Emmanuel Macron en terrasse d’un café avec Jean Castex, Emmanuel Macron avec McFly et Carlito dans les jardins de l’Élysée, Emmanuel Macron au Rwanda et en Afrique du Sud pour parler génocide et vaccins, Emmanuel Macron à Saint-Cirq-Lapopie, Martel et Cahors pour serrer des mains… : depuis le 19 mai, quelque chose a changé dans la communication du président de la République.
« Le chef de l’État fait le choix de la saturation
médiatique », explique Arnaud Benedetti dans Le Figaro. Ce
faisant, il « pousse le marketing politique à son point ultime »,
ajoute le professeur de Paris-Sorbonne. Cependant, il se peut que cette
stratégie largement fondée sur l’image soit défensive plus encore qu’offensive.
Quand Emmanuel Macron parle, le risque est grand qu’une
partie de l’opinion se focalise sur un extrait de ses propos, éventuellement
arbitraire et marginal, à l’instar des « 66
millions de procureurs » en janvier dernier. Mais une petite phrase a
besoin d’un peu de temps pour s’installer. Elle suit la courbe de diffusion de
l’innovation proposée par Everett Rogers dans les années 1960 :
innovateurs, premiers adoptants, majorité précoce, etc.
L’orateur-innovateur
imagine une formule, des leaders d’opinion la repèrent et la diffusent vers un
public nombreux, et c’est alors qu’elle devient petite phrase… Le processus
n’était sûrement pas bien différent quand Démosthène parlait sur l’Agora.
L’internet l’a juste accéléré considérablement.
Un discours distancié et alambiqué avec soin
En donnant tous les jours ou presque quelque chose à
montrer, Emmanuel Macron ne laisse pas le temps à chaque vague de se développer
à partir de ses propos. Il propose chaque jour une actualité plus forte et plus
visuelle qu’une petite phrase en développement. Sa parole n’a pas forcément
changé. En comparant la Seine-Saint-Denis à la Californie (« Il ne
manque que la mer pour faire la Californie ») dans un entretien avec Zadig,
il s’est montré fidèle à une certaine veine et a pris un vrai risque. Mais la
vague, même californienne, a vite été recouverte par une autre.
En l’occurrence celle de la visite du 27 mai au mémorial de
Gisozi, qui commémore le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994.
L’image était forte et le thème puissant. Ses discours à l’étranger sont
souvent à risque pour Emmanuel Macron : au Danemark (les « Gaulois
réfractaires »), en Algérie (« la colonisation est un crime contre l’humanité »),
en Grèce (« je ne céderai rien devant les fainéants ») , etc. Mais le
discours de Kigali, un chef-d’œuvre de littérature diplomatique, ne laissait
guère de place à l’invention d’une petite phrase. Ce qui concernait directement
la France était soit de l’ordre de l’évidence (« la France a un rôle,
une histoire et une responsabilité politique au Rwanda ») soit distancié
et alambiqué avec soin (« les tueurs qui hantaient les marais, les
collines et les églises n’avaient pas le visage de la France »).
Emmanuel Macron a eu la sagesse de ne pas dévier du texte qu’on lui avait
préparé.
Martel subliminal ?
L’image a donc pris le pas sur le texte – le président blanc
à masque noir en compagnie du président noir à masque blanc. Puis, après les
photos institutionnelles d’Afrique australe, plongée immédiate dans la France profonde
à Saint-Cirq-Lapopie (Lot), un village façon « force tranquille » de
1981, et à Cahors, avec un détour par Martel. Curieux détour, d’ailleurs :
plus de 50 km à vol d’oiseau dans chaque sens alors que moins de 20 km séparent
Saint-Cirq-Lapopie de Cahors. Serait-ce une main tendue subliminale aux
lecteurs de Houellebecq ? Dans Soumission (près d’un million d’exemplaires
vendus, tout de même), l’écrivain attribue la fondation du village à Charles
Martel, qui y aurait vaincu les Arabes quelques années après la bataille de
Poitiers.
Toujours est-il qu’à multiplier les images, Emmanuel Macron
a pu échapper aux petites phrases. Y parviendra-t-il durablement sans lasser ni
s’épuiser ?
___
P.S. La gifle qui a visé le président à Tain-L'Hermitage, le 8 juin, ajoute une image remarquable aux précédentes !
La conférence de presse présidentielle du 25 avril 2019
clôture solennellement le Grand débat
national engagé après les troubles des « Gilets jaunes ». Un débat
voulu par Emmanuel Macron pour tourner la page d’une période troublée. Cette conférence de presse est donc destinée à être un temps fort de son
mandat. Plusieurs journaux qualifient
la mise en scène de « gaullienne ».
Le chef de l’État
estime entre les lignes que le mouvement des Gilets jaunes est dû au moins en
partie à ses petites phrases. « Il y a des phrases que je regrette »,
assure-t-il. Et il affiche sa volonté de changer : « Je crois
que j'ai compris beaucoup de choses de la vie du pays. »
La première manifestation de cette volonté de changement est
lexicale. De la conférence de presse,
la presse retient avant tout une expression : « l’art d’être
Français ». C’est clairement le but recherché : elle figure pas moins
de quatre fois dans l’introduction d’Emmanuel Macron. Sibeth Ndiaye, qui
s’occupe alors de sa communication, la répète sur France Inter le lendemain.
L’art d’être Français c’est à la fois être enraciné et universel, être
attaché à notre histoire, nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette
capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider
de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du
plus fort mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour
aujourd’hui et pour demain.
Selon toute apparence, « l’art d’être Français » était destiné à servir
de devise au chef de l’État pour la suite de son mandat. Mais avec cette
définition alambiquée et ambiguë, « l’art d’être Français » est mal
parti. Les sarcasmes pleuvent. Le chef de l’État ne s’acharne pas. Il ne renonce pas totalement à l'expression, pourtant. En février 2020, à la veille du Salon international de
l’agriculture[i], il salue
une profession « qui participe à l’art d’être français » (on note
cependant la disparition de la majuscule à « français », au moins sur
le site d’En Marche).
La formule réapparaîtra-t-elle
au cours de la prochaine campagne présidentielle ? C’est à peu près exclu
désormais : Michel Onfray a publié hier un livre intitulé L’Art d’être
français[ii]. Il y écrit
ceci :
L'art d'être français fut une expression utilisée par un président de
la République française qui, paradoxalement, fit aussi savoir en son temps,
appelé à ne pas durer dans l'Histoire, qu'il y avait pas de culture française,
seulement des cultures en France...
Tout « art
d’être français » dans la bouche d’Emmanuel Macron deviendrait une
publicité pour un philosophe absolument pas « Macron-compatible ». La
cause est entendue.
« De l’Empire nous avons renoncé au pire, de
l’Empereur nous avons embelli le meilleur », a déclaré Emmanuel Macron
le 5 mai, pour le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier.
Le président de la République savait que son discours à l’Institut de France serait scruté avec une extrême attention. Qu’on
chercherait, pas forcément avec des intentions favorables, à y distinguer
une petite phrase résumant l’ensemble.
Les petites phrases d’Emmanuel Macron se partagent entre
trois catégories.
