« En 2027, peut-être que M. Edouard Philippe vous remplacera », lance un quidam à Emmanuel Macron à l’occasion d’un bain de foule, ce 24 juillet en Nouvelle-Calédonie. « Je tiens à ce qu’il y ait vraiment une suite à ce qu’on a mis en place. Et que celles et ceux qui m’ont accompagné depuis maintenant six ans puissent prendre le relais », répond le président de la République. Puis : « Il a bien fait à mes côtés, c’est un ami ».
Nombre de médias entendent là une petite phrase, tels Europe 1, Le Télégramme, les quotidiens du groupe Rossel (Paris Normandie, L’Est Éclair, Le Courrier Picard, L’Union) et d’autres. RTL y voit « une première politique au détour d'une petite phrase et au cœur de l'été. Elle résonne comme le coup d'envoi de la guerre de succession à Emmanuel Macron. » Et note : « c'est peut-être aussi la première fois qu'Emmanuel Macron dit du bien d'Édouard Philippe ».
Le combat des chefs est l’une des principales vocations des petites phrases. Mais la figure la plus commune est celle qui vise à détruire l’adversaire, de « Vous n’avez pas le monopole du cœur » à « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » Il est exceptionnel que dire du bien d’un leader potentiel fasse figure de petite phrase. Et plus encore que ce « bien » soit interprété comme une vacherie !Car de toute évidence le compliment du chef de l’État dérange celui qui est supposé en bénéficier. Le 25 juillet, Édouard Philippe, recevant Élisabeth Borne au Havre, refuse expressément de le commenter devant la presse (« je propose que nous en restions là »). Pour Sébastien Schneegans, dans Le Point, c’est un « cadeau empoisonné de Macron à Philippe ». Pas seulement parce que la cote de popularité du président est basse, mais aussi, suppose-t-on, parce qu’Édouard Philippe n’a pas envie qu’on le considère comme un candidat en campagne presque quatre ans à l’avance.
Reste une hypothèse : qu’il n’y ait rien derrière ce « bien », pas d’intention derrière le compliment. L’enregistrement audio ne donne pas vraiment l’impression d’un message délibéré. Encore en plein décalage horaire, Emmanuel Macron a pu être pris au dépourvu par une question totalement imprévue et bricoler une réponse improvisée, à la manière du « Je traverse la rue » de septembre 2018. Ce que montrerait alors l’épisode, c’est une appétence des médias pour les petites phrases fussent-elles abusivement sollicitées. Édouard Philippe n’est peut-être pas (encore) en campagne pour 2027 mais la presse l’est déjà.
M.L.S.
Photo : Édouard Philippe en 2021, photo Jérémy Barande / École Polytechnique, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons