LCP diffusera lundi 11 janvier à 20h30 la première partie d’un documentaire de Cécile Cornudet et Benjamin Colmon intitulé « Face à face pour l’Élysée ». Elle est consacrée aux débats télévisés entre François Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et 1981, et au débat entre François Mitterrand et Jacques Chirac en 1988.
Le documentaire présente la mécanique des débats et les interminables négociations entre les équipes des candidats. En 1974, le marketing politique était focalisé sur le visuel. C’était un héritage du débat du 26 septembre 1960 entre John Kennedy et Richard Nixon. Les états-majors avaient lu et relu les pages de The Making of the President 1960 où Theodore H. White détaillait le bronzage de Kennedy, la chemise trop grande de Nixon, le gris trop clair du décor plusieurs fois peint et repeint, les éclairages dérangés par le piétinement des journalistes, etc.
Pour des Américains habitués aux émissions politiques radiophoniques, l’image était une grande nouveauté en 1960. On comprend qu’elle ait préempté les commentaires. En 1974, et a fortiori en 1981 et 1988, la télévision n’était plus si nouvelle pour les Français. Les mémoires n’ont pas été marquées par la couleur des cravates mais par trois petites phrases :
- Vous n’avez pas le monopole du cœur (VGE en 1974)
- C’est ennuyeux quand même que vous soyez devenu l’homme du passif (Mitterrand en 1981)
- Mais tout à fait, monsieur le Premier ministre (Mitterrand en 1988)
Sorj Chalandon le rappelle avec force en commentant le
documentaire de LCP dans le dernier numéro du Canard enchaîné
(« Des hauts et débats », 6 janvier 2021) : « replongeons-nous
avec curiosité dans le premier face-à-face télévisé de l’élection
présidentielle française […] devenu l’exercice imposé de tout candidat à
la magistrature. Et qui s’est bien souvent joué sur une petite phrase. Une
formule choc, éprouvée lors des meetings ou balancée comme ça, réplique magique
dans un moment d’état de grâce, faisant comprendre aux journalistes, aux
états-majors et à la France entière que l’élection était presque gagnée ou
quasiment perdue. »
Ainsi, le sort d’une élection présidentielle pourrait se jouer sur une petite phrase ! Mais si les petites phrases, certaines d’entre elles du moins, valent à des candidats élection « presque gagnée », n’est-il pas étrange qu’on persiste souvent à les considérer, dans leur ensemble, comme une nuisance anecdotique de la vie politique ?
Michel Le Séac’h
Illustration :
débat télévisé Nixon-Kennedy en 1960, photo The Granger Collection via NDLA,
licence CC BY-NC-SA 4.0