Une petite phrase n’est pas nécessairement faite de mots.
C’est une « formule
concise », or rien n’est plus concis qu’une formule
mathématique ; le « E=mc2 » d’Albert Einstein renferme
tout l’univers dans trois lettres, un chiffre et un signe. « Le 18
brumaire, « les 30 glorieuses », « les 200 familles »,
« le 11 septembre », « les 35 heures » fonctionnent
comme des petites phrases : sous des dehors anodins, ces expressions
évoquent instantanément une mémoire collective. Et aussi « 1789 »,
« mai 68 » ou « c’est reparti comme en 14 »[1].
En ira-t-il de même du 49.3 ? « Le »
49.3, c’est bien entendu le troisième alinéa de l’article 49 de la
Constitution, qui permet au gouvernement d’engager sa responsabilité devant le
Parlement. Ce nombre double (on prononce « quarante-neuf trois »,
le point, qui peut aussi être un tiret, reste muet) sera-t-il une petite phrase
de la campagne présidentielle de 2017 ? La question peut se poser depuis
le 15 décembre. Manuel Valls, candidat à la primaire du Parti socialiste, était
reçu par
Patrick Cohen sur France Inter. Une revue de la presse dans les heures qui
ont suivi cet entretien montre que les médias se sont surtout intéressés à cette annonce : « Je proposerai de supprimer purement et simplement le
49.3. »
Improvisation malheureuse ?
Était-ce l’effet recherché par Manuel Valls ? Probablement pas. L'article 16 de la Constitution, sur les pouvoirs exceptionnels du président de la République, a été dans les années 1960 un cheval de bataille de François Mitterrand. Puis ce dernier s'est aperçu que ce sujet qui passionnait les politiciens de la 4e République n'était plus de mise depuis que la 5e avait instauré l'élection du président au suffrage universel. Son lointain successeur sait bien que ces questions intéressent peu les électeurs.
Le 49.3 n’est arrivé que vers la fin de l’émission de France Inter, en réponse à une question de Patrick Cohen. Et la phrase de Manuel Valls était une bévue évidente. En effet, il venait d’exclure expressément la loi de finances de sa proposition, « parce que la nation a besoin d’un budget ». Or, qu’on relise l’article 49.3 (voir ci-dessous) : le vote de la loi de finances est bien son cas de figure essentiel. Manuel Valls ne songeait pas à supprimer « purement et simplement » le 49.3 mais seulement sa dernière phrase ! Et il a fallu une remarque de Patrick Cohen pour qu’il semble s’apercevoir que cette suppression exigerait une révision constitutionnelle.
Le 49.3 n’est arrivé que vers la fin de l’émission de France Inter, en réponse à une question de Patrick Cohen. Et la phrase de Manuel Valls était une bévue évidente. En effet, il venait d’exclure expressément la loi de finances de sa proposition, « parce que la nation a besoin d’un budget ». Or, qu’on relise l’article 49.3 (voir ci-dessous) : le vote de la loi de finances est bien son cas de figure essentiel. Manuel Valls ne songeait pas à supprimer « purement et simplement » le 49.3 mais seulement sa dernière phrase ! Et il a fallu une remarque de Patrick Cohen pour qu’il semble s’apercevoir que cette suppression exigerait une révision constitutionnelle.
Au cours de l’émission, Manuel Valls avait d’abord
expliqué les raisons de sa candidature : faire gagner la gauche,
rassembler les citoyens, humaniser la mondialisation... Puis, en une dizaine de
minutes, il avait évoqué plusieurs points de son programme en insistant surtout
sur son intention de rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires –
un sujet concret qui concerne de manière directe et quotidienne une fraction importante
de l’électorat. Il avait aussi glissé deux ou trois petites phrases potentielles
du genre « On a parlé de droit d’inventaire, moi je veux parler du
droit d’inventivité » ou « je propose une renaissance
démocratique ». Peine perdue…
Petite phrase vite oubliée
Que s’est-il passé ? Parmi les différents thèmes
abordés par Manuel Valls, la suppression de l’article 49.3 a vite fait l’objet
d’une dépêche AFP soulignant la divergence entre sa déclaration et sa pratique gouvernementale (il a utilisé six fois l’article 49.3 à l’occasion de
deux textes différents, la loi Macron et la loi El Khomri). Cet angle clairement défavorable à l'ex premier ministre a été repris par plusieurs journaux de premier plan comme Le
Monde ou Le
Point. « Je proposerai de supprimer purement et simplement le
49.3. » est ainsi apparu comme le point essentiel de l’entretien pour
les médias.
Mais le public n'a pas suivi. Comme le montre le graphique Google
Trends ci-dessous, les recherches sur « 49.3 » (en bleu) ou « 49-3 »
(en rouge) ont été considérablement moins nombreuses dans la semaine du 11 au
17 décembre que dans la deuxième semaine de mai 2016, à l’époque du vote de la
loi Travail. Est-ce le sujet qui laisse l’opinion indifférente, ou bien est-ce
le candidat ? On ne saurait le dire. Toujours est-il que, même si elle est
massivement choisie par la presse, une petite phrase ne marque pas forcément le
public.
Article 49.3 de la Constitution
« Le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Le premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session. »_____________________________________________
[1] Voir Michel
Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, 2015, p. 148.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire