03 juin 2017

« Make our planet great again » : la petite phrase d’Emmanuel Macron, un snowclone qui tombe à pic

Emmanuel Macron ne s’était pas signalé au cours de sa campagne présidentielle par des petites phrases spécialement remarquables. Certaines sorties auraient même pu lui coûter cher en des circonstances moins favorables. Il vient de rattraper son retard d’un seul coup, le 1er juin 2017, avec une petite phrase… en anglais. En quelques heures « Make our planet great again » a fait le tour de la Terre et a battu le record de partages sur Twitter en France. Dans la foulée, le président de la République s’est même offert une deuxième petite phrase : « Il n'y a pas de plan B car il n'y a pas de planète B ».

Les petites phrases en langue étrangère ne sont pas inconnues en France[i]. Mais, de « Vae Victis » à « Yes we can » et de « No pasaran » à « Ich bin ein Berliner », en général, elles viennent d’ailleurs. Les rares petites phrases en langue étrangère d’hommes politiques français ne sont guère enviables : on songe au « What do you want… » de Jacques Chirac en Israël ou au « The yes needs the no to win » de Jean-Pierre Raffarin. Emmanuel Macron n’est décidément pas un homme politique ordinaire…

La force de « Make our planet great again » n’est cependant pas dans sa signification, ni dans l’identité de son auteur : elle est dans son origine et dans le choix du moment. Il s’agit d’un « snowclone », un détournement d’une formule très connue préexistante. Et quelle formule ! le slogan de Donald Trump au cours de sa campagne présidentielle victorieuse de l’an dernier, « Make American great again ». Jeudi dernier, alors que le président américain venait d’annoncer son intention de sortir de l’Accord de Paris sur le climat, le président français a repris la balle au bond en réutilisant ses propres paroles, le soir même, dans une déclaration solennelle.

Les trois bonnes fées de la communication s’étaient donc penchées sur le berceau de cette petite phrase :
  • Au niveau du contenu, elle prenait appui sur un texte déjà très connu.
  • Au niveau du contexte, elle portait sur un sujet d’intérêt brûlant pour la presse internationale, commenté par un responsable de premier plan
  • Au niveau de la culture, elle exploitait la défaveur de Donald Trump dans une grande partie de l’opinion française, américaine et mondiale.
La presse française a largement salué ce qu’elle a parfois appelé une « punchline » ou un « coup de com » « mais pas un coup improvisé », a souligné Christophe Barbier sur BFM TV, qui estime que la formule était mijotée depuis plusieurs jours. Et en effet, si la mise en scène était impeccable, le texte n’était pas très original. En réalité, le slogan de Donald Trump (qui a pris soin de le déposer, alors qu’il avait déjà été utilisé par Ronald Reagan sous la forme « Let’s make America great again ») a fait l’objet de nombreux détournements.

« Make Europe great again » a été largement utilisé au cours de la campagne électorale allemande par les partisans de Martin Schulz. Plaisantins et opportunistes ont imaginé, entre autres, « Make coal great again », « Make gin great again », « Make emoji great again », « Make the Internet great again » et même « Make periods great again », nom d’un site web créé par le fabricant de tampons hygiéniques Lola ! « Make Earth great again » est devenu le titre d’un web-sermon du pasteur James Hein et d’une affiche mettant en scène Donald Trump et Vladimir Poutine. Ainsi était-il amplement démontré que « Make America great again » était propice aux recyclages. Encore fallait-il saisir la bonne occasion, ce qu’Emmanuel Macron a remarquablement réussi.

Google Trends révèle un courant de recherches antérieur au 1er juin 2017 sur
des phrases comme "Make our planet great again" ou "Make the world great again"


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[i] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 113 et s.

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