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09 octobre 2024

Gérald Darmanin : un répertoire de petites phrases à reconstruire, si c’est possible

« Le budget tel qu’il est annoncé me paraît inacceptable », fulmine Gérald Darmanin sur FranceInfo le 3 octobre. La faute à 20 milliards d’euros d’impôts nouveaux. Au nom d’une somme qui représente 1,1 % de la dépense publique totale, il entre en rébellion contre un Premier ministre soutenu par son propre parti et nommé par un président qu’il a lui-même servi pendant sept ans.

« Je me suis engagé devant les électeurs de Tourcoing et de ma circonscription : pas d’augmentation d’impôt – je ne voterai aucune augmentation d’impôt », affirme l’ex-ministre de l’Intérieur. Les promesses faites aux électeurs, divers commentateurs en ont vu d’autres et soupçonnent plutôt Gérald Darmanin, redevenu simple député, de chercher plutôt à faire encore les gros titres. Une sorte de déformation professionnelle, peut-être. « Gérald Darmanin est un peu le ministre des polémiques », assurait Renaud Dély sur Radio France (https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-edito-politique/edito-gerald-darmanin-s-est-il-rendu-indispensable-a-emmanuel-macron_5713427.html) du temps du gouvernement précédent. « La fonction y est pour beaucoup. Un locataire de la place Beauvau transparent, qui ne fait pas de vagues, passe vite pour un faible aux yeux de l’opinion. Et puis Gérald Darmanin aime les petites phrases choc, les formules provocatrices. »

Dès ses débuts au gouvernement comme ministre de l’Action et des comptes publics, en 2017, Gérard Darmanin apparaissait comme « le miracle macroniste », selon l'expression de Frédéric Says sur France Culture (https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-billet-politique/gerald-darmanin-le-miracle-macroniste-8769060). Ce qui lui valait cette appréciation flatteuse était « d’abord, un goût inaltéré pour la petite phrase bien placée (…) il n'hésite pas à monter au front, le doigt sur la gâchette, la répartie à la bouche. »

Sarkozy et Darmanin

Devenu ministre de l’Intérieur, en 2020, Gérald Darmanin apparaît comme « un ministre omniprésent qui joue la carte du terrain et des petites phrases », selon Marie-Pierre Haddad sur RTL (https://www.rtl.fr/actu/politique/darmanin-un-ministre-omnipresent-qui-joue-la-carte-du-terrain-et-des-petites-phrases-7800742743). « En plus de ses nombreux déplacements et de la publication régulière et à un rythme soutenu de tweets, Gérald Darmanin a aussi eu recours à la stratégie de la petite phrase. » Ce n’est pas un comportement original : Gérald Darmanin s’inscrit « dans les pas de Nicolas Sarkozy qui a occupé le même poste de 2005 à 2007 (…) pour couvrir un maximum de terrain politique. »

Sarkozy et Darmanin : la comparaison est inéluctable. « Quand je vois Gérald Darmanin, je vois la méthode Sarkozy », s’étonne un syndicaliste policier  cité par Antoine Albertini dans Le Monde (https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/07/06/gerald-darmanin-aux-petits-soins-avec-la-police_6180798_823448.html). « Un discours sécuritaire, la petite phrase qui fait polémique mais aussi des moyens, du matériel, des hausses de rémunération ». Mais si les méthodes se ressemblent, les objectifs sont-ils les mêmes ?

Avec des formules comme « on va nettoyer au Kärcher la cité », en 2005, Sarkozy visait sans nul doute l’Élysée. Il était quinquagénaire. Gérald Darmanin n’a aujourd’hui que 41 ans. « Gérald Darmanin s’émancipe peu à peu d’Emmanuel Macron et vise de plus en plus clairement la présidentielle 2027 » assure néanmoins Florent Buisson dans Le Monde en 2023. « Un cas de figure qui rappelle à certains égards le Nicolas Sarkozy du début des années 2000 » (https://www.parismatch.com/actu/politique/ressemblances-et-differences-gerald-darmanin-et-nicolas-sarkozy-la-loupe-228595). 