Les
formules malheureuses, les gaffes en somme, qui lui ont construit une
image déplorable (exemples : le « pognon dingue » ou
les « Gaulois réfractaires »).
Les
considérations politiques personnelles à l’emporte-pièce, comme des
réflexions à haute voix (exemple : « le libéralisme est une
valeur de gauche »).
Les
phrases fabriquées pour être reprises par la presse afin de diffuser un
message calibré, que le marketing politique appelle traditionnellement sound
bites.
Chez la plupart des dirigeants politiques, un discours
solennel est l’occasion d’un sound bite. Mais le président de la
République n’a jamais paru à l’aise dans cet exercice. Lors
de l’annonce de sa candidature, déjà, en novembre 2016, il était complètement
passé à côté de l’occasion. C’était pourtant le moment ou jamais de
commencer à se bâtir une stature présidentielle. N’y avait-il donc chez En
Marche personne qui fût capable de lui expliquer le principe ?
Un soupçon de créativité
Faute de mieux, la
presse avait surtout retenu cette phrase : « Je suis candidat à la
présidence de la République ». Pas faux, mais c’était quand même le
degré zéro de la communication politique. Nouvelle pour Emmanuel Macron, cette
proclamation avait été entendue par les Français dans bien d’autres bouches.
Par la suite, hormis
« Make
our planet great again », les petites phrases des grandes
occasions présidentielles n’ont jamais été très créatives. Emmanuel Macron a
même fait dans le plagiat pur et simple avec « Demandez-vous
chaque matin ce que vous pouvez faire pour votre pays », pour ses vœux du 1er janvier 2018. Une
formule presque directement empruntée au président Kennedy. « L’art
d’être français », « quoi qu’il en coûte » ou « nous
sommes en guerre » n’étaient pas non plus d’une grande
originalité, sinon par leur présence multiple au sein d’un même discours.
Par contraste, « de l’Empire nous avons renoncé au
pire, de l’Empereur nous avons embelli le meilleur » semble le produit
d’un effort d’imagination. Cette petite phrase bénéficie à la fois d’un
doublement (l’Empire/l’Empereur) et de deux rimes internes (Empire/pire et
Empereur/meilleur), deux dispositifs dont la puissance évocatrice est connue
depuis l’Antiquité.
Une phrase trop retouchée ?
Ni sa prosodie ni sa métrique ne sont optimales, pourtant.
On dirait qu’elle a été travaillée, discutée, soupesée et que cette moulinette
critique l’a affaiblie. Une formule au présent, avec des verbes d’action, du
genre « de l’Empereur nous gardons le meilleur, de l’Empire nous rejetons
le pire », aurait eu plus de force. Quant au fond, elle ne signifie pas
grand chose. Empire/pire tient plus du calembour que de la rime. Et qui peut se représenter en quoi consiste « embellir le
meilleur de l’Empereur » ?
Pourtant, il ne fait aucun doute que ce passage était LA
petite phrase du discours. On l’avait même annoncée à l’avance. Le
Monde du 29 avril[1]
la mettait dans la bouche d’un « proche de M. Macron » sous la
forme : « Nous regardons Napoléon en face ; la République embellit
le meilleur de l’Empereur et s’est séparée du pire de l’Empire » (la
différence avec la phrase réellement prononcée permet de se faire une idée des
débats préparatoires). Le Canard enchaîné avait repris cette formulation
quelques heures avant le discours.
Le site
de l’Élysée confirme le caractère central de la phrase. Il la cite dans une
courte introduction au texte intégral du discours, et la commente ainsi : « avec
cette commémoration, le Président regarde l'histoire en face ». On est
bien dans la mécanique du sound bite à l’américaine[2]
mais les communicants présidentiels n’ont pas l’efficacité des spin doctors
d’outre-Atlantique.
Michel Le Séac’h
Illustration : statue équestre de Napoléon par
Vital-Dubray, Rouen ; photo Frédéric Bisson via Flickr, licence CC BY 2.0
[1] Olivier
Faye, « L’Elysée veut honorer Napoléon ‘’de manière équilibrée’’ », Le
Monde, 29 avril 2021.
[2] Voir David
Colon, Propagande – La manipulation de masse dans le monde contemporain,
Paris, 2019/édition Champs Flammarion, 2021, p. 167.
Avant les grands moyens, les petites phrases ? Emmanuel
Macron a souvent été desservi par ses sorties non calculées. Mais il sait
aussi calculer. Il l’a montré avec cette formule : « Vous
êtes gentils, mais tant que vous avez des vaccins dans les frigos, je ne
reconfinerai pas les gens ».
La phrase n’a pas été prononcée publiquement mais au cours
d’un conseil de défense sanitaire mercredi 3 mars. Elle a été rapportée le lendemain par Elisa Bartholomey, de BFMTV. Une indiscrétion tout à fait délibérée et
autorisée, très probablement.
Elle ne s’adresse pas au citoyen lambda mais à un public
bien déterminé : le ministère de la Santé et l’hôpital public. Et ce n’est
pas une considération générale : en utilisant le « vous », le
président souligne qu’il parle en direct à un groupe. Le triptyque
habituel des petites phrases, auteur-médias-public, est bien caractérisé.
La phrase est d’une grande violence. C’est « une façon
de mettre la pression sur le gouvernement, sur le ministre de la Santé en
particulier », a commenté Elisa Bartholomey. Mais la cible n’est pas un
homme ou une institution. « Vous êtes gentils » s’adresse à
des personnes. L’accusation implicite désigne les milieux de la santé
publique : s’ils réclament un reconfinement, comprend-on, c’est parce que
beaucoup d’agents hospitaliers refusent de se faire vacciner – d’où les « vaccins
dans les frigos ». Pour s’épargner une contrainte, ils en imposent une
plus dure au pays entier.
Cette violence au second degré reste pourtant maîtrisée. « Vous
êtes gentils » est certes une antiphrase. Telle la réplique-culte
américaine « nice shoes », elle n’annonce rien de bon.
Pourtant, elle tempère l’expression par un peu de bonhomie. Un troisième degré
encore plus menaçant pourrait se profiler par derrière. Il n’aura pas échappé
au ministre de la Santé et à son directeur général. Une rumeur court à bas
bruit depuis les débuts de l’épidémie de covid-19 : leur principal impératif aurait
toujours été de protéger l’hôpital public. Il fallait contenir les infections avant
tout parce que, techniquement et humainement, l’hôpital n’était pas en état de
faire face. Ce qui revenait en somme à considérer la réduction de la mortalité
comme un moyen et non une fin. Si au sortir de l’épidémie une opinion publique
exaspérée par des mois de restrictions et de valses-hésitation réclame des
têtes, on saura lui en désigner.
Après la droite (des
citations de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy), la gauche : LCP est
revenu lundi 15 février sur des petites phrases de François Hollande et
d’Emmanuel Macron. Ce deuxième volet est intitulé « La
gauche contre le peuple ». « Si le protégé a trahi son mentor,
tous deux ont en commun d’avoir été pris en défaut par leurs petites phrases,
accusés de mépris envers les plus pauvres », estime d’emblée le
documentaire de Thomas Raguet.
