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24 octobre 2016

« Ça va mieux » : la petite phrase pas assez crédible de François Hollande

François Hollande est plus réputé pour ses petites blagues (« Gouverner c’est pleuvoir »….) que pour ses petites phrases[1]. Il s’essaie néanmoins à celles-ci. Gérard Davet et Fabrice Lhomme racontent dans Un président ne devrait pas dire ça… (Stock) la genèse de son « ça va mieux », qu’ils qualifient eux-mêmes de « petite phrase ». La formule date du 14 avril dernier. Le président de la République cherchait à défendre son bilan au cours de l’émission Dialogues citoyens sur France 2.

Ce n’était pas une parole en l’air : elle avait été pensée avec soin. Davet et Lhomme assurent que le président de François Hollande l’avait testée auprès d’eux dès le mois de juin 2015 puis, à quatre reprises, lors d’un même entretien en octobre 2015. « Avec le recul, il est permis de se demander si, bien involontairement, on ne lui a pas permis, ce jour-la, de synthétiser son discours positif en une formule », conjecturent-ils.

Ils reproduisent ensuite le commentaire livré par François Hollande lui-même : « Je ne l'improvise pas, je l'avais préparée, nous confirme-t-il quelques semaines plus tard. On dit : "Comment ça va ?" Et on répond : "ça va mieux." J'ai eu conscience que cela pouvait heurter, une formule comme celle-là, notamment pour beaucoup, la majorité peut-être, qui considèrent que ça ne va pas forcement mieux pour eux. Ce n’est pas "vous allez mieux", qui là aurait été inopportun, c'est "ça", quelque chose de plus global, de plus impersonnel. La politique, c'est un message. Un slogan Le meilleur slogan, c'est celui qu'on trouve tout seul, qui correspond à ce que l’on ressent. »

Une petite phrase sert à marquer les esprits. Tel était bien l’objectif de François Hollande, cité à nouveau par Davet et Lhomme : « Qu'est-ce qu'on retiendra de cette émission ? Le "ça va mieux", se félicite-t-il encore. Et le fait est que c'était un point de départ Ce que je voulais, c'est que cette émission corresponde à une séquence. » Mais avait-il vraiment lieu de s’en féliciter ?

Une petite phrase bien répétée mais mal acceptée

Pour qu’une petite phrase s’impose dans l’opinion, il faut d’abord qu’elle soit répétée. François Hollande le sait : dans les semaines suivantes, il a repris la sienne à plusieurs reprises, par exemple le 17 mai sur Europe 1, et l’a fait propager par ses proches et le parti socialiste. Cela n’a pas échappé à BFM TV, qui y a vu « une phrase-clé de la stratégie du Président » et même « le nouvel axe de campagne de François Hollande ».« Cette phrase s’est muée en leitmotiv gouvernemental », notait à son tour Europe 1 début septembre.

François Hollande a en revanche oublié une autre condition : pour qu’une petite phrase s’impose, il faut aussi qu’elle soit compatible avec l’état d’esprit du public. Comme le révèle son commentaire à Davet et Lhomme (voir plus haut), il savait que sa formule allait choquer. Il est quand même allé au casse-pipe la fleur au fusil ! La dissonance cognitive est fatale. Là était bien le défaut originel du « ça va mieux » : un sondage BVA révélait fin mai que 84 % des Français n’y croyaient pas. Peut-on à l’aide d’une petite phrase inverser un tel score, même avec l’aide de faits objectifs ? « Retrouver collectivement le goût de l'avenir, ce n'est pas dire aux Français qu'ils ont une perception fausse de leur présent », soulignait à juste titre Emmanuel Macron dans un entretien avec le Journal du Dimanche début septembre.

Il s’en est même fallu de peu que la petite phrase devienne une « petite antiphrase ». « La phrase "Ça va mieux" est-elle devenue un slogan contre le président de la République ? » demandait rhétoriquement Marie-Pierre Haddad sur le site de RTL. « Les Français ne sont pas de son avis. Quelques instants après son intervention à la télévision, le hashtag #Cavamieux est apparu sur les réseaux sociaux. La phrase a été détournée par les internautes qui se sont empressés de rappeler les débordements dus à la loi Travail avec la photo d'un CRS frappant au ventre une femme, mais aussi les chiffres du chômage. Fabrice Luchini qui se définit comme quelqu'un de "centre droit",  confie dans un entretien au Journal du Dimanche qu'"il faut qu'Hollande arrête de dire que ça va mieux, parce que les gens ne le vivent pas comme ça". »

Heureusement pour François Hollande, cet effet négatif n’a pas été très prononcé – tout simplement parce que sa petite phrase n’a guère été remarquée au-delà du cénacle des commentateurs politiques. Google Trends (ci-dessous) ne révèle qu’une faible hausse des recherches sur l’expression « ça va mieux » dans les semaines suivant le 14 avril, avec un point culminant seulement un mois plus tard et un net recul ensuite. Lui qui déplore n’avoir « pas eu de bol », il a plutôt eu de la chance de s’en tirer cette fois à si bon compte.


Michel Le Séac'h 


[1] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, Paris, 2015, p. 59 s.