Le communicant Nicolas de Chalonge évoque lui aussi « l’héritage tactique sarkozyste que porte Gérald Darmanin, consistant précisément à faire siens des termes ou thématiques forgées à l’extrême droite pour créer des séquences médiatiques » (https://www.motscles.net/blog/novlangue/ensauvagement). Témoin « l’ensauvagement » : l’expression ne date pas d’hier mais « ce n’est que depuis cet été [2020] et son utilisation par Gérald Darmanin qu’elle acquiert le statut de formule ou de petite phrase politique. »

Au service d’Emmanuel Macron, et après ?

Cependant, Philippe Moreau-Chevrolet, cité par Marie-Pierre Haddad, voit plutôt derrière Darmanin ‑ derrière ce Darmanin-là ‑ la main d’Emmanuel Macron. Ce dernier l’aurait transféré au ministère de l’Intérieur en 2020 pour occuper le terrain dans la perspective d’une élection présidentielle de 2022 qui se jouerait à droite : « En s'exposant médiatiquement en première ligne, l'ancien membre des Républicains veut éviter à Emmanuel Macron de devoir intervenir sur ces sujets. Faire monter les thèses du Rassemblement national puis revenir rapidement sur des bases républicaines, voilà la stratégie d’Emmanuel Macron ».

De fait, les formules choc de Gérald Darmanin apparaissent plutôt comme des armes tactiques. Leur espérance de vie, en général, est brève : une nouvelle phrase chasse la précédente. « Ensauvagement : une phrase choc, à durée de vie limitée », écrit par exemple Nicolas de Chalonge. Cette mission tactique au service d’un président peut-elle coïncider avec une stratégie personnelle de conquête de l’Élysée ? Gérald Darmanin est-il à la fois un bon petit soldat et un futur leader ? Grâce à des déclarations comme «  il faut stopper l'ensauvagement d'une certaine partie de la société » ou « les trafiquants de drogue vont arrêter de dormir », il se construit activement un ethos autoritaire à partir de l’été 2020. Mais, sans doute pour ne pas se trouver enfermé sur un terrain occupé par le RN, il tente aussi, dans un « en même temps » tout macronien, de s’en distancier, en particulier sur les thèmes relatifs à l’immigration.

Une petite phrase est emblématique à cet égard. Interrogé au Sénat sur l’identité des personnes interpellées lors des émeutes du début de l’été 2023, il répond : « Oui il y a des gens qui, apparemment, pourraient être issus de l’immigration. Mais il y a eu beaucoup de Kevin et de Mathéo, si je peux me permettre ». L’année d’avant, contre toute évidence, il avait incriminé les supporters anglais dans les troubles qui avaient entouré la finale de la Ligue des Champions. Tout en portant la loi Asile & immigration, il compte ouvertement qu’elle sera retoquée par le Conseil constitutionnel.

Rebondir à gauche

Et puis, chaque fois que l’occasion lui en est donnée, il ne manque pas d’évoquer son grand-père tirailleur algérien et sa mère prolétaire : « le petit-fils d'immigré, le fils de femme de ménage que je suis serais indigne de ses responsabilités si (...) il oubliait la chance qu'il a de servir son pays. » En quittant le gouvernement, en septembre 2024, il gauchit son ton : « Je m'appelle Gérald Moussa Jean Darmanin. (...) Il est assez évident, si nous sommes honnêtes, que si je m'étais appelé Moussa Darmanin, je n'aurais pas été élu maire et député, et sans doute n'aurais-je pas été ministre de l'Intérieur du premier coup ». Cette étrange déclaration paraît faire écho aux accusations de « racisme systémique » adressées par l’extrême-gauche à la société française.

