Emmanuel Macron ne s’était pas signalé au cours de sa
campagne présidentielle par des petites phrases spécialement remarquables.
Certaines sorties auraient même pu lui coûter cher en des circonstances moins
favorables. Il vient de rattraper son retard d’un seul coup, le 1er juin 2017, avec une petite phrase… en anglais. En quelques heures « Make our planet
great again » a fait le tour de la Terre et a battu le record de
partages sur Twitter en France. Dans la foulée, le président de la République
s’est même offert une deuxième petite phrase : « Il n'y a pas de
plan B car il n'y a pas de planète B ».
Les petites phrases en langue étrangère ne sont pas inconnues en France[i].
Mais, de « Vae Victis » à « Yes we can » et
de « No pasaran » à « Ich bin ein Berliner »,
en général, elles viennent d’ailleurs. Les rares petites phrases en langue
étrangère d’hommes politiques français ne sont guère enviables : on songe
au « What do you want… » de Jacques Chirac en Israël ou au « The
yes needs the no to win » de Jean-Pierre Raffarin. Emmanuel Macron
n’est décidément pas un homme politique ordinaire…
La force de « Make our planet great again »
n’est cependant pas dans sa signification, ni dans l’identité de son
auteur : elle est dans son origine et dans le choix du moment. Il s’agit
d’un « snowclone »,
un détournement d’une formule très connue préexistante. Et quelle
formule ! le slogan de Donald Trump au cours de sa campagne présidentielle
victorieuse de l’an dernier, « Make American great again ».
Jeudi dernier, alors que le président américain venait d’annoncer son intention
de sortir de l’Accord de Paris sur le climat, le président français a repris la
balle au bond en réutilisant ses propres paroles, le soir même, dans une
déclaration solennelle.
Les trois bonnes fées de la communication s’étaient donc
penchées sur le berceau de cette petite phrase :
- Au niveau du contenu, elle prenait appui sur un texte déjà très connu.
- Au niveau du contexte, elle portait sur un sujet d’intérêt brûlant pour la presse internationale, commenté par un responsable de premier plan
- Au niveau de la culture, elle exploitait la défaveur de Donald Trump dans une grande partie de l’opinion française, américaine et mondiale.
La presse française a largement salué ce qu’elle a parfois
appelé une « punchline »
ou un « coup
de com » ‑ « mais pas un coup improvisé », a
souligné Christophe Barbier sur BFM TV, qui estime que la formule était
mijotée depuis plusieurs jours. Et en effet, si la mise en scène était impeccable,
le texte n’était pas très original. En réalité, le slogan de Donald Trump (qui
a pris soin de le déposer, alors qu’il avait déjà été utilisé par Ronald Reagan
sous la forme « Let’s make America great again ») a fait
l’objet de nombreux détournements.
« Make Europe great again » a été
largement utilisé au cours de la campagne électorale allemande par les
partisans de Martin Schulz. Plaisantins et opportunistes ont imaginé, entre
autres, « Make coal great again », « Make gin great
again », « Make emoji great again », « Make the Internet
great again » et même « Make periods great again », nom d’un site web créé par le
fabricant de tampons hygiéniques Lola ! « Make Earth great
again » est devenu le titre d’un
web-sermon du pasteur James Hein et d’une affiche mettant en scène Donald
Trump et Vladimir Poutine. Ainsi était-il amplement démontré que « Make
America great again » était propice aux recyclages. Encore fallait-il
saisir la bonne occasion, ce qu’Emmanuel Macron a remarquablement réussi.
Google Trends révèle un courant de recherches antérieur au 1er juin 2017 sur des phrases comme "Make our planet great again" ou "Make the world great again" |
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[i] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 113 et s.
[i] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 113 et s.