« "C’est désastreux" - Macron, le retour fracassant des petites phrases assassines », titre le site d’information blue News, du groupe Swisscom. Vingt fois depuis son élection en 2017, des proches, des observateurs, voire le président lui-même, ont cru pouvoir annoncer : « les petites phrases, c’est fini ». Fausse sortie à chaque fois, éternel retour fracassant.
Cette fois, c’est à Mayotte. Mayotte où Emmanuel Macron s’était déjà
illustré en 2017 avec « le kwassa-kwassa [bateau traditionnel] pêche peu,
il amène du Comorien ». Ce 19 décembre, en visite dans une île ravagée par
l’ouragan Chido, il déclare face à une foule protestataire : « Vous
êtes contents d'être en France. Parce que si c'était pas la France, vous seriez
dix mille fois plus dans la merde ! »
De ce dérapage, il donne une explication étrange : « J'avais
des gens du Rassemblement national qui étaient face à moi et qui insultaient la
France en même temps, qui disaient qu'on ne fait rien, etc. » Dans une île
où six électeurs sur dix ont voté Marine Le Pen à la présidentielle, il est
probable en effet que la foule contenait « des gens du Rassemblement
national ». Mais, sauf à considérer que, si Mayotte est en France, le
Rassemblement national n’y est pas, cette explication n’explique en rien le
comportement du président.
Vanity
Fair fait une observation intéressante.
Plusieurs des petites phrases les plus notoires du président ont été prononcées
alors qu’il avait tombé la veste : « C'est devenu un grand classique
de la présidence d'Emmanuel Macron : la déambulation en bras de chemise, les
manches retroussées puis la petite phrase polémique. »
Comme
je l’ai noté voici cinq ans déjà, les voyages hors de la métropole semblent
aussi ouvrir les vannes de la parole présidentielle. D’une manière générale, les
contextes internationaux semblent propices. Il est arrivé à Emmanuel Macron de
prononcer une petite phrase (ainsi qualifiée par au moins un grand média) en
recevant un journal étranger ou en s’exprimant
devant le parlement européen.
Mayotte conjuguait la chemise et le voyage. C’était aussi le
cas, tout juste un mois auparavant, du déplacement présidentiel à Rio de Janeiro
pour le G20. Emmanuel Macron avait déclaré en bras de chemise, à
propos des dirigeants haïtiens : « Ils sont complètement cons ».
À ces tentatives d’explications géo-vestimentaires, Philippe
Moreau-Chevrolet en ajoute une davantage politique. Cité par plusieurs médias à
la suite d’une dépêche AFP, il estime que le chef de l’État pratique un rapport
de force, utilisant « la petite phrase pour dominer l'échange quitte à
abîmer encore davantage son image déjà autoritaire ». Une petite phrase apparaît
ainsi comme un symbole de pouvoir, au même titre qu’un sceptre ou une couronne.
Des mots qui paraîtraient anodins dans une autre bouche acquièrent une valeur
particulière parce qu’ils sont ceux du leader. On note l’effet cerceau :
en dominant l’échange par la parole, le leader suscite et exploite tout à la
fois une image autoritaire.
Michel Le Séac’h
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