Il est peu probable que de telles proclamations suffisent à le rabibocher avec la gauche après tant de positions sécuritaires. « Gérard Darmanin découvre le racisme le jour de son départ du ministère de l’Intérieur », titre Libération le 23 septembre. « Trop facile ! » commente Rachid Laireche (https://www.liberation.fr/societe/immigration/gerald-darmanin-decouvre-le-racisme-le-jour-de-son-depart-du-ministere-de-linterieur-20240923_GV7VXLW5HVBNFLK33WZIEFQHYQ/). Mais elles brouillent à coup sûr son image à droite et embarrassent son propre camp. En tout état de cause, se costumer en immigré bien assimilé ne serait probablement pas une voie royale vers l’Élysée aujourd’hui. À tenter de construire deux ethos contradictoires, il est probable que Gérard Darmanin heurte dans l’électorat deux pathos irréconciliables. Le « en même temps » façon Emmanuel Macron paraît avoir fait son temps, s’il en a jamais eu un.

Plus qu’un soupçon de mysoginie

Par ailleurs, Gérald Darmanin pourrait souffrir d’une autre faiblesse. Dans le débat politique, une bonne partie des petites phrases servent à affirmer des relations de pouvoir – surtout quand elles sont prononcées lors de débats entre personnalités. Or il paraît plus à l’aise dans le registre du mépris que dans celui de l’autorité. Pire, cette attitude se manifeste particulièrement à l’égard des femmes – quand il évoque Marine Le Pen, Raquel Garrido, Christiane Taubira ou Giorgia Meloni. Voire quand il parle de son propre camp. Le jour où on lui demande si « c’est sympa » de travailler avec Élisabeth Borne, alors première ministre, il répond : « C’est professionnel ».

La plus toxique de ces petites phrases restera sans doute sa sortie à l’égard d’Apolline de Malherbe, qui lui posait une question délicate sur BFM TV : « Calmez vous madame, ça va bien se passer… ça va bien se passer… ça va bien se passer ! »  Le podcast Mansplaining (https://www.youtube.com/watch?v=38RqrvP3no0) estime que « cette petite phrase (…) a fait polémique pour sa misogynie. Mais le problème est en réalité plus profond. Non, Gérald Darmanin, ça ne va pas "bien se passer" ». La vidéo est impitoyable : l’air supérieur de Gérard Darmanin insupporte beaucoup de femmes. « Je pense que Gérald Darmanin n’aurait probablement pas dit cela à un homme », commente la journaliste. Le ministre s’excusera plus tard mais il a commis « une petite phrase qui pourrait le poursuivre longtemps », estime Décideurs Magazine (https://www.decideurs-magazine.com/politique-societe/53709-politique-les-pires-petites-phrases-de-2022.html). L’équivalent pour Darmanin de « la République c’est moi » pour Mélenchon ? En tout cas un épisode toxique qui réapparaîtra le jour où Gérald Darmanin aspirerait à de hautes fonctions.

Michel Le Séac'h

°°°

Florilège

Gérald Darmanin est prodigue en déclarations tonitruantes. Les déclarations ci-dessous ont été qualifiées de « petites phrases » par un ou plusieurs médias. Cependant, elles ne le sont que de façon minoritaire, ce qui pourrait dénoter que leur force est limitée :

·         « La différence avec vous, madame Le Pen, c'est que Judas restera dans l'Histoire », octobre 2017

·         « Wauquiez a fait allemand première langue. Il est peut-être normalien mais il n’a rien de normal », février 2018

·         « Il n'y a pas deux catégories de Français, il n'y a pas deux catégories de territoires », mars 2018

·         « ce que c’est de vivre avec 950 euros par mois quand les additions dans les restaurants parisiens tournent autour de 200 euros lorsque vous invitez quelqu’un et que vous ne prenez pas de vin », novembre 2018

·         « Il manque sans doute autour [d’Emmanuel Macron] des personnes qui parlent à la France populaire, des gens qui boivent de la bière et mangent avec les doigts », décembre 2019

·         «  Il faut stopper l'ensauvagement d'une certaine partie de la société », juillet 2020

·         « Quand j’entends le mot "violences policières", moi, personnellement, je m’étouffe », juillet 2020, six mois après la mort de Cédric Chouviat, mort après avoir dit « j’étouffe » lors d’un placage ventral (affaire pas encore jugée)

