Les mots d’esprit ne sont pas des petites phrases : ils s’adressent à l’intelligence et ne « marquent » pas durablement*. Mais la formule de Lineker est davantage qu’un mot d’esprit. À l’époque, en 1990, l’Allemagne affichait un mental de vainqueur. Elle avait battu l’Angleterre en demi-finale avant d’écraser l’Argentine en finale. « Et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne » exprimait une réalité forte.
Mais s’agissait-il d’un message défaitiste ? Une petite phrase prescrit une attitude ou un comportement, mais elle vise à favoriser la survie. Elle n’engage jamais à baisser les bras. Celle-ci ne tend-elle pas à décourager les équipes confrontées à l’Allemagne ? Peut-être, mais ce n’est pas ce qui en fait une petite phrase. Le vaste public qui l’a en tête ne contient sûrement qu’un petit nombre d’internationaux de football ! Il est formé de téléspectateurs… qui préfèrent « supporter » l’équipe victorieuse quand leur propre équipe nationale n’est plus en lice. Plus directement encore, « c’est l’Allemagne qui gagne » pouvait passer pour un conseil avisé auprès de la nation de parieurs qu’est l’Angleterre !
Comme souvent, la petite phrase a été optimisée par le public, au moins en VF. Lineker avait dit en réalité : « Le football est un sport simple, vingt-deux hommes courent derrière un ballon pendant 90 minutes et à la fin les Allemands gagnent toujours » (« Football is a simple game; 22 men chase a ball for 90 minutes and at the end, the Germans always win »). La suppression du ballon a simplifié la formule.
Michel Le Séac'h
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* Voir Michel Le Séac'h, La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?, p. 205.
Photo TottenhamFan, Flickr, CC licence 2.0
1 commentaire:
Très intéressant, merci! Excellent blog!
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