La phrase de François Hollande est assez inhabituelle en son
genre puisqu’on ne l’a jamais entendue dans la bouche de son auteur supposé. On
ne la connaît que par un témoignage de son ex, Valérie Trierweiler, auteure de Merci
pour ce moment (Les Arènes, 2014). Un livre que le documentaire présente
comme « trois cents pages de règlement de comptes privés ». Cette phrase
n’est d’ailleurs qu’une simple formule[1] : « les sans-dents ».
Pourquoi l’avoir tenue pour représentative de la pensée de
François Hollande ? Pour accomplir les promesses du titre du documentaire,
peut-être. « Moi je n’ai jamais entendu Hollande parler comme ça »,
affirme cependant Bernard Poignant. Ancien député socialiste du Finistère, il est
sûrement, parmi les témoins du documentaire, celui qui connaît le mieux
l’ancien chef de l’État.
Quant à la puissance de cette formule, elle ne fait aucun
doute. Elle est bien expliquée par le sémiologue[2]
Denis Bertrand : « l’expression ‘sans-dents’ a la force des
expressions figuratives, c’est-à-dire qu’elle donne à voir. Elle énonce un
thème, la pauvreté, non pas avec un concept comme la misère mais avec une
image. » Une image qu’on peut comprendre de différentes manières :
« la connotation, dans le contexte de François Hollande, c’est une
connotation compassionnelle, alors que changée de contexte, ça devient une
connotation méprisante ».
Le choix du mépris
Mais qui décide de la connotation d’une petite phrase ?
« Si les mots ont été prononcés en privé, l’expression dans sa bouche est
crédible », estime Thomas Raguet. Pascal Perrineau, professeur à Sciences
Po, va même plus loin : « si les leaders de gauche se mettent à
parler comme ça, c’est peut-être pas par hasard ». Il évoque « une
forme de mépris de classe », choisissant ainsi de confondre les deux
« connotations » possibles de la phrase : la « connotation
méprisante » appartiendrait directement à l’auteur de la petite phrase et
pas seulement au public.
Centré sur les « sans-dents », le documentaire ne
présente pas comme une petite phrase la citation a priori la plus fameuse de
François Hollande : « mon ennemi, c’est la finance ». Il la
considère comme un « programme ». Elle lui sert à contraster les
intentions de la campagne présidentielle de 2012 et la formule propagée plus
tard par Valérie Trierweiler. Il y aurait pourtant eu beaucoup à en dire,
notamment pour sa déformation devenue presque systématique.
Car la déclaration exacte du candidat socialiste est :
« Je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Cet
adversaire, c’est le monde de la finance. ». Pourtant, même des experts
s’y trompent. « On verra ce qu'il restera de cette expression : ‘mon
ennemi, c’est la finance’ », note Pascal Perrineau, tandis que Marilyse
Lebranchu, ancienne ministre, évoque « la fameuse phrase ‘mon ennemi,
c’est la finance ». La mutation de l’adversaire en ennemi, notamment,
aurait pu révéler beaucoup sur la mécanique intrinsèque des petites phrases.
Nous sommes tous des illettrées
Emmanuel Macron était en principe conscient de la force des
mots. « J'arrive tout auréolé d'une réputation qui m'est faite dans la
presse », déclarait-il à l’Assemblée nationale le 27 août 2014, le lendemain
de sa nomination au ministère de l’Économie. « Jugez-moi sur les actes et
sur les paroles. » Pour ce qui est d’être jugé sur des paroles, il a été
servi. « À coups de petites phrases, il dresse le portrait d’une
certaine France un pays de gaulois réfractaires où les jeunes devraient avoir
comme ambition de devenir milliardaires plutôt qu’être enclins à la fainéantise »,
résume le documentaire.
Lequel, pourtant, s’intéresse principalement à un mot (plutôt qu’à
une phrase au sens grammatical) bien éloigné de ce tableau : « illettrées ».
Reçu par Europe 1, Emmanuel Macron évoque le cas de Gad, un gros
abattoir breton en faillite. Plus de deux mille salariés risquent de perdre
leur emploi : « il y a dans cet abattoir une majorité de femmes, il y en a
qui sont pour beaucoup illettrées ! On leur explique qu'elles n’ont plus
d’avenir à Gad et qu’elles doivent aller travailler à 60 km ! Ces gens n'ont
pas le permis ! On va leur dire quoi ? » Dans la bouche du
technocrate qu’était encore Emmanuel Macron trois semaines plus tôt, c’est un constat
(pas forcément exact, d’ailleurs) qui lui sert à illustrer les difficultés de sa
tâche.
De la bouche du ministre, la formule est reçue tout
différemment sur le terrain. « Moi j’ai ressenti comme un deuxième coup de
bâton à un moment où on n’en avait pas besoin », déclare Olivier Le Bras, alors
délégué syndical de Gad. Ses collègues sont sur la même ligne. Ils prennent la
déclaration du ministre comme une offense personnelle : « il nous
parle comme si on était des moins que rien », « il nous insulte
presque », « des choses comme il a dit, ça ne se dit pas ». Ce
sentiment se répand même au-delà du personnel de Gad. « Je suis d’ici »,
s’émeut Marylise Lebranchu. « Les deux pieds dans cette terre qui est très
touchée par la crise de l’agro-alimentaire et de Gad en particulier. Le matin,
j’entends cette phrase comme un coup énorme et pour moi un coup dans le dos. La
phrase, elle est d’une violence inouïe. »
Là encore, c’est la collision entre ces deux « connotations »
antagonistes qu’il aurait été intéressant d’analyser. Mais le documentaire
préfère prendre la petite phrase dans un sens compatible avec son titre. « Il
y a toute une vérité d’Emmanuel Macron qui se dit dans ses petites phrases »,
commente Pascal Perrineau d’un air entendu. « Je pense pas que ce soit
volontaire, le fait qu’il sorte des petits trucs comme ça. Quoique… », soupèse
avec plus de réserve une ancienne ouvrière de Gad, Joëlle Crenn.
Emmanuel Macron manque de métier
Quelques autres formules d’Emmanuel Macron (« la
meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler », « je
traverse la rue, je vous trouve du travail », « on dépense un pognon
dingue ») sont convoquées au passage pour parfaire le tableau d’un
président « contre le peuple » ‑ c’est-à-dire pour parler de lui et non
des petites phrases. À moins justement que ça ne soit la même chose...
Mais c’est Bernard Poignant qui reformule le mieux le problème
d’Emmanuel Macron. « Erreur de jeunesse, si je puis dire »
estime-t-il à propos des « illettrées ». « Un vieux de la
vieille en politique n’aurait pas parlé comme ça. Il aurait dit : ‘dans
cette entreprise que j’ai visitée il y a des gens qui sont attachés à leur
travail qui le font avec un grand professionnalisme mais il y a un certain
nombre pour qui il faudrait une formation complémentaire de ceci cela’. Mais le
mot illettré ça donnait l’impression qu’il traitait une entreprise d’illettrée.
Et… ah bien, ça lui revient dans la gueule, quoi. »
Et le vieux notable socialiste d’enfoncer le clou : « Emmanuel
Macron, c’est quelqu’un qui n’a pas fait d’élection locale. On a tous connu ça
quand on est élu local. Vous devez apprendre à leur parler, à ces personnes.
