On se bouscule aux portes de l’Assemblée nationale.
Interdiction du cumul des mandats et défaveur des partis traditionnels aidant,
une foule de jeunes députés vont entrer à l’Assemblée nationale le mois
prochain. Les vocations ne manquent pas : En Marche ! aurait reçu
19 000 demandes d’investiture. Tous partis confondus, 7 882 candidats
se présentent aux prochaines élections législatives. Beaucoup de novices sont
en train de faire leurs premières armes en communication politique.
Si vous êtes l’un d’eux, les petites phrases peuvent-elles
faire partie de votre arsenal ? Bien sûr. « Rendez à César ce qui
est à César » est une réplique prononcée par un homme de 33 ans,
dirigeant d’un obscur groupuscule local[1].
Deux millénaires plus tard, elle est probablement la petite phrase la plus
célèbre de tous les temps ; en tout cas, c’est la parole de Jésus-Christ
la plus souvent citée sur le web. Le cas n’est pas unique : la
petite phrase n’attend pas le nombre des années.
Vous trouverez beaucoup d’exemples et de remarques utiles
dans mon livre, La Petite phrase (Eyrolles, 2015). Mais déjà, n’oubliez
pas ces principes élémentaires :
1. Vous parlez pour un public
L’important n’est pas ce que vous avez à dire mais ce que
votre public doit entendre. Or il n’est pas prêt à tout entendre. Il est sourd
à certaines choses : celles-ci sont « inaudibles ». Et comme une
petite phrase fonctionne à l’aide de sous-entendus, ce qu’elle ne dit pas
expressément doit se trouver déjà dans l’esprit des auditeurs. Cela permet de
dire beaucoup en peu de mots. Et aussi d’invoquer un sentiment de
connivence : vous et votre public, vous êtes « sur la même longueur
d’onde ». Ce qui suppose que vous le connaissiez bien, que vos mots soient
les siens.
Si vous n’êtes pas certain d’être en phase avec votre
public, évitez les petites phrases qui risqueraient d'être comprises de travers. Si vous
voulez jouer la sécurité, contentez-vous de la langue de bois – des formules
admises par tous. Ainsi, ce que vous direz ne sera pas retenu contre vous. Ne
sera pas retenu du tout, d’ailleurs : ce que vous aurez dit sera oublié et
vous serez jugé sur votre bonne mine.
Bien entendu, votre public n’est pas forcément
homogène : vous pouvez vous adresser différemment à des publics ciblés
(les citoyens d’une commune, les partisans d’une cause, les adhérents d’un
parti, les praticiens d’un métier, etc.).
2. Une petite phrase utile doit être reprise
Si vous avez pris le soin de concevoir une petite phrase, ne
l’abandonnez pas à son sort. Elle ne s’inscrira dans l’esprit du public qu’à
condition de circuler et d’être répétée.
Vous avez évidemment une politique de présence sur les
réseaux sociaux. Utilisez-les pour diffuser votre petite phrase : faites
en un tweet, le titre d’un billet de blog, une publication sur Facebook, etc.
Demandez à votre équipe de la reprendre afin qu’elle soit lue un grand nombre
de fois. Lancez des discussions autour d’elle.
Si vous rédigez un communiqué de presse, mettez-y votre
petite phrase en valeur. Faites-en un titre, un sous-titre, la première phrase
de votre texte ou la dernière. Composez la en italiques, soulignez la. Reprenez la en exergue.
3. Persévérez
Le 18 juin ne marquera pas forcément la fin de vie de votre
petite phrase. Si elle est puissante, si elle reflète un aspect essentiel de
votre personnalité ou de vos convictions, répétez la encore. Faites-en une sorte de
devise ou de slogan personnel. Répétition rime avec mémorisation.
« Carthago delenda est », martelait Caton
l’Ancien à la fin de tous ses discours, un siècle et demi avant
Jésus-Christ : on s’en souvient encore. Et Carthage a été détruite ! On
n’est jamais si bien servi que par soi-même.
Et n’oubliez pas que parmi les publics auxquels vous vous
adressez, il y a ceux qui sélectionneront les candidatures la prochaine fois. On
se souvient plus facilement de ceux dont on a une phrase en mémoire
(sauriez-vous qui était Caton sans « Carthago delenda est » ?).
Votre petite phrase de 2017 pourrait être votre sésame pour 2022.
Michel Le Séac’h
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[1] Voir Michel
Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 64.
Buste de Caton l’ancien : photo
Patrizio Torlonia, Wikimedia Commons