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02 décembre 2023

Petites phrases : le rattachement importe plus que le détachement

Les petites phrases, considère-t-on souvent, sont issues d’un phénomène de « détachement ». Elles font partie de ce que le professeur Dominique Maingueneau appelle dans un livre fondateur les « phrases sans texte »[i]. Le détachement suppose une « détachabilité », une capacité d’un fragment à exister seul, mais aussi une « saillance », un caractère remarquable, voire une « surassertion », une mise en évidence par différents moyens comme sa place dans le discours ou la manière de le prononcer.

Les définitions de la « petite phrase » donnent pour la plupart un caractère central au détachement. Pour Alice Krieg-Planque, elle est « un énoncé que certains acteurs sociaux rendent remarquable et qui est présenté comme destiné à la reprise et à la circulation »[ii]. Pour Henri Boyer et Chloé Gaboriaux, c’est « un segment de taille variable, emprunté à un ensemble discursif plus long »[iii] ». Pour Damien Deias, auteur de la première thèse sur le sujet[iv], c’est « un fragment de discours […] ayant subi un détachement fort pour être cité dans un texte ». Pour le Larousse en ligne, c’est une « courte phrase détachée des propos tenus en public par une personnalité[v] ». En revanche, le détachement ne figure pas dans les définitions établies par l’Académie française en vue d’illustrer les articles « Petit » et « Phrase »[vi].


Plusieurs raisons incitent cependant à relativiser le rôle du « détachement » dans la genèse d’une petite phrase.

  • Bien entendu, il n’est pas spécifique aux petites phrases. Le détachement produit une citation, une « phrase sans texte » générique. Toute citation implique que celui qui cite l’a jugée saillante (il l’a remarquée) et détachable. 
  • Les petites phrases ne sont pas toujours détachées d’un discours, ni d’un texte plus long. Couramment, on désigne aussi comme telles des exclamations isolées (« Casse-toi pauv’ con »…), des passages de conversation (« Je traverse la rue »…), des répliques lors de débats (« Je vis avec un homme déconstruit et je suis très heureuse »…), des tweets (« le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, il nous incombe de le réparer »), etc. L'origine d’une petite phrase, vite oubliée dans bien des cas, ne fait pas partie de son contenu implicite, sauf circonstances particulières (le débat présidentiel de « Vous n’avez pas le monopole du cœur », par exemple).
  • Le détachement n’est pas toujours précédé d’une surassertion. Les quatre petites phrases d’Emmanuel Macron auxquelles le professeur Arnaud Mercier attribue le déclenchement de la crise des « Gilets jaunes » en 2018[vii] (« Je traverse la rue, je vous trouve du travail », « Des Gaulois réfractaires au changement », « On met un pognon de dingue dans des minima sociaux », « Des gens qui ne sont rien ») n’ont pas de caractère saillant dans les discours du président de la République. En fait, elles ne deviennent saillantes que parce qu’elles sont détachées.
  • Ce qui est détaché n’est pas toujours ce qui est surasserté (comme le note le professeur Maingueneau). « Ne vous demandez pas ce que le pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le pays », enjoint Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, dans un discours du 27 août 2015. La formule est surassertée par nature : c’est la traduction fidèle du passage le plus célèbre du discours d’investiture du président John F. Kennedy, le 20 janvier 1961 (« Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country »). La presse ne peut la manquer. Or c’est une autre phrase du ministre qui est expressément qualifiée de « petite phrase »[viii] : « La gauche a pu croire que la France pourrait aller mieux en travaillant moins ».
  • Fréquemment, la petite phrase ne provient pas du détachement lui-même, ou pas du détachement seul, mais d’une modification subie par le fragment détaché. Il est assez souvent tronqué. « Je n’ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c’est un point de détail de la Deuxième Guerre mondiale », déclare Jean-Marie Le Pen lors d’un entretien radiophonique en 1987. La phrase circule aussitôt sous la forme : « Les chambres à gaz sont un détail ».
  • Il arrive même que le fragment soit reformulé pour devenir détachable, voire pour devenir saillant. On a imputé à Nicolas Sarkozy d’avoir présenté l’immigration comme une « fuite d’eau », alors que l’expression est absente du discours incriminé[ix].
  • Plus rarement, des petites phrases ne sont pas seulement détachées mais traduites d’une langue étrangère, avec les risques afférents à une traduction. La formule « NATO is becoming brain dead » d’Emmanuel Macron, est devenue « l’OTAN est en état de mort cérébrale » au lieu de « va vers la mort cérébrale ».
  • Certaines petites phrases ne sont pas des détachements mais des parodies. « La vie d’un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d’un salarié », assure Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie à Jean-Jacques Bourdin le 20 janvier 2016. Le même jour, dans un tweet de RMC, sa déclaration est rendue saillante sous cette forme : « la vie d’un entrepreneur est bien plus dure que celle d’un salarié ». Vingt-quatre heures plus tard, sur l’internet, la formule inexacte est citée neuf fois plus souvent que la formule exacte[x].

