Emmanuel Macron s’est donc déclaré candidat à la présidence
de la République. Pré-annoncée depuis plusieurs jours, cette candidature
n’était pas suffisante pour marquer l’opinion. Quelle petite phrase l’ancien
ministre de l’économie allait-il jeter en pâture à la presse et aux
internautes, afin qu’ils en fassent des titres et des tweets qui s’inscriraient
dans les esprits ?
On la cherche en vain. Une bonne partie de la presse semble
avoir retenu par défaut « Je suis candidat à la
présidence de la République », qui ne contient en réalité
aucun message. Cette assertion n’est ni neuve, ni spécifique, elle n’a pas de quoi étonner. Pour un homme politique, sans doute, elle formalise un moment solennel nouveau pour lui, celui où il franchit le Rubicon. Mais l’opinion publique l'a déjà entendue cent fois, et pour elle Emmanuel Macron faisait déjà partie des présidentiables potentiels. Cette formule a pu constituer une petite phrase dans la bouche d'un Coluche, certainement pas dans celle d’un ancien ministre.
Quelques médias ont préféré retenir : « Je place ma
candidature sous le signe de l’espérance ». Les perspectives de cette
formule sont à peine meilleures. Pour deux raisons :
- Elle est exprimée à la première personne, et même doublement, par le pronom « Je », sujet de la phrase, et par l’adjectif possessif « ma ». Cette construction n’est pas propice aux petites phrases[1]. Elle ne favorise pas la projection du public : fort peu de gens se prennent pour Emmanuel Macron.
- Elle
ne prescrit pas au public une attitude ou un comportement. Le mécanisme
mental mis en jeu par les petites phrases les plus efficaces remonte probablement
à l’aube de l’humanité : à l’instar des dictons, elles fonctionnent
comme des heuristiques, elles disent quoi faire sans avoir à y réfléchir.
Or l’espérance est une attitude passive, elle n’a jamais évité à personne
de s’empoisonner avec un champignon vénéneux ou d’être dévoré par un tigre
à dents de sabre. Le pape Jean-Paul II l’avait bien compris : quand
il a publié une encyclique sur l’espérance, en 1994, il l’a intitulée Entrez
dans l’espérance. Ce titre forgé sur un verbe d’action à la deuxième
personne de l’impératif est resté dans beaucoup de mémoires. (Qui se
souvient en revanche de la formule passive Spe Salvi –
« Sauvés dans l’espérance » ‑ titre d’une encyclique publiée par
Benoît XVI en 2007 ?)
Emmanuel Macron n'a pas de chance avec les petites phrases quand il ne les a pas calculées. Mais quand l'occasion se présente, il ne la saisit pas. Manque d'expérience sans doute.
Bien entendu, le sort d’une petite phrase ne tient pas
seulement à son contenu. Il tient aussi à son auteur et à ses circonstances.
Emmanuel Macron partait avec un avantage : homme en vue, il était certain que
la presse s’intéresserait à ses propos. En guise de cadre, il avait retenu
l’atelier d’un centre de formation à la réparation automobile. Ce choix
symbolique semblait habile. Mais dans ce lieu de travail, on avait installé une
tribune à fond bleu décorée d’un drapeau français et d’un drapeau européen. En
fin de compte, les téléspectateurs l’ont vu s’exprimer dans un cadre aussi
institutionnel que possible, tel qu’on en voit à l’Élysée ou dans n’importe
quel ministère lors des déclarations officielles. Ce qui ne connotait pas
l’idée d'un personnage neuf en rupture avec le milieu politique traditionnel. Paradoxalement, cette erreur d’un candidat inexpérimenté
donne de lui l’image d’un homme du sérail !