Qu’est-ce qu’aurait fait un Mitterrand ? ‘Je vous comprends, jeune homme,
je vous comprends – et à un conseiller : prenez note, écrivez-moi, je vous
aiderai. Voilà. Parce que il y a du travail’. » Déprimante leçon : à
défaut de régler les problèmes, la langue de bois évite qu’ils ne se retournent
contre vous.
Débat
Le débat qui a suivi le documentaire s’est efforcé de
quitter le terrain du commentaire politique pour revenir au sujet des petites
phrases. Il associait Laurianne Rossi, députée LREM venue du P.S., Bruno Cautrès,
chercheur au Cevipof et Renaud Dély, éditorialiste à France Info. Ce dernier a contesté
discrètement le choix des « sans-dents » pour caractériser François
Hollande. « Mon ennemi c’est la finance » lui aurait paru plus
représentatif. « C’est cet extrait qui va rester et le porte jusqu’à l’Élysée »,
estime-t-il. « C’est le marqueur qui va coller à François Hollande tout au
long de son quinquennat… qui va en quelque sorte plomber le quinquennat, plutôt
que les sans-dents qui est une phrase privée, une trahison personnelle. »
Bruno Cautrès a cherché à mieux qualifier la mécanique des petites
phrases : « Ce que je trouve intéressant dans ces petites phrases, c’est
leur côté performatif, comme disent les linguistes. La phrase fait exister les
choses. » Il a aussi mis le doigt sur le sujet capital de l’intrication
entre petite phrase et leader : « Mon hypothèse est que dans la crise
des Gilets jaunes, le détonateur a été allumé en juillet quand Emmanuel Macron
a dit : s’ils veulent un responsable qu’ils viennent me chercher. Comme
aller chercher le roi à Versailles. »
Les deux parties du documentaire sont disponibles sur LCP jusqu’au 7 janvier
2023. Il sera intéressant de les revoir après l’élection présidentielle de 2022 !
Michel Le Séac’h
Illustration : capture partielle d’un écran LCP
[1] Au sens
qu’Alice Krieg-Planque donne à ce mot ; voir « La notion de
‘’formule’’ en analyse du discours, Cadre théorique et méthodologique »,
Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté. 2009.
[2] Ainsi le
documentaire le présente-t-il. On n’entrera pas dans le distinguo entre
« sémiologue » et « sémioticien », mais Denis Bertrand est
professeur de sémiotique générale à l’Université Paris VIII.
Rarement la presse française a été aussi unanime sur une
qualification : « Nous sommes devenus une nation de 66 millions de
procureurs » est une petite phrase.
Elle est extraite d’un discours de 38 minutes et plus de six
mille mots prononcé à Saclay le 21 janvier 2021 par Emmanuel Macron. Son
titre : « Présentation
de la stratégie nationale sur les technologies quantiques ». Le lieu
(275 laboratoires, 9 000 enseignants-chercheurs…), le sujet (des capacités
de calcul presque infinies) et le budget (1,8 milliard d’euros) poussaient
plutôt aux superlatifs. Ils n’ont d’ailleurs pas manqué : « l’un des
viviers mondiaux de la connaissance », « troisième place mondiale des
nations les plus performantes », « formidable vitalité en termes de
création de startups, d'excellence aussi », etc.
Or l’essentiel de ce qui a été retenu de ce discours tient en un nombre et deux mots : « 66 millions de procureurs ».
Emmanuel Macron ne les a pas lancés tout à trac. Il évoquait
les incertitudes d’une stratégie de recherche dans un domaine encore très mal
connu. Voici le passage intégral :
Et puis cette stratégie assume
aussi la part de risques et d’erreurs. Et je le dis parce que ce qui va avec la
défiance française c’est aussi cette espèce de traque incessante de l’erreur.
Nous sommes devenus une nation de 66 millions de procureurs. Ce n’est pas comme
ça qu’on fait face aux crises ou qu’on avance. Et donc chacun fait des erreurs
chaque jour. Celui qui ne fait pas d’erreur ou celle qui ne fait pas d’erreur
c’est celui ou qui ne cherche pas, ou qui ne fait rien, ou qui mécaniquement
fait la même chose que la veille.
Ce propos est-il légitime ou pas ? Peu de commentaires
s’arrêtent à cette question. Pour la plupart, ils ne portent ni sur les
technologies quantiques, ni sur la recherche en général : ils portent sur
Emmanuel Macron lui-même.
Récidive intentionnelle ?
Typique est celui d’Émilie Aubry sur France
Culture : « C’est l’histoire d’un déplacement présidentiel qui
n’aurait dû donner lieu qu’à des commentaires autour des mesures importantes
annoncées, un débat sur des faits : 1,8 milliard d’euros pour installer la France sur le podium des
nations à la pointe de la recherche quantique » ‑ puis très vite :
« sauf qu’entre temps, l’une de ces petites phrases à la fois anecdotique
et signifiante dont nos présidents semblent avoir le secret et dont nous autres
médias nous emparons avec délectation a soudain tout emporté sur son
passage ». S’ensuit, sans plus d’égards pour le quantique, une demi-heure
de débats autour de la petite phrase.
« Le genre de petite phrase », ajoute Émilie Aubry
« dont on se demande toujours après coup si elle a été pensée ou non pour
susciter un débat, rappelant ‘les Amish’, le ‘pognon de dingue’ et autre
‘traverser la rue pour trouver un boulot’… ». Le même soupçon de récidive
intentionnelle est exprimé par d’autres, comme Sophie Vincelot, dans Gala: « Après ses polémiques
"pognon de dingue" et "Je traverse la rue et je vous trouve un
emploi", Emmanuel Macron a semble-t-il de nouveau goûté aux petites
phrases chocs ». Et aussi, côté politiques, par Marine Le Pen (« Il y
a au moins une chose qui ne change pas, c’est la propension d’Emmanuel Macron à
vilipender les Français à tout bout de champ ») ou Jean Rottner
(« Emmanuel Macron est revenu à cette tendance des petites phrases »)
Cercle vicieux
Le chef de l’État semble enfermé dans un corner
fatal. Chaque fois qu’il s’exprime, la presse et les milieux politiques, mus
par une sorte de biais de confirmation, cherchent la petite phrase. De plus,
cette petite phrase, quoi qu'elle raconte au premier degré, est habituellement considérée comme un message sur son
auteur lui-même. Elle révèle qu’il a « un problème avec le
peuple » (Éric Ciotti) ou « un grave problème avec la
démocratie » (Adrien Quattenens), qu’il « n’est pas à la hauteur de
sa responsabilité » (Yannick Jadot) ou qu’il est « pontifiant,
méprisant » (Robert Ménard).
L’épisode confirme une fois de plus le rôle majeur des
petites phrases dans la vie politique – un rôle difficile à analyser car il met
en jeu l’émotion. Elles
s’attachent aux leaders, pour le meilleur ou pour le pire. Et une fois que
le mal est fait, les seules métaphores qui viennent à l’esprit sont celles du
dentifrice sorti du tube ou de la mayonnaise tournée.