Le détachement ne peut donc pas être considéré comme un caractère essentiel de la petite phrase. Il en va autrement de son attachement ‑ ou son rattachement ‑ à un auteur. Une petite phrase provient d’un auteur, réel ou supposé. Son sens implicite n’est compréhensible qu’en relation avec celui-ci – y compris s’il ne l’a pas voulu. L’auteur et la phrase forment un couple indissociable, sans divorce possible. « Un détail de la Seconde Guerre mondiale » n’est rien sans Jean-Marie Le Pen, « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux » n’est rien sans Emmanuel Macron. Quand le dicton ou la maxime cherchent à exprimer une vérité permanente, la petite phrase n’existe qu’en rapport avec son auteur et le public qui l’interprète. Elle est un logos qui n’existe qu’en fonction d’un ethos et d’un pathos.

Michel Le Séac’h

Illustration : Jefferson Bible, National Museum of American History Smithsonian Institution, CC BY-NC-SA 2.0 DEED, https://www.flickr.com/photos/nationalmuseumofamericanhistory/6329719765


[i] Dominique Maingueneau, Les Phrases sans texte, Paris, Armand Colin, 2012, p. 11-13.

[ii] Alice Krieg-Planque, « Les "petites phrases" : un objet pour l’analyse des discours politiques et médiatiques », Communication & langages, n° 168, juin 2011, p. 23-40. https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2011-2-page-23.htm, consulté le 7 août 2021.

[iii] Henri Boyer et Chloé Gaboriaux, « Splendeurs et misères des petites phrases », Mots – Les langages du politique, n°117, juillet 2018.

[iv] Damien Deias. Les petites phrases en politique : analyse d’un phénomène médiatique. Linguistique. Université de Lorraine, 2022. Français. ‌NNT : 2022LORR0181‌.

[v] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/phrase/60532/

[vi] Voir dans ce blog « Une petite phrase a un auteur, l’Académie française n’est pas seule à l’oublier »,  28 octobre 2022, https://www.phrasitude.fr/2022/10/une-petite-phrase-un-auteur-lacademie.html

[vii] Arnaud Mercier, « "Gilets jaunes" contre Macron : aux racines de l’incommunication », The Conversation, 3 décembre 2018, https://theconversation.com/gilets-jaunes-contre-emmanuel-macron-aux-racines-de-lincommunication-108048

[ix] Voir dans ce blog le cas de la « fuite d’eau » de Nicolas Sarkozy, « Fuite d’eau, la petite phrase pas dite mais entendue quand même », https://www.phrasitude.fr/2015/06/fuite-deau-la-petite-phrase-pas-dite.html.

[x] Voir dans ce blog « "La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié" : une petite phrase involontaire d’Emmanuel Macron », 21 janvier 2016, https://www.phrasitude.fr/2016/01/la-vie-dun-chef-dentreprise-est-bien.html.

01 juin 2023

Qu'est-ce qu'une petite phrase ? Essai de définition, avec diagramme de Venn : un concentré de rhétorique

Définir la locution « petite phrase » n’est pas une nécessité vitale. Dépourvue d’enjeux sécuritaires, juridiques ou médicaux, elle laisse plus de latitude que « champ de mines » ou « champignon vénéneux ». Mais on aimerait mieux appréhender cet objet élusif. Ce blog se range souvent à des avis d’experts : est petite phrase une déclaration qu’au moins deux ou trois médias d’une certaine importance ont appelée petite phrase. Ce postulat performatif est commode mais pas suffisant : il ne dit pas pourquoi ces médias ont considéré que la locution était applicable en l’espèce.

Diverses définitions de la petite phrase ont été proposées. Celles des savants obéissent aux préoccupations de leur discipline. Du côté des sciences du langage, Alice Krieg-Planque y voit un « syntagme dénominatif métalinguistique non-savant (et plus précisément : relevant du discours autre approprié), qui désigne un énoncé que certains acteurs sociaux rendent remarquable et qui est présenté comme destiné à la reprise et à la circulation »[i]. Au terme d’une analyse rigoureuse, dans sa thèse sur les petites phrases, Damien Deias en établit une « définition linguistique » en huit points[ii]. L’adjectif dit assez que le regard d’autres disciplines, la communication politique par exemple, peut être différent.

Une définition en trois éléments 

Les définitions des dictionnaires sont hétérogènes mais tournent en général autour de quelques éléments : le texte et sa genèse, l’auteur, le public et les médias.