·         « Le brigadier Benmohamed a dénoncé -alors pardonnez-moi de vous le dire, mais c’est exactement ce qu’il y a à ma connaissance- avec retard -c’est d’ailleurs ce qui lui est un peu reproché, on en reparlera plus tard si vous le souhaitez- a dénoncé ces camarades qui auraient, je mets du conditionnel, mais les faits reprochés sont graves, énoncer des insultes à caractère sexistes, homophobes et racistes », juillet 2020

·         « Les trafiquants de drogue vont arrêter de dormir », août 2020

·         « Moi, ça m'a toujours choqué de rentrer dans un supermarché et de voir en arrivant un rayon de telle cuisine communautaire et de telle autre à côté. C'est mon opinion, c'est comme ça que ça commence le communautarisme », octobre 2020

·         « C'est aux Marocains de s'occuper des mineurs marocains, c'est une évidence, nous devons les ramener sur leur territoire national », octobre 2020

·         « Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu », janvier 2021

·         « Il vous faut prendre des vitamines, je ne vous trouve pas assez dure là », février 2021

·         « "Calmez-vous Madame, ça va bien se passer » (à Apolline de Malherbe), février 2022

·         « C’est la faute des supporters anglais », mai 2022

·         « Je n’ai pas à donner la nationalité des personnes que nous interpellons », juin 2022

·         « Nous devons parler aux tripes des Français »», juillet 2022

·         « La Nupes ne cherche qu’à bordéliser le pays », janvier 2023

·         « "Moi, j’espère avoir une sorte de contrat moral avec le président de République. C’est comme cela que j’ai compris ma mission qui est d’aller jusqu’aux jeux Olympiques », février 2023

·         «  "Pardon de cette provocation, mais je l'ai dit à la représentante du Front national (sic) : si je devais virer tous les étrangers qui travaillent en France, il n'y aurait pas beaucoup ou en tout cas moins de curés dans les paroisses en France », février 2023

·         « Je refuse de céder au terrorisme intellectuel », avril 2023

·         « Je ne connais pas la subvention donnée par l’État [à la LDH], mais ça mérite d’être regardé », avril 2023

·         « Mme Meloni, gouvernement d’extrême droite choisi par les amis de Mme Le Pen, est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue », mai 2023

·         « Le petit-fils d'immigré, le fils de femme de ménage que je suis serais indigne de ses responsabilités si (...) il oubliait la chance qu'il a de servir son pays. Je ferai ce que le président me dira de faire » mai 2023

·         « Oui il y a des gens qui, apparemment, pourraient être issus de l’immigration. Mais il y a eu beaucoup de Kevin et de Mathéo, si je peux me permettre », juillet 2023

·         « Ce qui m’intéresse, ce n’est plus de regarder ce qu’il s’est passé en 2017 et 2022. Ce qui m’inquiète maintenant, c’est ce qui se passera en 2027 », août 2023

·         « Je n’ai hérité d’aucune ville, d’aucune circonscription, je ne suis pas élu sur une liste à la proportionnelle. Je suis, c’est vrai, différent : d’origine modeste et issu de l’immigration, cela gêne peut-être », août 2023

·         « C’est professionnel » (en réponse à la question : « est-ce sympa de travailler avec Élisabeth Borne), octobre 2023

·         « La sécurité fait peu de bruit, l’insécurité en fait un peu plus  », octobre 2023

·         « [Karim] Benzema est en lien, on le sait tous, notoire avec les Frères musulmans...Nous nous attaquons à une hydre, qui sont les Frères musulmans, parce qu'ils donnent un djihadisme d'atmosphère », octobre 2023

·         « il m'est actuellement impossible d'expulser ou d'éloigner énormément de personnes sous OQTF, surtout lorsqu'elles ont commis des crimes et des délits, en raison des réserves d'ordre public inventées par le législateur », novembre 2023