« Je ne crois pas que le modèle Amish permette de
régler les défis de l'écologie contemporaine » déclare Emmanuel Macron le
14 septembre, à l’Élysée, devant un groupe de patrons de la French Tech, pour
justifier le déploiement de la 5G. Gala,
Le
Parisien, le Huffington
Post, Reporterre
et d’autres y voient aussitôt une « petite phrase ».
Tactiquement, on voit bien l’utilité d’un Amish
bashing. Au moment où les Verts et autres écologistes s'attirent des
moqueries en rafale pour des propositions comme la suppression du Tour de
France ou des sapins de Noël, une louche d’ironie supplémentaire est plus
rapide et plus efficace qu’un argumentaire technologique en faveur de la 5G.
Surtout devant un parterre de convaincus.
Pour Emmanuel Macron, il est a priori moins dangereux de
s’en prendre aux Amish qu’aux « Gaulois réfractaires ». Les Amish
suscitent aisément les moqueries avec leurs barbes, leurs salopettes et leurs
chapeaux de paille. Pourtant, attirer l’attention de la presse sur cette petite église chrétienne d’Amérique du Nord n’est pas sans risque.
La
référence exotique du président
D’abord, les Amish ne sont pas systématiquement rétrogrades.
Chacune de leurs communautés peut décider d’adopter ou non une nouvelle
technologie. Ses membres se réunissent pour déterminer si elle répond à une
condition essentielle : être plus utile que nocive pour ses valeurs.
Certaines technologies, l’électricité solaire, par exemple, passent le test
plus aisément que d’autres. Vers l’âge de 16 ans, les jeunes Amish sont invités
à prendre leurs distances lors de la période du rumspringa. Ils
découvrent alors le monde extérieur. Ils choisissent ensuite de retourner, ou
pas, dans leur communauté ; 80 à 90 % reviennent. La vie façon Amish
doit avoir du bon[1].
Mais surtout, les Amish ne sont pas une référence familière
pour une grande partie des Français. On les perçoit au mieux, de manière
caricaturale, comme un phénomène exotique et suranné. En donnant l’impression
de s’être penché sérieusement sur un « modèle Amish », fût-ce pour le
rejeter, Emmanuel Macron se montre, comme avec le « Kamasutra
de l’ensauvagement », en décalage avec son opinion publique. Ce qui ne
lui a jamais réussi.
Michel Le Séac’h
_____________________
[1]Cal Newport,
professeur d’informatique à l’université de Georgetown, présente les Amish
comme un exemple de frugalité numérique dans Réussir (sa vie) grâce au
minimalisme digital – Moins de technologie, plus de concentration, Paris,
Alisio, 2020.
le jeu des maladresses,
parfois des phrases sorties de leur contexte d'autres fois, de l'opposition, de
la vie politique a fait que cette détestation a pu être alimentée.
Derrière ces « phrases » du président de la
République, certains ont même entendu spontanément « petites phrases »,
comme France
2, Le
Figaro, Challenges
ou Nice
Matin. Elles font
évidemment songer au « carré macronien » : « je
traverse la rue », « les Gaulois réfractaires », « un
pognon de dingue » et « des gens qui ne sont rien ».
Le thème de la petite phrase « sortie de son
contexte » est un
grand classique de la vie politique. Ce n’est pas une nouveauté pour
Emmanuel Macron. En septembre 2017, peu après son élection donc, il déplorait
devant des journalistes : « J'ai fait un discours important à
Athènes, vous avez choisi une phrase sortie de son contexte » (en l’occurrence :
« je ne céderai rien devant les fainéants »).
Les théoriciens de l’analyse du discours ont créé un mot
pour désigner le phénomène d’extraction d’un fragment de texte :
aphorisation. Une
petite phrase est une aphorisation, précise Dominique Maingueneau. L’aphorisme
se suffit à lui-même. Il n’a pas besoin d’un contexte.
Cependant, il serait difficile de considérer « les
Gaulois réfractaires » ou « je ne céderai rien devant les fainéants »
comme des aphorismes. Le problème de ces petites phrases prises en mauvaise
part est en fait que leur auteur ne leur attache pas le même sens, la même
valeur, que son auditoire. Le premier considère qu’elles disent quelque chose
du monde. Le second considère qu’elles disent quelque chose du premier. Et ce
quelque chose ne lui plaît pas.
Emmanuel Macron l’a compris, ou presque. Dans le même
passage de son entretien du 14 juillet, il admet :
j'ai sans doute laissé
paraître quelque chose que je ne crois pas être profondément, mais que les gens
se sont mis à détester.
Quand un leader politique se plaint qu’on arrache des petites
phrases à leur contexte, il entend par « contexte » le texte dont
elles sont issues. Mais le véritable contexte du discours d’un leader
politique, c’est le peuple.
Le 21 juin, Sibeth Ndiaye est l’hôte de l’émission Dimanche
en politique sur France 3. Francis Letellier l’interroge sur le sort
judiciaire d’une infirmière poursuivie pour avoir jeté des pierres sur des
policiers lors d’une manifestation à Paris. Faut-il la condamner ? C’est à
la justice de faire son travail, répond, comme il se doit, la porte-parole du
gouvernement. Mais elle ajoute : « Je ne saurais pas expliquer, à
mes enfants par exemple, s'il est
normal, ou pas, de jeter des pierres sur les forces de l'ordre », une
déclaration qualifiée de « petite phrase » notamment par Voici
et Orange.
C’est-à-dire, semble-t-il, que jeter des pierres sur les policiers pourrait
être normal selon l’inspiration du moment.
Ces propos circulent largement sur les réseaux sociaux. Sibeth Ndiaye reçoit cependant de nombreux renforts qui condamnent, parfois avec vivacité, un détournement de ses déclarations. Le Huffington Post évoque ainsi une « citation tronquée de Sibeth Ndiaye [qui] fait enrager les
syndicats » -- syndicats de police en l’occurrence. La porte-parole du
gouvernement est finalement mieux défendue qu’Emmanuel
Macron quand ses propres déclarations étaient prises en mauvaise part.
Ses défenseurs n’ont aucune peine à démontrer, en citant
d’autres parties de l’émission,qu’elle
n’a pas justifié les violences anti-policières et qu’elle souhaite que la
justice fasse son travail. En même temps, ses accusateurs n’ont aucune peine à
prouver qu’elle a réellement déclaré, la vidéo en atteste : « Je
ne saurais pas expliquer, à mes enfantspar exemple, s'il est normal, ou pas, de jeter des pierres sur les
forces de l'ordre ».
Le député européen LR François-Xavier Bellamy ne veut pas
accabler Sibeth Ndiaye mais ne l’absout pas entièrement : « Je
ne crois pas qu’on ait besoin de tant de mots pour dire une chose très
simple : il ne faut pas jeter de pierre sur les policiers. Un point c’est
tout. ». Et là est bien le problème. Il réside plus dans la forme que
dans le fond. L’intention réelle de Sibeth Ndiaye n’a pas beaucoup
d’importance.