Le texte est un « propos bref d’un homme politique » (Trésor de la langue française, CNRTL) ou un « propos d’une personnalité, gén. politique » (Maxidico), une « formule concise » (Dictionnaire de l’Académie française), une « expression ou phrase faisant formule » (Le Robert), un « élément d’un discours » (Le Grand Larousse illustré), une « courte phrase détachée des propos tenus en public par une personnalité » (Larousse), un « court extrait de discours » ou une « brève citation publique » (Wikipedia), une « petite phrase extraite des propos d’un homme public » (Petit Robert). On retiendra le mot « formule », soit, selon l’Académie française, des « paroles auxquelles on attribue une efficacité spécifique » ou encore une « expression symbolique d'une règle opératoire, d'une loi de la nature, d'une relation, de la composition d'un corps, de sa structure, etc. ». En effet, sous une forme concise (et même « anodine », écrit l’Académie française), la petite phrase renferme un contenu riche, voire puissant, chargé de sous-entendus.

Dans les définitions ci-dessus figure plusieurs fois l’idée que la petite phrase est extraite d’un discours. Pour les sciences du langage, le fait générateur de la petite phrase est son « détachement », concept dégagé par Dominique Maingueneau[iii]. Elle est, écrit Damien Deias, « un fragment de discours […] ayant subi un détachement fort pour être cité dans un texte ». Cependant, sont aussi désignés comme des petites phrases des exclamations isolées (« casse-toi pauv’ con »…), des passages de conversation (« je traverse la rue »…), des répliques lors de débats (« je vis avec un homme déconstruit et je suis très heureuse »…), etc. L'origine d’une petite phrase est vite oubliée et ne fait pas partie de son contenu implicite, sauf circonstances exceptionnelles (« vous n’avez pas le monopole du cœur », par exemple, est issu du premier débat télévisé français entre candidats à la présidence de la République et le « vous » suppose un interlocuteur).

Un contenu indissociable du locuteur et de l’auditeur

Le détachement n’est donc pas un aspect essentiel de la petite phrase. Il en va autrement de son attachement -- ou son rattachement -- à un auteur. Comme un apophtegme, une petite phrase, à de rares exceptions près peut-être, provient toujours d’un locuteur, réel ou supposé. Son sens implicite n’est compréhensible qu’en relation avec cet auteur (« un détail de la Seconde guerre mondiale », « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux »…). Brève et simple, la petite phrase ne contient généralement pas d’autre argument qu’un argument d’autorité. Il est donc surprenant que l’auteur soit ignoré par certaines définitions de la petite phrase, en particulier celle de l’Académie française. Naturellement, l’auteur doit être « quelqu’un », un personnage bénéficiant déjà d’une image, d’une notoriété extensible à sa petite phrase. Celle-ci peut faire évoluer l’image de son auteur mais non, a priori, la créer de toutes pièces. Autrement dit, la petite phrase vient du personnage et non le personnage de la petite phrase.

Troisièmement, la petite phrase a un auditoire, ou plus généralement un public. Elle a, pour une personne ou un groupe de personnes, un sens particulier, qui perdure au-delà de la mémoire immédiate. Autrement dit, elle laisse une marque, une empreinte cognitive, d'intensité et de durée variables en fonction des sentiments ou des passions du public. Lequel n’est pas toujours celui auquel le locuteur pensait s’adresser (« des Gaulois réfractaires au changement » est issu d’un discours adressé à la reine du Danemark). Et le sens qu’il donne à la petite phrase n’est pas toujours conforme aux intentions de son auteur (« la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », petite phrase d’un Premier ministre de gauche, est resté une référence pour un électorat de droite). Le public est donc co-créateur de la petite phrase au même titre que le locuteur et doit faire partie de sa définition.

En revanche, les médias, cités par plusieurs dictionnaires, ne paraissent pas indispensables à celle-ci. Ils sont certes les agents principaux du détachement distingué par les linguistes, lequel est, écrit Damien Deias, « opéré par des acteurs médiatiques qui sélectionnent des énoncés dans les discours des acteurs politiques ». Mais, d’une part, il arrive que les petites phrases soient « élues » au suffrage direct par leur public (« je traverse la rue »…), via les réseaux sociaux. D’autre part, les médias sont au fond un public parmi d’autres. Ils interviennent dans la sélection des petites phrases en tant qu’agents de leur lectorat.

D’où cette proposition de définition tripartite en douze mots : la petite phrase est

une formule concise, attribuée à un auteur connu, qui marque un public.

