Affichage des articles dont le libellé est Kärcher. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Kärcher. Afficher tous les articles

13 février 2022

Valérie Pécresse à la recherche d’une petite phrase bien à elle

La place réelle des petites phrases dans les campagnes électorales est d’autant plus difficile à apprécier que certains protagonistes préfèrent éviter cette locution un peu sulfureuse. Ce qui complique la recherche par mots-clés et l’analyse lexicologique... Wally Bordas, Emmanuel Galiero et Marion Mourgue en livrent un excellent exemple. Ils se sont penchés, dans Le Figaro du 12-13 février, sur les difficultés de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse.

Valérie Pécresse est une élue expérimentée, elle a bénéficié d’une formation universitaire prestigieuse, sa santé physique et psychologique paraît excellente, sa santé financière aussi, elle est entourée par une équipe solide et dispose aisément des 500 signatures fatidiques. Que demande le peuple ? Pourtant, de l’avis général, sa campagne connaît un trou d’air.

 
Serait-ce parce qu’elle veut trop bien faire ? « Lorsqu’elle a un discours, elle est trop scolaire et elle veut tout dire », déclare aux journalistes un élu Les Républicains non identifié. Dans son entourage, Philippe Juvin, soutient cette ligne : « Est-ce que les gens n’en ont pas soupé, des grandes promesses grandiloquentes ? Est-ce que les Français n’ont pas envie de rigueur, de calme et d’une vraie colonne vertébrale ? » Mais il ne faut pas confondre le fond et le ton : on peut très bien faire avec calme des promesses inconsidérées. Et Philippe Juvin, avec 3,13 % des voix à la primaire de la droite, n’a pas vraiment démontré sa capacité à toucher les électeurs.

L’inverse des grandes promesses, ce n’est pas le calme, c’est la petite phrase. « En campagne, il faut faire du sale, être de mauvaise foi, il faut y aller ! », assure un parlementaire LR cité par Le Figaro. « Il faut qu’elle sorte les crocs, qu’elle morde », ajoute un autre à l’attention de Valérie Pécresse. De toute évidence, ils songent à une petite phrase « assassine ». Mais la saleté et la mauvaise foi ne sont pas indispensables. « Monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur » est l’une des petites phrases les plus violentes restées dans l’histoire des campagnes électorales. « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » est un chef d’œuvre de vacherie vêtu de probité candide.

Les limites des emprunts

En tout cas, c’est clairement sur une petite phrase que compte sans l'expliciter l’équipe de campagne de Valérie Pécresse. « Trouvera-t-elle les mots qui firent florès dans d’autres campagnes, le "petit Français de sang mêlé" , ou le "travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, le "mon ennemi c’est la finance" de François Hollande ? » demande Le Figaro. « "On ne l’a pas encore", concède un stratège, "c’est une vraie question. Mais on y travaille." » Autrement dit, Valérie Pécresse est bien à la recherche de sa petite phrase. Celle-ci devrait être au centre de son grand meeting, ce dimanche au Zénith de Paris.

Le côté BCBG de la candidate ne facilite pas l’exercice. Elle n’y est pas fermée, cependant. Elle l’a montré avec « il faut ressortir le Kärcher » et « Macron a cramé la caisse ». Mais ce sont des citations, non des formules personnelles. Le Kärcher, bien sûr, est une allusion au Nicolas Sarkozy de 2005. Et « il a cramé la caisse » reprend une critique de Laurent Wauquiez à l’égard d’Alain Juppé pour sa gestion de la ville de Bordeaux. Citation encore quand, recevant un prix du Trombinoscope le 10 février, Valérie Pécresse compare la campagne électorale à La Guerre des étoiles et elle-même au Retour du Jedi.

La comparaison a soulevé plus de ricanements que de compliments. Il faudra faire mieux. Trouver une petite phrase au croisement exact de ce que la candidate peut dire et de ce que les Français souhaitent entendre dire. Pas facile.

Michel Le Séac’h

Mise à jour à 17h30 : de toute évidence, Valérie Pécresse n'a pas encore trouvé SA petite phrase. Le temps presse désormais.

Illustration : copie partielle d’écran, tweet de LCP sur la remise du prix du Trombinoscope

07 janvier 2022

Valérie Pécresse : « il faut ressortir le Kärcher »

« Je vais ressortir le Kärcher de la cave », assure Valérie Pécresse dans un entretien à La Provence. Puis, dans un tweet : « Il faut ressortir le Kärcher qui a été remisé à la cave par Hollande et Macron depuis plus de dix ans ». Et encore, dans la soirée du 6 janvier, sur son compte Twitter de campagne : « "Je veux que la peur change de camp. Les voyous, les dealers, les mafieux, les prêcheurs de haine, c’est eux qu’il faut harceler, traquer et priver de leurs droits civiques. Je passerai le kärcher. »

« Il faut ressortir le Kärcher » est aussitôt qualifié de « petite phrase » par de nombreux médias comme Télé 7 jours (« Petites phrases : Valérie Pécresse fait plus fort qu'Emmanuel Macron et propose de "ressortir le Kärcher" ! ») ou Gala.

Bien entendu, ce « Kärcher » est l’écho d’une déclaration de Nicolas Sarkozy en 2005. Alors ministre de l’Intérieur, il promettait de « nettoyer la racaille au Kärcher ». Plus de quinze ans après, la formule reste fameuse et clivante.