Sa phrase avec un conditionnel et deux négations est peu
compréhensible, donc propice aux incompréhensions. Et à cette pratique vieille
comme la communication politique : la citation tronquée, déformée ou
sortie de son contexte. N’est-il pas étrange qu’une porte-parole du
gouvernement tende, une fois de plus, de telles verges pour se faire battre ?
Michel Le Séac’h Illustration : copie d’écran France 3
est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
« Nous sommes en guerre. » Emmanuel Macron l’aura répété six fois dans son allocution télévisée du 16 mars. Aussitôt prononcée, cette phrase a été détachée par des journalistes, discutée, commentée, analysée, critiquée, parodiée et aura servi de titre à de nombreux articles de presse.
L’expression est devenue ce que l’on appelle « une petite phrase ». Tout le monde connaît aujourd’hui cette expression, dont Patrick Brasart nous apprend qu’elle est entrée dans Le Trésor de la langue française en 1988, accompagnée de la définition suivante : « Propos bref d’un homme politique, qui sert à frapper l’opinion. »
Tyrannie de l'information
La crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons a logiquement provoqué un bouleversement du contenu de l’ensemble des médias d’information, lequel se recentre autour de l’épidémie, et s’accompagne de nombreuses petites phrases. Le confinement a, quant à lui, augmenté le temps consacré à s’informer.
Médiamétrie a relevé, sur la période allant du 16 mars au 12 avril, une augmentation de 1h20 de la durée d’écoute individuelle moyenne, et une augmentation importante de la part d’audience des journaux télévisés. Nous supposons que le temps passé à s’informer sur les réseaux sociaux a également largement augmenté. Il en résulte parfois un sentiment de fatigue, de flou, d’incertitude de la part des citoyens.
Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS en sciences de la communication, met ainsi en garde dans un récent entretien donné aux Echos sur les risques de saturation de l’information, allant jusqu’à parler de « tyrannie de l’information ».
Dans ce contexte d’infodémie, les « petites phrases » jouent un rôle non négligeable car elles retiennent l’attention. D’ailleurs comment naît une petite phrase ?
Rythmer le temps politique et médiatique
Si les petites phrases semblent aujourd’hui rythmer le temps politique et médiatique, donnant l’impression que leur nombre s’accroît, que leur visibilité augmente, elles existent pourtant depuis longtemps. Michel Le Séac’h a collecté les plus fameuses dans son recueil La Petite Phrase.
Citons à titre d’exemple « L’État, c’est moi » que l’on attribue à Louis XIV et dont l’authenticité est contestée, « La roche tarpéienne est proche du Capitole » qu’a lancé Mirabeau à Barnave le 22 mai 1790 à l’Assemblée ou encore « Quand la France s’ennuie », titre d’un éditorial de Pierre Viansson-Ponté publié dans Le Monde le 15 mars 1968.
Le terme est d’abord couramment utilisé par les professionnels des médias et de la communication, comme le notent Alice Krieg-Planque et Caroline Ollivier-Yaniv, car une petite phrase a ceci de particulier qu’il faut être au moins deux pour qu’elle naisse, un énonciateur et un co-énonciateur. Le co-énonciateur, qui est aujourd’hui souvent un journaliste, opère le détachement de la petite phrase. Ce détachement n’est pas seulement une action de copier-coller, mais un véritable acte de langage
« Détacher » la petite phrase
Une petite phrase est en effet détachée d’un discours initial, séparée de son contexte. Le linguiste Dominique Maingueneau nomme ce processus « l’aphorisation » dans Phrases sans texte. Ce second discours est souvent caractérisant, il oriente l’appréciation que peut avoir le lecteur sur la petite phrase, plus ou moins directement. Lors de sa visite dans une école des Yvelines, le 5 mai dernier, les journalistes, reprenant les mots d’Édouard Philippe sur la gravité économique de la crise, interrogent le président qui répond : « Non, je n’ai pas ces grands mots. »
Une petite phrase contre les grands mots : reprise par l’ensemble de la presse nationale, elle est interprétée comme une mésentente avec le premier ministre. RTL titre ainsi sur son site : « Coronavirus : la petite phrase de Macron qui parasite Philippe. » Le traitement journalistique qui suit en oriente la compréhension et, ce faisant, crée un événement.
Objet qui circule, elle entame une pérégrination complexe, de média en média, sur les réseaux sociaux, de locuteur en locuteur. Elle produira de multiples effets, d’innombrables réactions. Détacher une petite phrase, c’est donc provoquer une chaîne de discours.
Pour preuve, la petite phrase d’Emmanuel Macron a donné lieu à une question lors de la conférence de presse d’Édouard Philippe du 7 mai. Le premier ministre a conclu sèchement sa réponse par ces mots : « Les Français s’en contrefichent. » Une nouvelle petite phrase est née.
La polarité des petites phrases
Le grand public entend souvent par « petites phrases » des productions de deux ordres : celles que nous pourrions qualifier « d’historiques », « Je vous ai compris ! » (Charles de Gaulle), « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » (Michel Rocard), et les autres, celles que l’on assimile à des faux pas comme le « Casse-toi pauv’con ! » (Nicolas Sarkozy)
Nous pouvons déjà y voir une certaine polarité fondée sur nos propres interprétations morales ou celles de tiers.
Souvenons-nous ainsi de petites phrases tenues par Emmanuel Macron : « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux », « Je traverse la rue, et je vous en trouve [un travail] ». Certains journalistes pensent qu’elles ont pu contribuer par réaction à la naissance du mouvement des « gilets jaunes ».
Plutôt que de « dérapage », il s’agit pour moi d’un changement de paradigme dans la communication politique que je qualifie de « confusion des scènes » dans un article à paraître dans La Revue algérienne des sciences du langage. J’observe un glissement progressif dans le discours politique qui cherche de plus en plus à se confondre avec une parole du quotidien depuis une vingtaine d’années.
Le retour à la solennité
La pandémie marque cependant un changement de stratégie de discours avec un retour à la solennité. Cette solennité s’accompagne de cadres spécifiques, comme l’allocution présidentielle télévisée. Une petite phrase, est insérée dans un discours, dans un contexte, mais aussi dans un cadre discursif.
Ainsi, beaucoup de petites phrases qui ont fait polémiques ont été prononcées lors de visites de terrain. Pensons à Nicolas Sarkozy à Argenteuil, le 25 octobre 2005 lorsqu’il avait lancé :
« Vous en avez assez, hein ? Vous en avez assez de cette bande de racaille ? Eh bien, on va vous en débarrasser ! »
En période de crise majeure, le contrôle de la parole politique se fait plus strict. Le pouvoir se remet en scène et le président choisit la métaphore martiale. Mais dans un discours politique, une métaphore possède un fort pouvoir persuasif. Selon la formule d’Olivier Reboul, « Une métaphore endort la vigilance de l’esprit. ».
Au-delà du langage guerrier qui se veut universaliste, l’idée d’affronter un ennemi commun, le virus, chercher à créer une adhésion autour de l’exécutif, sur le thème de l’unité nationale, avec l’emploi de la première personne du pluriel. Or, cette petite phrase, dont on se sait encore si elle entre dans l’Histoire, est aussi le début d’une histoire.