Elle n’existe que par réunion de ces trois conditions. Ce qu’il est possible de représenter commodément par un diagramme de Venn :

Ce graphique ne nécessite aucune explication supplémentaire. Mais il suggère de pousser plus loin l'analyse :

On reconnaît les trois catégories d’Aristote, réduites à leur état le plus simple. La petite phrase -- on y reviendra -- c'est la rhétorique à l'os. 

Michel Le Séac’h


[i] Alice Krieg-Planque, « Les « petites phrases » : un objet pour l’analyse des discours politiques et médiatiques », Communication & langages, 2011/2 (N° 168), p. 23-41. DOI : 10.4074/S0336150011012038. URL : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2011-2-page-23.htm

[ii] Damien Deias, Les petites phrases en politique : analyse d’un phénomène médiatique. Linguistique. Université de Lorraine, 2022. Français. ‌NNT : 2022LORR0181‌. ‌tel-03933020‌. Voir notamment p. 18-24 et p. 170-171.

[iii] Dominique Maingueneau, Les Phrases sans texte, Paris, Armand Colin, 2012. Voir chapitre 1.

29 avril 2023

La première thèse de doctorat sur les petites phrases soutenue par Damien Déias

On attendait les sciences politiques, les sciences de l’information et de la communication voire les sciences cognitives… la première thèse de doctorat spécifiquement consacrée aux petites phrases relève des sciences du langage. Soutenue par Damien Deias le 7 décembre 2022 à l’université de Lorraine, elle est désormais accessible en ligne. Elle est intitulée Les petites phrases en politique : analyse d’un phénomène médiatique. Les sciences politiques et la communication ne sont donc pas bien loin…

Le contraire eût été étonnant. Les travaux académiques antérieurs évoquant les petites phrases s’intéressent en général au cadre de la communication politique. C’est le cas notamment de la thèse de doctorat soutenue par Laura Goldberger-Bagalino en 2017 sous le titre Le Web politique : l'espace médiatique des candidats de la présidentielle 2012.

Damien Déias, qui abrège la locution « petite phrase » sous la forme « PPh », a organisé son sujet en trois parties : « Caractériser et définir les PPh », « Détachement, circulation et reprises des PPh » et « Fonctionnement argumentatif des PPh ».

Pas de définition consensuelle

Définir les petites phrases était une gageure. Cependant, puisque la dénomination est « connue, repérable, unificatrice », elle « crée une catégorie sémantique (…) et offre un angle d’attaque pertinent pour le linguiste, au carrefour de l’énonciation, de la syntaxe, de la sémantique et de la pragmatique ». On comprend aisément qu’un carrefour aussi fréquenté n’est pas facile à traverser.

Il n’existe pas de définition couramment admise de l’expression « petite phrase ». Pas de traduction consensuelle en d’autres langues, non plus. Le concept n’est pas propre au français, pourtant : « des objets similaires aux petites phrases existent en anglais, italien, espagnol ou allemand, mais nous sommes bien en peine pour trouver un équivalent à l’étiquette francophone ».

Damien Déias envisage même que la PPh constitue à elle seule un « genre de discours » ‑ un thème cher à son directeur de thèse, Mustapha Krazem. Au terme d’un examen de la pratique médiatique du détachement des PPh, encouragée côté politique, il conclut néanmoins qu’elles ne sont au fond qu’une « forme de routine […], pas suffisante pour parler de genre discursif. »

Avant tout, une pratique citationnelle

La dénomination « petite phrase » est d’usage relativement restreint, d’ailleurs. Si le grand public sait ce qu’est un proverbe ou un slogan, la PPh n’est pas une catégorie nommée spontanément. Il serait pourtant erroné de n’y voir qu’une projection médiatique sans contenu discursif et linguistique solide. Plutôt qu’à un genre discursif, elle renvoie à une « pratique citationnelle » : « est une PPh un énoncé détaché par un tiers médiatique et qui a été nommé "petite phrase" par celui-ci ». Cette définition presque tautologique permet au moins d’avancer. Elle rejoint d’ailleurs celle donnée par Alice Krieg-Planque : « un énoncé que certains acteurs sociaux rendent remarquable et qui est présenté comme destiné à la reprise et à la circulation. » De fait, si les journalistes qui citent une PPh désignent toujours son auteur, ils rappellent souvent le discours dont elle est extraite et la situation d’énonciation.

Damien Déias ne s’en tient pas à cette définition utilitaire : au terme de sa première partie, il dégage une définition « de linguiste » plus complexe. Elle comprend huit points : 1) La dénomination « PPh » désigne un fragment de discours ayant subi un détachement fort pour être cité dans un texte. 2) La dénomination « PPh » provient du monde des professionnels de la communication et des médias. 3) La dénomination « PPh » est de valeur péjorative. 4) Le détachement des PPh est opéré par des acteurs médiatiques. 5) L’intégration des PPh au discours journalistique peut impliquer des adaptations et modifications des énoncés détachés. 6) Les PPh en circulation sont des phrases courtes. 7) La PPh marque une prise de position vigoureuse et/ou un engagement énonciatif fort. 8) Les PPh sont engagées dans un processus de circulation intense.

