Interrogé par Gilles Bouleau et Léa Salamé, Emmanuel
Macron s’est exprimé en direct devant les Français le 14 juillet. Questionné sur la « détestation » qu’il pouvait susciter, il a déclaré dès la
troisième minute de ce long entretien :
le jeu des maladresses,
parfois des phrases sorties de leur contexte d'autres fois, de l'opposition, de
la vie politique a fait que cette détestation a pu être alimentée.
Derrière ces « phrases » du président de la
République, certains ont même entendu spontanément « petites phrases »,
comme France
2, Le
Figaro, Challenges
ou Nice
Matin. Elles font
évidemment songer au « carré macronien » : « je
traverse la rue », « les Gaulois réfractaires », « un
pognon de dingue » et « des gens qui ne sont rien ».
Le thème de la petite phrase « sortie de son
contexte » est un
grand classique de la vie politique. Ce n’est pas une nouveauté pour
Emmanuel Macron. En septembre 2017, peu après son élection donc, il déplorait
devant des journalistes : « J'ai fait un discours important à
Athènes, vous avez choisi une phrase sortie de son contexte » (en l’occurrence :
« je ne céderai rien devant les fainéants »).
Les théoriciens de l’analyse du discours ont créé un mot
pour désigner le phénomène d’extraction d’un fragment de texte :
aphorisation. Une
petite phrase est une aphorisation, précise Dominique Maingueneau. L’aphorisme
se suffit à lui-même. Il n’a pas besoin d’un contexte.
Cependant, il serait difficile de considérer « les
Gaulois réfractaires » ou « je ne céderai rien devant les fainéants »
comme des aphorismes. Le problème de ces petites phrases prises en mauvaise
part est en fait que leur auteur ne leur attache pas le même sens, la même
valeur, que son auditoire. Le premier considère qu’elles disent quelque chose
du monde. Le second considère qu’elles disent quelque chose du premier. Et ce
quelque chose ne lui plaît pas.
Emmanuel Macron l’a compris, ou presque. Dans le même
passage de son entretien du 14 juillet, il admet :
j'ai sans doute laissé
paraître quelque chose que je ne crois pas être profondément, mais que les gens
se sont mis à détester.
Quand un leader politique se plaint qu’on arrache des petites
phrases à leur contexte, il entend par « contexte » le texte dont
elles sont issues. Mais le véritable contexte du discours d’un leader
politique, c’est le peuple.
Michel Le Séac’h
Illustration : copie d’écran https://www.youtube.com/watch?v=ojdZ7VGbqSw
(à 2 :58)