C’était bien une parole historique, finalement ! Dix ans après, loin d’être avalé par la noria de l’actualité, le « Wir schaffen das » d’Angela Merkel symbolise un moment de l’histoire allemande et européenne. La petite phrase du 31 août 2015 a fait de nombreux titres ces jours-ci dans la presse francophone, par exemple :
« Immigration. “Wir schaffen
das” : le bilan controversé de la politique d’accueil d’Angela Merkel » – Courrier
international
« Droit d’asile : dix ans
après le "Wir schaffen das" de
Merkel, l’Allemagne est en train de perdre un peu de son humanité » ‑ Libération
« "Wir schaffen das" :
dix ans plus tard, la politique migratoire d’Angela Merkel divise l’Allemagne »
‑ RFI
« Allemagne : dix ans après
le "Wir schaffen das" d'Angela Merkel, que reste-t-il de sa politique
migratoire ? » ‑ RTL
« Dix ans après la crise
migratoire, l’Allemagne fait le bilan du "Wir schaffen das" » ‑ Le
Monde
« Dix ans après "Wir
schaffen das !", l'aide aux réfugiés n'est plus dans l'air du temps
outre-Rhin » – Les
Dernières nouvelles d’Alsace
« "Wir schaffen
das": dix ans après cette déclaration phare d'Angela Merkel, quel bilan de
l'accueil des réfugiés en Allemagne ? » – La
Libre Belgique
« Dix ans après le "Wir
schaffen das" d'Angela Merkel, la politique migratoire allemande a bien
changé » – RTS
On note que la phrase est presque toujours citée dans sa
langue d’origine, à l’instar du « Yes we can » de Barack Obama ou du « Alea
jacta est » de Jules César ; les médias ne prennent pas toujours la
peine de la traduire.
Le jalon historique est posé tout aussi nettement en Allemagne :
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Capture d'écran Google |
On se souvient que, le 31 août 2015, lors d’une conférence de presse, la chancelière allemande d’alors, Angela Merkel invite les Allemands à accueillir les migrants, notamment Syriens et Afghans, qui se pressent à sa frontière. La phrase n’est pas immédiatement remarquée ; elle ne figure d’ailleurs pas dans le compte-rendu officiel de la conférence de presse. Puis un mouvement massif se déclenche en Allemagne : de nombreux citoyens se mobilisent pour accueillir les migrants.
« Wir schaffen das » est donc plutôt perçu positivement dans l'immédiat, l'opinion allemande n'y voit pas tout de suite une rupture
historique et Angela Merkel est largement confirmée à la tête de son parti
quelques mois plus tard. Mais les conséquences sociales de l’afflux de migrants
et les agressions sexuelles massives de la nuit du Nouvel an 2016, en
particulier à Cologne, provoquent vite un énorme contrecoup. L’Allianz fûr
Deutschland (AfD), hostile à l’immigration, passe de 3 % des suffrages en
2015 à 21 % en 2025 tout en se radicalisant davantage. Elle devient le second
parti le plus représenté au Bundestag.
Dix ans plus tard, bien que certains médias tirent un bilan
pas si négatif de l’épisode et de la vague migratoire qui a suivi, « Wir
schaffen das » est généralement considéré comme la pierre noire marquant
le 31 août 2015. Comme le note Der Spiegel, cité par Courrier
international, « la majorité des Allemands pense que “le pays n’a pas
su gérer l’accueil et l’intégration des réfugiés ces dix dernières années” et
que “cette époque a changé l’Allemagne pour le pire” ». La signification des paroles
historiques peut évoluer en cours de route.
Michel Le Séac’h
À lire aussi :
«
Wir schaffen das » : Angela Merkel
est-elle débarrassée de sa petite phrase ?
(billet du 9 décembre 2016)