Petite phrase et storytelling
Quoi de plus antagoniste, de prime abord, que les petites phrases et le storytelling ? Nous ramenons trop souvent les petites phrases au clash verbal, à l’une de ses traductions anglaises, punchline. Une petite phrase contient, évoque parfois tout un monde de références.
Emmanuel Macron file d’ailleurs la métaphore qui dépasse le cadre des petites phrases. Ce choix s’appuie également sur une réalité lexicale. Dans un article récemment paru dans Le Figaro, le lexicographe Jean Pruvost nous rappelle que le mot « confinement » est lui aussi d’origine militaire.
Le storytelling suppose une progression marquée par des actes, et c’est avec cette seconde petite phrase prononcée dans l’allocution du 13 avril que le président poursuit le récit :
« Nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les jours heureux. »
Cette même première personne du pluriel nous embarque dans l’après-guerre, « les jours heureux » étant le titre originel du Programme du Conseil national de la Résistance.
« De petites madeleines » de Proust
Les petites phrases facilitent donc la mise en place du récit par leur diffusion virale, mais aussi par le monde de références qu’elles peuvent évoquer. Encore faut-il que ces références soient communes, soient comprises, et jugées appropriées par le destinataire.
Une petite phrase réussie peut en effet faire date et devenir elle aussi une référence. Instant de langage, elles s’inscrivent parfois dans la mémoire collective. Michel Le Séac’h parle de « petites madeleines de notre culture politique ».
Ainsi, le 9 avril dernier, Liliane Marchais, veuve de Georges Marchais, décédait, emportée par le Covid-19. Sur Facebook, des commentaires sous l’article de Libération lui rendent hommage avec une petite phrase Georges Marchais, le tout teinté d’une certaine nostalgie :
« Fais tes valises Liliaaaanne :) (on s’en souviendra toujours) RIP Madame » ;
« Ça y est Liliane à refait les valises et pour un bon bout de temps. Georges et Liliane épique ! » ;
« Liliane, fais tes valises ! C’était encore une belle epoque ».
Erreurs de communication
Les petites phrases n’induisent-elles cependant pas en erreur ? N’accentuent-elles pas un contrôle vertical du discours ? C’est vrai dans la mesure où la plupart des petites phrases émanent de personnalités politiques et médiatiques, et sont détachées par des professionnels des médias qui jouent le rôle de garde-fous. Ces professionnels sélectionnent des portions de discours qu’ils jugent remarquables.
N’oublions cependant pas qu’une petite phrase peut aussi involontairement en devenir une, par le biais de l’erreur de communication. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, est ainsi particulièrement exposée, notamment du fait de ses nombreuses « gaffes ». Rappelons-nous ainsi sa sortie sur les enseignants « qui ne travaillent pas » en période de confinement :
« Nous n’entendons pas demander à un enseignant qui aujourd’hui ne travaille pas compte tenu de la fermeture des écoles de traverser toute la France pour aller récolter des fraises. »
Les cas plus complexes sont ceux d’une interprétation non maîtrisée. Rappelons-nous Nicolas Sarkozy et son message : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », prononcé lors discours de Dakar le 26 juillet 2007. Henri Guaino, l’auteur du discours, n’aura eu de cesse d’essayer d’en rectifier l’interprétation
L'ouverture d'un espace citoyen parodique
L’événement de discours créé par une petite phrase, « événement de parole » selon Annabelle Seoane, son figement, son caractère spectaculaire, permettent également la création d’un espace citoyen critique et parodique.
De multiples mèmes fabriqués à partir de petites phrases circulent sur les réseaux sociaux. Certains médias alternatifs comme Les Répliques, créé en juin 2015, collectent des petites phrases, principalement des tweets, et les mettent en scène avec le commentaire critique d’un internaute sélectionné sur les réseaux sociaux.
Les petites phrases demeurent donc un objet langagier difficile à maîtriser pour les femmes et hommes politiques. Ceux-ci sont pris en tenaille entre la volonté d’être visible et celle de maîtriser leur discours, à une époque où chaque mot peut laisser une trace. La solution ne viendra peut-être pas de la communication elle-même.
C’est une tentation trop simple que de considérer que la communication peut tout ou bien est responsable de tout. A cet égard, les polémiques autour des petites phrases sont sans doute plutôt à comprendre comme le symptôme d’une crise politique française plus profonde.
Rarement quatre mots auront suscité autant d’exégèses. Ces
quatre mots, « nous sommes en guerre », ont été prononcés par
Emmanuel Macron dans un discours du 16 mars 2020 à propos de l’épidémie de
covid-19. Prononcés à six reprises, même : c’est dire s’il tenait à ce
qu’on les remarque. Et en effet, remarqués, ils l’ont été. La plupart des
commentateurs y ont vu une métaphore. Presque personne une petite phrase, ce qui
est un peu étrange, s’agissant d’un président à qui l’on en a tant attribué.
La guerre est-elle encore une métaphore ? Elle n’est
pas l’apanage d’Emmanuel Macron, en tout cas. On la voit invoquée à tout bout
de champ. « Nous sommes en guerre », disait Nicolas Hulot en juin
2019 à propos du réchauffement climatique[1].
« Nous sommes en guerre contre les marchés financiers » assurait
jadis Bruno Le Maire, alors ministre de Nicolas Sarkozy[2].
Une simple recherche sur internet permet de constater que des maires français,
par exemple, ont au cours des derniers mois « déclaré la guerre » aux
déjections canines, aux éoliennes, aux anglicismes, aux décharges sauvages, à la
5G, au gaz hilarant, aux mégots de cigarettes, aux perturbateurs endocriniens,
etc.
Autrement dit, la guerre est devenue un cliché, un lieu
commun, une « métaphore morte » ‑ concept auquel Emmanuel Macron
devrait être sensible puisqu’il a été largement traité par son maître à penser
Paul Ricœur[3].
Une métaphore montée à l’envers
Cette métaphore est d’autant plus morte que la guerre, pour
la plupart des Français, est devenue théorique. C’est un fait du passé, ou un
fait lointain (en Syrie, au Sahel…), pas un fait vécu. « À l’époque
contemporaine, aucune métaphore n’a été plus utilisée, même si la chose à
laquelle elle se réfère est sortie de l’horizon de l’expérience pour la plupart
des gens dans le monde développé », souligne l’historien américain
David A. Bell[4]. « La
plupart d’entre nous n’a aucune expérience réelle de la guerre – aucun sens réel
et viscéral de ce qu’elle implique et de ce qu’elle exige ».
Or une métaphore consiste d’ordinaire à remplacer de
l’abstrait par du concret, comme l’a montré George Lakoff voici déjà plusieurs
décennies. L’encyclopédie en ligne Larousse en a fait la définition
même de la métaphore : « Emploi d'un terme concret pour
exprimer une notion abstraite par substitution analogique, sans qu'il y ait
d'élément introduisant formellement une comparaison ». Chaque année,
une campagne publique nous incite à nous vacciner contre l’épidémie de grippe.
Pour nous, celle-ci est plus « concrète » que la guerre. Comparer
l’épidémie à la guerre serait donc une métaphore montée à l’envers. Une
absurdité rhétorique.