Très logiquement compte tenu de cette définition, la deuxième partie de la thèse a pour thème « Détachement, circulation et reprises des PPh ». Pratique citationnelle, celles-ci ne se réduisent pourtant pas à un discours rapporté. Elles circulent de discours en discours et dans des mémoires collectives, et elles sont souvent polémiques. Leur détachement découle d’une « surassertion », notion introduite par Dominique Maingueneau, les énoncés surassertés étant « préparés par le locuteur et signalés comme étant détachables ».

Cette détachabilité n’est cependant pas une règle absolue, car – et Damien Déias cite ici le professeur Maingueneau ‑ « rien n’empêche un journaliste, par une manipulation appropriée, de convertir souverainement en "petite phrase" une séquence qui n’a pas été surassertée, voire de fabriquer des "petites phrases" à partir de plusieurs phrases. »

Ce que devient la petite phrase

Il n’y a pas de surassertion non plus dans le cas des PPh « manifestement involontaires, qui échappent à l’acteur politique ». Trois cas de figures principaux se distinguent : le lapsus, l’erreur de communication (un énoncé malheureux est détaché et devient une PPh) et la PPh volée (des propos authentiques qui n’étaient pas destinés à devenir publics). Ils seraient toutefois « marginaux dans l’ensemble de la production des PPh ».

La surassertion est avant tout verbale, puisque « les PPh sont d’abord des phénomènes oraux », mais elle peut être soutenue par une gestuelle. Elle l’est aussi par l’évolution des médias : les chaînes d’information en continu ont suscité « des dispositifs médiatiques que nous qualifions de "fabrique des PPh" », car elles « poussent les acteurs politiques à produire des énoncés remarquables susceptibles d’être détachés ». Il en va de même dans les entretiens de presse écrite, où « la production d’énoncés surassertés devenant des PPh est […] une modalité négociée et préparée ».

Il ne suffit pas que la PPh soit prononcée : elle doit être détachée et rapportée, « elle devient en soi une actualité ». Damien Deias étudie donc le travail effectué sur les PPh par les journalistes. Il note qu’elles « sont souvent accompagnées de verbes introducteurs spécifiques » comme « tempête », « lancé » ou « lâché » qui orientent leur réception par le lecteur.

Une fois détachée, la PPh peut être citée, voire modifiée (« défigée »), sans même qu’il soit nécessaire de préciser son auteur ou son contexte. Damien Déias distingue ainsi un « continuum des reprises : 1) énoncé dans le discours source, 2) énoncé entouré/accompagné du cotexte, 3) PPh, 4) Expression issue de la PPh. Malgré « plusieurs points communs », il distingue cependant la PPh de la « formule » telle que définie par Annie Krieg-Planque. Il constate aussi des reprises sous forme de « snowclones » mais évite prudemment de s’aventurer sur le terrain de la « mémétique ».

La vie des PPh peut devenir aventureuse : Damien Déias souligne la fréquence et la diversité des utilisations parodiques.

La petite phrase côté auditoire

Si le personnage principal est le locuteur dans la première partie de la thèse et le journaliste dans la seconde, la troisième s’intéresse à l’auditeur. Beaucoup plus brève, elle « vise à décrire le fonctionnement argumentatif des PPh, les considérant comme un outil stratégique pour les acteurs politiques et médiatiques ». L’analyse du discours y flirte avec la science politique.

La question est moins simple qu’il n’y paraît. L’auditoire ramène la PPh à « un seul énonciateur, quand bien même il s’agit d’une co-construction avec les médias, et quand bien même certaines PPh peuvent être le fruit d’une préparation collective. Elle est, en tous les cas, assumée ou attribuée à un seul sujet ("la petite phrase de…") ». Or, souligne Damien Déias en se référant à Chaïm Perelman, « étudier l’argumentation, c’est avant tout étudier le rapport de l’orateur à l’auditoire ».

Quant à l’auditoire, « pour qu’un acteur politique puisse espérer que sa PPh soit non seulement détachée, mais aussi qu’elle puisse susciter l’adhésion d’une partie des lecteurs qui croiseront son chemin dans les médias, il doit veiller à ce que ces derniers puissent être en accord avec une doxa qu’elle véhicule ».

Quant à l’orateur, Damien Déias souligne à juste titre que « le phénomène des PPh met en avant, dans la triade rhétorique aristotélicienne, l’ethos » : si les premières contribuent à construire le second, le second influence la réception des premières par le public. Cette relation à double sens est spécialement visible dans le cadre des débats politiques ; la thèse s’étend en particulier sur les débats télévisés de second tour lors des élections présidentielles.

