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16 septembre 2020

Emmanuel Macron connaît mal les Amish, mais peut-être est-ce déjà trop

« Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l'écologie contemporaine » déclare Emmanuel Macron le 14 septembre, à l’Élysée, devant un groupe de patrons de la French Tech, pour justifier le déploiement de la 5G. Gala, Le Parisien, le Huffington Post, Reporterre et d’autres y voient aussitôt une « petite phrase ».

Ferme Amish dans
l’Ohio, Licence Pixabay
 
Tactiquement, on voit bien l’utilité d’un Amish bashing. Au moment où les Verts et autres écologistes s'attirent des moqueries en rafale pour des propositions comme la suppression du Tour de France ou des sapins de Noël, une louche d’ironie supplémentaire est plus rapide et plus efficace qu’un argumentaire technologique en faveur de la 5G. Surtout devant un parterre de convaincus.

Pour Emmanuel Macron, il est a priori moins dangereux de s’en prendre aux Amish qu’aux « Gaulois réfractaires ». Les Amish suscitent aisément les moqueries avec leurs barbes, leurs salopettes et leurs chapeaux de paille. Pourtant, attirer l’attention de la presse sur cette petite église chrétienne d’Amérique du Nord n’est pas sans risque.

La référence exotique du président

D’abord, les Amish ne sont pas systématiquement rétrogrades. Chacune de leurs communautés peut décider d’adopter ou non une nouvelle technologie. Ses membres se réunissent pour déterminer si elle répond à une condition essentielle : être plus utile que nocive pour ses valeurs. Certaines technologies, l’électricité solaire, par exemple, passent le test plus aisément que d’autres. Vers l’âge de 16 ans, les jeunes Amish sont invités à prendre leurs distances lors de la période du rumspringa. Ils découvrent alors le monde extérieur. Ils choisissent ensuite de retourner, ou pas, dans leur communauté ; 80 à 90 % reviennent. La vie façon Amish doit avoir du bon[1].

Mais surtout, les Amish ne sont pas une référence familière pour une grande partie des Français. On les perçoit au mieux, de manière caricaturale, comme un phénomène exotique et suranné. En donnant l’impression de s’être penché sérieusement sur un « modèle Amish », fût-ce pour le rejeter, Emmanuel Macron se montre, comme avec le « Kamasutra de l’ensauvagement », en décalage avec son opinion publique. Ce qui ne lui a jamais réussi.

Michel Le Séac’h

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[1] Cal Newport, professeur d’informatique à l’université de Georgetown, présente les Amish comme un exemple de frugalité numérique dans Réussir (sa vie) grâce au minimalisme digital – Moins de technologie, plus de concentration, Paris, Alisio, 2020.