Le communicant Florian Silnicki
est de cet avis : « Ce vocabulaire martial est inapproprié et
surtout, en inadéquation avec la culture sociétale et sociologique. La plupart
des Français qui ont écouté ce discours n’ont pas connu la guerre. On ne peut
pas espérer marquer les esprits selon une stratégie de choc de la même façon
qu’auraient pu le faire un De Gaulle ou un Mitterrand[5]. »
Guerre éclair
Emmanuel Macron nourrirait-il cet espoir malgré tout ? Certains
linguistes, politologues et autres experts réels ou supposés s’en sont dits convaincus.
Pour Cécile Alduy, « il y a une visée politique dans ce registre
martial : incarner le Père de la Nation à la Clemenceau, imposer par ricochet
une unité nationale que seule la guerre justifie, faire taire donc les
oppositions et les critiques[6]. »
Apparemment, ce point de vue est partagé par beaucoup. « Depuis le
discours d’Emmanuel Macron le 16 mars et son usage du terme « guerre »,
observateurs et politiques usent et abusent de la métaphore », note
Gaïdz Minassian[7].
En effet, chose étrange, ce sont ces commentateurs qui
filent la métaphore pour le compte d’Emmanuel Macron. Ils assimilent par
exemple « l’exode parisien » à celui de mai 1940[8].
Le chef de l’État n’en demandait probablement pas tant. Car, chez lui, le thème
de la guerre est étroitement daté.
Il est absent de sa première
adresse aux Français à propos de l’épidémie, le 12 mars 2020, qui ne
contient rien de plus belliqueux qu’un hommage aux « héros en blouse
blanche ». Loin de saisir l’occasion de s’ériger en chef de guerre, le
président exclut tout « repli nationaliste ». Il se dit à la
remorque du monde médical.
Un principe nous guide pour
définir nos actions, il nous guide depuis le début pour anticiper cette crise
puis pour la gérer depuis plusieurs semaines et il doit continuer de le faire :
c'est la confiance dans la science. C'est d'écouter celles et ceux qui savent.
Les six « nous sommes en guerre » n’apparaissent
que dans la deuxième
adresse aux Français, quatre jours plus tard, le 16 mars 2020. Ils sont
précédés par cette explication :
alors même que les personnels
soignants des services de réanimation alertaient sur la gravité de la
situation, nous avons aussi vu du monde se rassembler dans les parcs, des
marchés bondés, des restaurants, des bars qui n’ont pas respecté la consigne de
fermeture. Comme si, au fond, la vie n’avait pas changé
La guerre reste très présente neuf jours plus tard, dans l’allocution
du 25 mars prononcée à l’issue d’une visite du chef de l’État au CHU de
Mulhouse :
je vous ai dit il y a quelques jours que nous étions engagés
dans une guerre, une guerre contre un ennemi invisible, ce virus, le Covid-19
et cette ville, ce territoire porte les morsures de celui-ci. Lorsqu'on engage
une guerre, on s'y engage tout entier…
nos entreprises françaises et
nos travailleurs ont répondu présent et une production, comme en temps de
guerre, s'est mise en place…
Rien de plus. C’est même ce qui frappe les observateurs
perspicaces comme Philippe Moreau-Chevrolet : « Emmanuel Macron
est redescendu sur terre. Il n'a plus parlé de guerre [comme il l'avait fait le 16
mars, lorsqu'il avait déclaré "nous sommes en guerre"]. Ce n’était
plus Clemenceau. Il s'est placé au même niveau que ses ministres ou que le
directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, dans la gestion de la crise
sanitaire[9]. »
Cécile Alduy, en revanche, interrogée le 18 avril, ne semble pas avoir noté
que « nous sommes en guerre » n’a été qu’une parenthèse dans
la communication présidentielle[10].
Un registre pas si martial
Le thème de la guerre chez Emmanuel Macron n’est pas
seulement limité à la période du 16 mars au 25 mars, il est aussi étroitement
cantonné. L’adresse du 16 mars elle-même ne lui accorde pas d’autre place que
ses « nous sommes en guerre » métaphoriques, édulcorés
d’ailleurs par cet avertissement initial : « nous
sommes en guerre, en guerre sanitaire, certes : nous ne luttons ni contre une
armée, ni contre une autre Nation ».
On ne distingue rien de guerrier dans les conseils du président : « écoutons
les soignants, qui nous disent : si vous voulez nous aider, il faut rester chez
vous et limiter les contacts. C'est le plus important. » Ou
encore : « Lisez, retrouvez aussi ce sens de l'essentiel. Je pense
que c'est important dans les moments que nous vivons. La culture, l'éducation,
le sens des choses est important. »
Il est étonnant que ceux qui distinguent
un « registre martial » dans les propos d’Emmanuel Macron ne
leur aient pas appliqué une démarche
lexicographique. Ils auraient constaté que si « guerre »
figure sept fois parmi les 2 621 mots de l’adresse du 16 mars, on y trouve
aussi sept « virus », six « sanitaire(s) » et
cinq « scientifique », le mot le plus fréquent, huit
occurrences, étant… « soignants ».
Réflexe pavlovien
Il est donc clair que « nous
sommes en guerre » n’est pas chez Emmanuel Macron l’indice révélateur
d’un tropisme césarien ou « clemencien » mais une simple astuce
publicitaire : il a parlé haut pour faire entendre son message. Les
Français ne paraissent pas en avoir été autrement émus ; les nombreux
sondages publiés ces dernières semaines n’en ont rien montré, en tout cas. « L’exode
parisien » ne dénote pas une panique à l’approche d’un ennemi
sanguinaire mais un désir de passer un confinement aussi confortable que possible (à la guerre comme à la guerre…). Ce
souci pragmatique démontre l’échec de la métaphore plutôt que sa réussite.
Elle a pourtant réussi, si l’on peut dire, auprès d’un
sous-groupe restreint de la population française. « Nous sommes en
guerre » a fonctionné comme une petite phrase (ou au minimum une « formule », dans le vocabulaire d'Alice Krieg-Planque) auprès d’un microcosme intellectuel chez qui le mot « guerre »
déclenche apparemment une sorte de réflexe pavlovien.
[1] Philippe
Lemoine et Yves-Marie Robin, « Entretien exclusif. Nicolas Hulot sur le
réchauffement climatique : ‘Mobilisons-nous’ », Ouest
France, 30 juin 2019.
[5] Claire
Conruyt « ‘Guerre’, ‘ennemi’, ‘première ligne’... Le vocabulaire d’Emmanuel
Macron est-il pertinent face au coronavirus ? », Le Figaro, 26 mars 2020.
[6] Cécile
Alduy, interrogée par Laure Bretton, « Métaphore de Macron sur la guerre :
‘Cela exonère le pouvoir de ses responsabilités’ », Libération, 30 mars 2020.
[9] Lea Ouzan,
« Emmanuel Macron est ‘redescendu sur terre’ : Jupiter, c’est
fini ? », Gala, 24 avril 2020.
[10] Rebecca
Fitoussi, « Cécile Alduy : ‘Notre langage est une manière de surmonter
l’incertitude et l’angoisse que provoque l’épidémie’ », Public
Sénat, 18 avril 2020.