Ces débats illustrent la relation entre les PPh et la polémique. L’expression « petite phrase » elle même « est une dénomination dépréciée, souvent envisagée péjorativement ». D’où ce paradoxe : alors que les acteurs politiques en usent largement, « la dénomination "PPh" est perçue négativement, y compris par les acteurs médiatiques. Elle est utilisée pour dénigrer le discours de l’adversaire et l’adversaire lui-même. Celui qui fait des PPh, c’est toujours l’autre. »

Ce caractère polémique conduit Damien Déias à développer en conclusion un concept qui lui est propre, celui de « confusion des scènes », déjà présenté dans un article recensé (et contesté) ici même : « la parole politique se met alors en scène comme une parole du quotidien, parfois injurieuse ou violente, parfois parodique ».

Reste-t-il des pierres à retourner ?

En s’attaquant au sujet encore très peu exploré des petites phrases, Damien Déias a fait œuvre de pionnier. La richesse de sa thèse et la grande diversité des thèmes évoqués montrent que, malgré leur dénomination, les « petites phrases » ne sont pas un sujet mineur. Qu’il ait fallu attendre 2023 pour que le monde académique en prenne conscience, s’agissant d’une expression utilisée depuis au moins un demi-siècle, demeure un mystère.

Damien Déias s’est efforcé de ne laisser aucune pierre qui n’ait été retournée. A-t-il néanmoins laissé un peu d’espace pour ses successeurs ? Oui bien sûr, que leur travail relève des sciences du langage ou d’autres sciences.

Par exemple, s’il évoque la relation entre ethos et PPh, il ne se penche à aucun moment sur le troisième élément de la triade aristotélicienne, le pathos. Sauf erreur, le mot est même totalement absent de sa thèse. Y a-t-il une relation entre PPh et pathos ? Par exemple, évoquerait-on comme des PPh « je traverse la rue » ou « le pognon dingue » sans un pathos français ? L’ethos même, en l’occurrence, ne procède-t-il pas du pathos ?

Si Damien Déas s’interroge légitimement sur les équivalents de l’expression PPh dans d’autres langues, il n’étend pas sa recherche aux équivalents du passé (pique, trait, flèche…). Ce n’est pas un oubli. « Peut-on parler de PPh avant la création de la dénomination ? » demande-t-il expressément. Non, répond-il implicitement : il s’agit de « prendre appui sur la dénomination "petite phrase" pour créer un concept linguistique ». Ce qui le conduit d’ailleurs à refuser l’appellation « petite phrase » aux citations historiques(1). Un point de vue différent pourrait assurément être soutenu.

Alors que les « verbes introducteurs » utilisés par les journalistes sont bien étudiés, les adjectifs, en revanche, le sont peu, hormis bien sûr « petit », étudié dans la première partie à propos de la formulation PPh elle-même. L’adjectif « polémique » est, lui, analysé dans la troisième partie. Pourtant lourd de sens et souvent accolé à l’expression « petite phrase », l’adjectif « assassine » n’est cité que deux fois, dont une en italien, à propos de PPh spécifiques. Philosophique, malheureuse, nostalgique et autres adjectifs souvent accolés aux PPh pourraient devenir un jour un sujet d’étude.

Enfin, si Damien Déias note au passage la présence de métaphores, voire de métaphores filées, dans certaines PPh, il ne cherche pas à analyser spécifiquement leur rôle dans la genèse de celles-ci. De nombreux travaux ont déjà étudié la place des métaphores dans les proverbes ; le tour des PPh viendra certainement.

Michel Le Séac’h

Damien Deias. Les petites phrases en politique : analyse d’un phénomène médiatique. Linguistique. Université de Lorraine, 2022. Français. ‌NNT : 2022LORR0181‌. ‌tel-03933020‌

(1) Je compte revenir sur ce sujet prochainement.

Illustration : The Orator, par Steve Tannock, via Flickr sous licence CC BY-NC-SA/2.0

02 juin 2020

Une brève histoire des petites phrases

On reconnaît volontiers des petites phrases dans « Veni, vidi, vici » (47 av. J.C.), « Souviens-toi du vase de Soissons » (486) ou « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » (1638). Pourtant, la locution « petite phrase » elle-même est bien plus récente. Selon Alice Krieg-Planque et Caroline Ollivier-Yaniv, « ce n’est vraisemblablement que dans le courant des années 1980 que l’objet commence à se constituer, en tant que phénomène de coproduction discursive portant ce nom, dans les relations entre politique, communication et médias »[i].