Valérie Pécresse aurait pu tenter une petite phrase originale, qui lui aurait été propre, pour afficher une intention sécuritaire. Mais elle aurait eu du mal à imprimer, la candidate en est sûrement consciente, faute d’une cohérence cognitive avec son image personnelle assez lisse. 

 « Une expression qu’on attendrait plus dans la bouche d’un jeune du 9.3 que dans celle d’une élue biberonnée entre Neuilly et Versailles »remarque Benoït Gaudibert dans L’Est républicain. Mais justement, l'un des buts de la manœuvre est probablement de corriger son image ! Réutiliser une petite phrase célèbre, c’est récupérer aussi son message, ses sous-entendus. L’industriel Kärcher n’en est peut-être pas ravi, mais ce n’est pas sa réputation d’efficacité que Valérie Pécresse entend exploiter. C’est la réputation d’énergie de Nicolas Sarkozy. Récupération qui n’est pas sans risque : tous ses concurrents de droite s’empressent de rappeler que l’ancien président, finalement, n’a guère utilisé son Kärcher.

Petites phrases recyclées

Le recyclage de petite phrase n’est pas propre à Valérie Pécresse. La méthode a déjà fait la preuve de son efficacité. Par exemple quand Emmanuel Macron recycle une phrase de Donald Trump, « Make our planet great again ». Ou, bien auparavant quand, lors de la campagne présidentielle de 1988, François Mitterrand glisse ironiquement à Jacques Chirac : « Vous n’avez pas le monopole du cœur pour les chiens et les chats », reprenant la petite phrase de Valéry Giscard d’Estaing qui, selon certains, avait tranché le sort de l’élection de 1981 (« Vous n’avez pas le monopole du cœur »).

Ce genre d’exercice a ses limites. Un leader ne peut se contenter de reprendre les paroles des autres. On ne connaît pas de petite phrase recyclée qui soit devenue un mot historique.

Mais Valérie Pécresse n’a pas renoncé à imposer ses propres petites phrases. Au contraire : quand elle accuse Emmanuel Macron d’avoir « cramé la caisse », elle impose sa marque. Et peut-être Emmanuel Macron est-il inspiré par ce parler relâché quand il dit vouloir « emmerder les non-vaccinés » !

Ce qui pourrait signifier que les candidats à la présidentielle de 2022 ont fini par redécouvrir cette face méconnue de la communication politique que sont les petites phrases. Comme avant eux Manuel Valls, marchant explicitement sur les traces de Clemenceau (ce qui prouve au passage que les petites phrases ne peuvent pas tout…).

Michel Le Séac’h

09 septembre 2020

« Le Kamasutra de l’ensauvagement », une imprudence de la part d’Emmanuel Macron

Interrogé le 8 septembre sur le mot « ensauvagement », Emmanuel Macron répond : « Ce qui m’importe ce sont les actes, pas les mots ». Est-ce une manière d’enterrer la querelle de vocabulaire entre son ministre de la Justice et son ministre de l’Intérieur autour de cet « ensauvagement » ?


Hélas le président de la République ajoute aussitôt, à l’attention de la presse et devant les caméras : « Avec les commentaires, vous avez fait le Kamasutra de l'ensauvagement, depuis quinze jours, tous ensemble. Donc je vous laisse à votre Kamasutra. Ce qui m'importe, c'est le réel ! » Si l’on veut se débarrasser d’un mot, il ne faut pas y revenir, il faut éviter de le prononcer soi-même.

Surtout si c’est pour le rendre encore plus saillant en l’accolant à un mot encore plus remarquable, « Kamasutra ».

Dans la bouche du président de la République, le « Kamasutra de l’ensauvagement » est une critique à l’encontre de la presse. N’empêche que c’est lui qui en parle. C’est dans sa bouche que sont les mots. Or la connotation sexuelle du nom « Kamasutra » en fait une bombe sémantique.

Cette sortie manifestement pas préparée paraît éminemment dangereuse pour Emmanuel Macron. La presse française a toujours respecté la vie privée des présidents de la République. François Mitterrand a pu vivre une double vie pendant ses deux mandats. L’opinion publique n’a pas cette réserve – et elle dispose aujourd’hui de moyens accrus pour se livrer à la médisance. L’histoire sentimentale particulière d’Emmanuel Macron stimule les fantasmes. Des anicroches comme le statut à part de Benalla ou le selfie avec un jeune Antillais torse nu les ont aggravés. Les réseaux sociaux et les courriers des lecteurs en témoignent abondamment. Certains s’empressent de voir dans la plaisanterie un peu leste la pointe de l’iceberg de préoccupations inavouables.

Le « Kamasutra » risque de coller à Emmanuel Macron comme le « détail » à Jean-Marie Le Pen, la « bravitude » à Ségolène Royal ou le « Kärcher » à Nicolas Sarkozy. Il risque de réapparaître à tout bout de champ, dans un recyclage permanent au fil des priorités du gouvernement : Kamasutra de la relance, Kamasutra de l’innovation, Kamasutra des gestes barrières… Si la crise sanitaire et économique s’aggrave, il pourrait prendre un côté « qu’ils mangent de la brioche » tout à fait dommageable.

Michel Le Séac’h