30 août 2018

Emmanuel Macron et le « Gaulois réfractaire au changement »

Emmanuel Macron, en visite au Danemark, a rendu hommage hier à son « peuple luthérien qui n’est pas exactement le Gaulois réfractaire au changement ». Ce « Gaulois réfractaire au changement » a aussitôt été isolé du discours pour être commenté séparément.


De nombreux médias ont sans détour qualifié la formule de petite phrase, à l’instar de LCI, RTL, Le JDD, France Culture, etc. Dans la foulée, beaucoup d’autres, reprenant une dépêche de l’AFP, surenchérissent en évoquant « une sortie qui rappelle sa petite phrase de l’été 2017 sur les Français qui "détestent les réformes" ». Cet effet performatif (si les médias disent que c’est une petite phrase, alors c’en est une) est confirmé par un grand nombre de commentaires dans les médias sociaux et les forums en ligne (260 commentaires de lecteurs sur le site de 20 minutes le 30 à 11h00, par exemple).

Si l’on veut un indicateur synthétique de l’attention portée par l’opinion publique à cette phrase, voici le score des recherches sur le terme « gaulois » au cours des sept derniers jours selon Google Trends. Il est clair que quelque chose s’est passé le 29 août !



« Le Gaulois réfractaire au changement » ne se présentait pas comme une formule détachable. C’était une proposition subordonnée d’une phrase élogieuse consacrée aux Danois. Peut-on y voir pour autant une formule innocente ? Elle dénoterait à tout le moins un grand manque d’empathie : quel peuple apprécierait que son dirigeant aille dire du mal de lui à des étrangers ? Car il ne faisait aucun doute dans le contexte que « réfractaire au changement » n’était pas un compliment !

Emmanuel Macron est réputé apprendre vite. Il a déjà une riche expérience des petites phrases malheureuses, des « illettrés » au « pognon dingue » en passant par les « kwassa-kwassa » ou la « vie plus dure des entrepreneurs ». Il sait bien que si, en France, il peut souvent échapper à la presse, qu’il n’aime pas, il est forcément exposé à l’étranger. Il est donc difficile de croire que sa formule ait été une pure étourderie. Il est possible en revanche qu’elle ait été une imprudence notoire.

« Il se structure une opposition forte entre nationalistes et progressistes », avait déclaré un peu plus tôt le président de la République. Cette idée d’un nouvel antagonisme qui se substituerait à l’opposition gauche/droite paraît centrale dans sa pensée politique. Il s’est explicitement posé en leader des progressistes, à l’exact opposé de MM. Salvini et Orban. En comparant le Danemark et la France, il était probablement guidé par cette idée. Mais si vanter le « peuple luthérien » évoquait déjà une référence plus nationaliste que progressiste, renvoyer les Français dans le camp auquel il s’oppose était leur tendre une verge pour se faire battre.

Michel Le Séac'h

Photo : copie d'écran LCI