Si tard, vraiment ? Avant le 20e siècle, certes, une « petite phrase » n’est qu’un nom précisé par un adjectif qui désigne une phrase brève, tout simplement. Cette phrase peut occasionnellement relever du domaine politique : « La France est le seul pays où quelque petite phrase puisse faire une grande révolution » écrit Balzac en 1834 dans La Duchesse de Langeais. Cependant, les occurrences constatées relèvent surtout de la pédagogie et de la musique, voire des deux :

    • Apprenez donc par cœur cette petite phrase : saurez, l’ami, si fais taie, et vous y trouverez le nom de vos sept toniques par dièses : sol, ré, la, mi, si, fé, té[ii]

Au tournant du 20e siècle, « petite phrase » devient clairement une locution. Rémy de Gourmont l’emploie ainsi à plusieurs reprises. Il écrit par exemple : « Le style de Mallarmé doit précisément son obscurité, parfois réelle, à l'absence quasi totale de clichés, de ces petites phrases ou locutions ou mots accouplés que tout le monde comprend dans un sens abstrait, c'est-à-dire unique »[iii].

À partir de cette époque, les occurrences deviennent plus nombreuses. Le Ngram Viewer de Google permet de s’en faire une idée. À défaut d’être très précis, cet outil peut révéler des tendances sur longue période. Ici, il montre que, toutes choses égales d’ailleurs, la fréquence de l’expression progresse globalement tout au long du 20e siècle dans les livres en français. On note deux périodes d’accélération : au singulier (« petite phrase ») dans les années 1910, au singulier et au pluriel à partir du milieu des années 1960.



L’origine de la première accélération ne fait aucun doute : elle est due à Marcel Proust. Du côté de chez Swann est paru en 1913. La « petite phrase » de la sonate de Vinteuil, « hymne national » de l’amour entre Charles Swann et Odette de Crécy, frappe les esprits à l’égal de la « petite madeleine ». Le concept est d’autant mieux mémorisé qu’on le retrouve dans d’autres volumes de la Recherche (À l’ombre des jeunes filles en fleur, La Prisonnière…). (Il figurait déjà, appliqué à une sonate de Saint-Saëns, dans le premier roman de Proust, Jean Santeuil.)

La deuxième accélération commence au milieu des années 1960. La « petite phrase » désigne plutôt les échanges à fleurets mouchetés de la vie politique dans les premières années de la Ve République. Au singulier ou au pluriel, l’expression figure six fois dans Le Duel : de Gaulle-Pompidou de Philippe Alexandre (1970), par exemple.

Fin 1973 paraît dans Le Monde un article de Georges Vedel intitulé « Encore une petite phrase ». Le célèbre juriste y commente une décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 1973[iv]. L’air de ne pas y toucher, le Conseil a répondu incidemment et implicitement à une question importante qu'on ne lui posait pas (une peine d’emprisonnement peut-elle être instaurée par décret ?). L’article, le concept et la démarche du Conseil constitutionnel sont très remarqués dans le monde politique et médiatique de l’époque.

« Depuis quelque temps, après M. Pompidou et M. Brejnev, les petites phrases ont dans la vie politique une certaine importance », note un élu, Jacques Henriet, à la tribune du Sénat, quelques jours plus tard[v]. On commence à percevoir l’expression comme une locution, c’est-à-dire un groupe de mots formant une unité avec un sens propre, comme dans le domaine musical. On le souligne parfois en la mettant entre guillemets. « Pompidou cherche à tirer le meilleur effet de la ‘’petite phrase’’ », note par exemple Jean Poperen, l’un des dirigeants du parti socialiste de l’époque[vi].

La phrase succède au mot

Bien entendu, le phénomène existait avant la locution. Démosthène, l’un des plus fameux orateurs de l’Antiquité, s’est rendu célèbre pour les images employées dans ses discours. Aujourd’hui, certains de ses « slogans métaphoriques »[vii] seraient certainement qualifiés de petite phrase.

Avant cette appellation, la langue française utilisait une formule encore plus succincte : « mot ». Car le « mot » est parfois plus qu’un mot. En 1762, la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française en donne, entre autres, les définitions suivantes : « ce qu’on dit ou ce qu’on écrit à quelqu’un en peu de paroles » et « sentence, apophtegme, dit notable, parole remarquable ». La « phrase » de 1762, elle, est un simple « assemblage de mots sous une certaine construction ».

Réciproquement, la parole peut se définir… comme un mot. « Parole signifie aussi, Sentence, beau sentiment, mot notable », indique le Dictionnaire de 1762. « Parole mémorable. C'est une parole digne d'un Souverain. Il faudroit écrire cette parole en lettres d'or ». Parole signifie encore « Mot, ou discours pris selon ce qu'il est, bon ou mauvais, doux ou rude, offensant ou obligeant, honnête ou déshonnête, &c. ».

