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01 septembre 2023

Les petites phrases de Sandrine Rousseau inspirées par Angela Merkel ?

« Si nous nous enfermons dans des petites phrases, alors nous ne sommes pas à la hauteur de nos responsabilités », assure Sandrine Rousseau, interrogée par Benjamin Duhamel sur BFMTV/RMC le 22 août dernier. Cette déclaration générale est provoquée par un échange sur l’invitation du rappeur Médine, récent auteur d’un tweet antisémite, aux journées d’EELV.

Elle est au fond très banale. Tout politique se doit de dire du mal des petites phrases ! « Je me suis, par moments, laissé abîmer, entraîner vers le bas par une politique médiocre, par l’affrontement politicien et le jeu des petites phrases », confessait par exemple Laurent Wauquiez en mai dernier. Sa sortie vaut néanmoins à la députée écologiste une « noix d’honneur » à la Une du dernier Canard Enchaîné. « Pas de risque que l’intéressée se laisse enfermer : dès qu’elle a terminé une petite phrase pour faire parler d’elle, Rousseau en prépare une autre », ricane l’hebdomadaire.

Sans aucun doute, Sandrine Rousseau est experte en la matière. C’est sûrement pour cela que « Sandrine Rousseau : la notoriété par les petites phrases » est presque chaque jour l’article le plus consulté de ce blog depuis sa parution ici même le 6 octobre dernier.


On peut même dire que Sandrine Rousseau maîtrise tous les genres de petites phrases, y compris leur version « assassine », celle qui est destinée pas tant à « faire parler d’elle » qu'à déstabiliser quelqu’un d’autre (on note que ce n’est pas ce genre-là qu’elle a appliqué à Médine). Et l’on sait peut-être depuis un « Complément d’enquête » diffusé sur France 2 au mois d’avril d’où lui vient ce savoir-faire particulier.

Suivant un conseil qui lui a été donné par l’écrivain Léo Lapointe, elle aurait pris exemple sur Angela Merkel, qui a trompé son monde : « Elle n'accède pas au pouvoir parce qu'elle a de bonnes idées ou une bonne tête mais parce qu'elle a assassiné tous ses concurrents. » Avis partagé par Pierre de Gasquet dans Les Échos : « Derrière son sourire placide, Mutti, comme on l'appelle volontiers outre-Rhin, se révèle une tueuse hors pair, mais une tueuse en douceur. »

L’idée se défend. Si Sandrine Rousseau n’a pas le côté « force tranquille » de la maman de tous les Allemands, on pourrait soutenir qu’elle l’a remplacé par un côté « protestataire » a priori plus adapté à l’électorat français. Mais qui rend sans doute ses petites phrases assassines un peu trop voyantes.

Michel Le Séac'h

13 février 2022

Valérie Pécresse à la recherche d’une petite phrase bien à elle

La place réelle des petites phrases dans les campagnes électorales est d’autant plus difficile à apprécier que certains protagonistes préfèrent éviter cette locution un peu sulfureuse. Ce qui complique la recherche par mots-clés et l’analyse lexicologique... Wally Bordas, Emmanuel Galiero et Marion Mourgue en livrent un excellent exemple. Ils se sont penchés, dans Le Figaro du 12-13 février, sur les difficultés de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse.

Valérie Pécresse est une élue expérimentée, elle a bénéficié d’une formation universitaire prestigieuse, sa santé physique et psychologique paraît excellente, sa santé financière aussi, elle est entourée par une équipe solide et dispose aisément des 500 signatures fatidiques. Que demande le peuple ? Pourtant, de l’avis général, sa campagne connaît un trou d’air.

 
Serait-ce parce qu’elle veut trop bien faire ? « Lorsqu’elle a un discours, elle est trop scolaire et elle veut tout dire », déclare aux journalistes un élu Les Républicains non identifié. Dans son entourage, Philippe Juvin, soutient cette ligne : « Est-ce que les gens n’en ont pas soupé, des grandes promesses grandiloquentes ? Est-ce que les Français n’ont pas envie de rigueur, de calme et d’une vraie colonne vertébrale ? » Mais il ne faut pas confondre le fond et le ton : on peut très bien faire avec calme des promesses inconsidérées. Et Philippe Juvin, avec 3,13 % des voix à la primaire de la droite, n’a pas vraiment démontré sa capacité à toucher les électeurs.

L’inverse des grandes promesses, ce n’est pas le calme, c’est la petite phrase. « En campagne, il faut faire du sale, être de mauvaise foi, il faut y aller ! », assure un parlementaire LR cité par Le Figaro. « Il faut qu’elle sorte les crocs, qu’elle morde », ajoute un autre à l’attention de Valérie Pécresse. De toute évidence, ils songent à une petite phrase « assassine ». Mais la saleté et la mauvaise foi ne sont pas indispensables. « Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur » est l’une des petites phrases les plus violentes restées dans l’histoire des campagnes électorales. « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » est un chef d’œuvre de vacherie vêtu de probité candide.

Les limites des emprunts

En tout cas, c’est clairement sur une petite phrase que compte sans l'expliciter l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. « Trouvera-t-elle les mots qui firent florès dans d’autres campagnes, le "petit Français de sang mêlé" , ou le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, le "mon ennemi c’est la finance" de François Hollande ? » demande Le Figaro. « "On ne l’a pas encore", concède un stratège, "c’est une vraie question. Mais on y travaille." » Autrement dit, Valérie Pécresse est bien à la recherche de sa petite phrase. Celle-ci devrait être au centre de son grand meeting, ce dimanche au Zénith de Paris.

Le côté BCBG de la candidate ne facilite pas l’exercice. Elle n’y est pas fermée, cependant. Elle l’a montré avec « il faut ressortir le Kärcher » et « Macron a cramé la caisse ». Mais ce sont des citations, non des formules personnelles. Le Kärcher, bien sûr, est une allusion au Nicolas Sarkozy de 2005. Et « il a cramé la caisse » reprend une critique de Laurent Wauquiez à l’égard d’Alain Juppé pour sa gestion de la ville de Bordeaux. Citation encore quand, recevant un prix du Trombinoscope le 10 février, Valérie Pécresse compare la campagne électorale à La Guerre des étoiles et elle-même au Retour du Jedi.

La comparaison a soulevé plus de ricanements que de compliments. Il faudra faire mieux. Trouver une petite phrase au croisement exact de ce que la candidate peut dire et de ce que les Français souhaitent entendre dire. Pas facile.

Michel Le Séac’h

Mise à jour à 17h30 : de toute évidence, Valérie Pécresse n'a pas encore trouvé SA petite phrase. Le temps presse désormais.

Illustration : copie partielle d’écran, tweet de LCP sur la remise du prix du Trombinoscope