon devra se reconstruire une réputation différente. Faire oublier l’épisode ? Inutile d’y songer ! En revanche, il devrait chercher à l’intégrer dans son nouveau personnage. Dur métier.

Michel Le Séac’h

Photo de François Fillon : archives du gouvernement russe


[1] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 244.

21 novembre 2016

« Je suis à la tête d’un État en faillite » : est-ce assez pour décrire un présidentiable ?

Malgré sa longue carrière politique (plus jeune député de France à 27 ans, six fois ministre) et ses cinq ans à Matignon, François Fillon reste mal connu. En voici un symptôme clair : les petites phrases qui lui sont attachées sont rares.

Une petite phrase est souvent perçue par le public comme descriptive de son auteur. Surtout quand elle est négative. Le « casse-toi pauv’ con » de Nicolas Sarkozy, le « droit dans mes bottes » d’Alain Juppé en sont des exemples. Elles résument un portrait à la manière d’une caricature. Un homme qui n’est pas caricaturé est en déficit d’image (on note que François Fillon est rarement représenté par des images satiriques[1] et que certains l’ont surnommé « Mister Nobody »).

À l’actif de l’ancien premier ministre, en fait, on relève une seule petite phrase répandue : « Je suis à la tête d’un État en faillite ». Selon un phénomène classique, elle a été réduite à sa plus simple expression puisque la déclaration exacte de François Fillon est celle-ci : « Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d'un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d'un État qui n'a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans, ça ne peut pas durer. » « En faillite » résume de manière efficiente la formule « qui est en situation de faillite sur le plan financier », mais aussi le déficit chronique et le déséquilibre budgétaire. Sur l’internet, « Je suis à la tête d’un État en faillite » est presque vingt fois plus fréquent que « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier » et à peu près quatre fois plus fréquent que les formules partiellement raccourcies « Je suis à la tête d’un État en situation de faillite » ou « Je suis à la tête d’un État qui est en faillite ».

On note que la version d’origine comprend une anaphore, figure de style consistant à répéter plusieurs fois le même mot ou groupe de mots. Mais ce n’est pas elle qui a été retenue. Le message de la petite phrase est dans la « faillite » et non dans la fonction occupée alors par François Fillon. Sémantiquement parlant, « Je suis à la tête d’un État » n’est pas comparable au « Moi président » de François Hollande[2], et encore moins au « I have a dream » de Martin Luther King[3]. Il n’est pas impossible cependant que l’anaphore ait contribué à attirer l’attention de la presse et à déclencher le processus de répétition qui a répandu la petite phrase.

Le fruit (défendu) des circonstances ?

Quant aux motivations de François Fillon, le doute demeure. Que la situation des finances publiques ait été désastreuse, c’était un secret de polichinelle. Mais était-il politiquement correct de le dire ? En déplacement à Calvi le 21 septembre 2007, quatre mois après sa nomination à Matignon, le premier ministre animait un déjeuner en plein air. Voici l’épisode tel que relaté par son proche collaborateur Jean de Boishuë :

« Journalistes, notables, élus, agriculteurs, syndicalistes présents, déjà pas mal nourris au petit rosé, n'en croyaient ni leurs oreilles, ni leurs notes. Tous se demandaient quelle mouche avait piqué le toujours prudent François Fillon. Sur le coup, lui aussi. Inquiet, il se pencha vers moi : "j'ai un peu poussé, non ? " »[4]

Il paraît peu probable que la formule ait été préparée à l’avance. D’autant qu’elle rappelait un précédent fâcheux. « L’État ne peut pas tout », avait déclaré Lionel Jospin, alors premier ministre. Beaucoup y ont vu la source de son échec électoral en 2002. Le « toujours prudent François Fillon » ne pouvait l’ignorer. Pas plus qu’il ne pouvait ignorer que son triple « je suis à la tête d’un État » allait souverainement agacer un président de la République qui le présentait comme son « collaborateur ».

Ne serait-il pas cocasse que la seule petite phrase notable d’un possible futur président de la République soit le fruit de la chaleur communicative des banquets et du petit rosé corse ?

Michel Le Séac'h


[1] Voir Pascal Moliner, Psychologie sociale de l’image, Presses universitaires de Grenoble, 2016
[2] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, 2015, p. 59.
[3] Idem, p. 115.
[4] Voir Jean de Boishuë, Anti-secrets, EDI8, 2015.

Illustration : copie partielle d’un écran d’une vidéo de l’Institut national de l’audiovisuel.

19 septembre 2015

Les hommes politiques les plus souvent associés à une petite phrase

Qui sont les hommes politiques les plus souvent associés à l’expression « petite phrase » par les moteurs de recherche ? Pour s’en faire une idée, voici les résultats d’une recherche effectuée le 18 septembre. Le classement est établi sur la base des résultats de Google pour un échantillon de personnages politiques contemporains (« petite phrase » + prénom et nom du personnage concerné). On note une relative cohérence du classement relatif d’un moteur de recherche à l’autre. Seuls le score de François Hollande sur Bing et ceux d’Emmanuel Macron et de Ségolène Royal sur Exalead étonnent vraiment, sans qu’on puisse les expliquer.

Cette petite compilation n’a rien de scientifique bien sûr. Elle ne dit pas si les personnages répertoriés sont cités comme auteurs ou comme victimes de petites phrases, ou même si deux sujets sans rapport entre eux voisinaient sur une même page web. Elle ne distingue pas les citations originales et les reprises, et pas davantage la tonalité des commentaires. Etc. Elle répond juste à la question qui ouvre ce billet.

D’après ce classement, Marine Le Pen dépasse son père et Emmanuel Macron a fait un démarrage fracassant. Car l’ancienneté joue logiquement un rôle : ainsi, Jacques Chirac figure encore à un rang élevé alors qu’il est retiré de la vie publique depuis des années. Si François Mitterrand figurait dans ce classement, il se situerait entre Jean-Marie Le Pen et Laurent Fabius alors qu’il est mort en 1996, à une époque où l’internet commençait à peine à toucher le grand public. Le général de Gaulle lui-même, disparu en 1969, s’intercalerait entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

Google
Bing
Exalead
Nicolas Sarkozy
86100
19500
12138
François Hollande
83700
33600
8179
Manuel Valls
51500
12500
3163
Marine Le Pen
44100
12700
2478
Ségolène Royal
39400
12900
3822
Jacques Chirac
31900
14000
1642
Jean-Marie Le Pen
26300
12100
1038
Laurent Fabius
24500
10400
1193
Alain Juppé
24300
12900
1206
François Fillon
24000
8800
2034
Martine Aubry
19200
9380
2228
Emmanuel Macron
19000
10800
344
Jean-Luc Mélenchon
17400
6560
1276
François Bayrou
14900
6470
1285
Cécile Duflot
12800
5000
814