Il nous en reste des « paroles historiques » ou des « mots historiques » qu’aujourd’hui on appellerait sans aucun doute des petites phrases. « Alea jacta est » ‑ le sort en est jeté ‑, s’écrie Jules César en franchissant le Rubicon. C’est un « mot » note Dacier, traducteur de Plutarque qui a raconté l’histoire[viii]. Jules César encore traverse un village des Alpes. Il déclare : « J’aimerais mieux être ici le premier que le second dans Rome ». C’est un « mot » dit Rollin en rapportant l’anecdote[ix]. César toujours s’en va en campagne : « Nous nous éloignons d’un général sans armée pour aller combattre une armée sans général ». C’est un « mot »  pour Ferguson[x].

…et le mot devint mot

La première publication académique en français explicitement consacrée aux petites phrases – et souvent citée à ce titre – est intitulée « Petites phrases et grands discours (Sur quelques problèmes de l'écoute du genre délibératif sous la Révolution française) »[xi]. Son auteur, Patrick Brasart, applique sans peine cette locution du 20e siècle à la communication politique du 18e siècle, antérieure à la radio, à la télévision et à l’internet. Surtout, il montre que malgré la « culture rhétorique » des acteurs de l’époque, les petites phrases d’alors ressemblent beaucoup à celles d’aujourd’hui. Il insiste même sur leur versant négatif, « la malveillance des adversaires politiques d'un orateur pour pratiquer les abréviations les plus rudes, la plus radicale étant la réduction de l'ensemble du discours public d'un orateur à une seule phrase » [xii].

À l’époque, les archives parlementaires en témoignent, ces petites phrases révolutionnaires étaient systématiquement appelées « mots ». Mirabeau, par exemple, « dénonce le mot attribué au ministre de Saint-Priest », qui aurait « dit à la phalange des femmes qui demandaient du pain : ‘’Quand vous n'aviez qu'un Roi,vous ne manquiez pas de pain ; à présent que vous en avez douze cents, allez vous adresser à eux’’[xiii] ». Robespierre s’indigne contre le pouvoir des orateurs : « Alors se réalise le mot de Thémistocle, lorsque, montrant son fils enfant, il disait : ‘’Voilà celui qui gouverne la Grèce; ce marmot gouverne sa mère, sa mère me gouverne, je gouverne les Athéniens, et les Athéniens gouvernent la Grèce[xiv].’’ ».

Quant au « mot de Cambronne », c’était à l’origine « la Garde meurt mais ne se rend pas ». Ce mot était évidemment tout prédestiné à devenir un seul mot.

Michel Le Séac’h

Photo : Buste présumé de Jules César au Musée départemental d'Arles, photo fr.zil, Wkipedia, licence CC 2.0



[i] Alice Krieg-Planque et Caroline Ollivier-Yaniv, « Poser les « petites phrases » comme objet d’étude », Ccommunication & langages, n° 168, juin 2011, p. 17-22.
[ii] Émile Chevé, Méthode élémentaire de musique vocale, Paris, 1846.
[iii] Rémy de Gourmont, Esthétique de la langue française, Paris, Mercure de France, 1899.
[v] Sénat, séance du 3 décembre 1973, Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Sénat, 4 décembre 1973, p. 2299.
[vi] Jean Poperen, L’Unité de la gauche (1965-1973), Paris, Fayard, 1975, p.  83.
[vii] Matthieu Fernandez, Les images dans les Harangues et les Plaidoyers politiques de Démosthène : de la communication politique à la littérature, thèse de doctorat, École doctorale Mondes anciens et médiévaux (Paris), 2015.
[viii] Plutarque, Les Vies des hommes illustres, traduction Dacier, Paris, Paulus-du-Mesnil, 1734, p. 252.
[ix] Charles Rollin, Œuvres de Rollin, Paris, Firmin Didot, 1821, p. 452.
[x] Adam Ferguson, Histoire des progrès et de la chute de la république romaine, Paris, Nyon l’aîné et fils, 1741, p. 300.
[xi] Brasart Patrick. « Petites phrases et grands discours (Sur quelques problèmes de l'écoute du genre délibératif sous la Révolution française) ». Mots, septembre 1994, n°40, p. 106-112.
[xii] idem.
[xiii] Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787-1799), T. IX, p. 398. https://sul-philologic.stanford.edu/philologic/archparl/navigate/9/0/0/0/0/0/0/0/398
[xiv] Archives parlementaires de 1787 à 1860, première série (1787-1799), T. XXVI, p. 125. https://sul-philologic.stanford.edu/philologic/archparl/navigate/26/0/0/0/0/0/0/0/129/