·         « la majorité des députés ne représente pas la majorité des Français », décembre 2023

·         « Je suis très heureux que les joueurs de football ou de rugby viennent sur notre territoire et paient justement beaucoup d’impôts et font payer beaucoup d’impôts de recettes. Si Neymar n’était pas venu, aucun impôt n’aurait été payé, aucun maillot de foot n’aurait été vendu en son nom et aucune cotisation sociale ne serait rentrée », janvier 2024

·         « Après les Jeux olympiques, un cycle au ministère de l'Intérieur sera atteint », janvier 2024

·         « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS », janvier 2024

·         « Elle a de grands discours Mme Garrido, mais elle ne parle pas à ma maman qui est obligée de travailler jusqu'à plus de 67 ans pour avoir une retraite à peu près convenable, parce qu'elle n'est pas propriétaire de son patrimoine », février 2024

·         « [Jordan Bardella] c’est la politique du tango : un pas en avant, deux pas en arrière », juin 2024

·         « Je m'appelle Gérald Moussa Jean Darmanin. (...) Il est assez évident si nous sommes honnêtes, que si je m'étais appelé Moussa Darmanin, je n'aurais pas été élu maire et député, et sans doute n'aurais-je pas été ministre de l'Intérieur du premier coup », septembre 2024.


Photo Suella Braverman, UK Home Office, via Wikimedia, CC Attribution 2.5 Generic

09 septembre 2020

« Le Kamasutra de l’ensauvagement », une imprudence de la part d’Emmanuel Macron

Interrogé le 8 septembre sur le mot « ensauvagement », Emmanuel Macron répond : « Ce qui m’importe ce sont les actes, pas les mots ». Est-ce une manière d’enterrer la querelle de vocabulaire entre son ministre de la Justice et son ministre de l’Intérieur autour de cet « ensauvagement » ?


Hélas le président de la République ajoute aussitôt, à l’attention de la presse et devant les caméras : « Avec les commentaires, vous avez fait le Kamasutra de l'ensauvagement, depuis quinze jours, tous ensemble. Donc je vous laisse à votre Kamasutra. Ce qui m'importe, c'est le réel ! » Si l’on veut se débarrasser d’un mot, il ne faut pas y revenir, il faut éviter de le prononcer soi-même.

Surtout si c’est pour le rendre encore plus saillant en l’accolant à un mot encore plus remarquable, « Kamasutra ».

Dans la bouche du président de la République, le « Kamasutra de l’ensauvagement » est une critique à l’encontre de la presse. N’empêche que c’est lui qui en parle. C’est dans sa bouche que sont les mots. Or la connotation sexuelle du nom « Kamasutra » en fait une bombe sémantique.

Cette sortie manifestement pas préparée paraît éminemment dangereuse pour Emmanuel Macron. La presse française a toujours respecté la vie privée des présidents de la République. François Mitterrand a pu vivre une double vie pendant ses deux mandats. L’opinion publique n’a pas cette réserve – et elle dispose aujourd’hui de moyens accrus pour se livrer à la médisance. L’histoire sentimentale particulière d’Emmanuel Macron stimule les fantasmes. Des anicroches comme le statut à part de Benalla ou le selfie avec un jeune Antillais torse nu les ont aggravés. Les réseaux sociaux et les courriers des lecteurs en témoignent abondamment. Certains s’empressent de voir dans la plaisanterie un peu leste la pointe de l’iceberg de préoccupations inavouables.

Le « Kamasutra » risque de coller à Emmanuel Macron comme le « détail » à Jean-Marie Le Pen, la « bravitude » à Ségolène Royal ou le « Kärcher » à Nicolas Sarkozy. Il risque de réapparaître à tout bout de champ, dans un recyclage permanent au fil des priorités du gouvernement : Kamasutra de la relance, Kamasutra de l’innovation, Kamasutra des gestes barrières… Si la crise sanitaire et économique s’aggrave, il pourrait prendre un côté « qu’ils mangent de la brioche » tout à fait dommageable.

Michel Le Séac’h