« On raconte une histoire abracadabrantesque », s’indignait Jacques Chirac, interrogé sur une affaire immobilière impliquant la mairie de Paris. Les commentaires s’étaient alors focalisés sur l’adjectif plutôt que sur l’affaire elle-même(1). Emmanuel Macron recourt-il au même subterfuge quand il déclare dans la presse quotidienne régionale, le 7 juin : « Certains préfèrent pendant ce temps-là brainwasher sur l'invasion du pays et les derniers faits divers » ?
C’est peu probable. De ses propos prononcés à l’occasion de
la troisième conférence de l’ONU sur les océans, les journalistes retiennent d’abord :
« Je ne suis pas content de ce que j’ai pu voir ces derniers jours »,
à propos de reculs gouvernementaux sur des sujets écologiques. Cependant,
Maurice Szafran note :
Dans ces confidences accordées
à nos confrères, une autre « petite phrase » est passée inaperçue, en
réalité stupéfiante. « Certains préfèrent « brainwasher »
(opérer un lavage de cerveau, ndlr) sur l’invasion du pays et les derniers
faits divers. »(2)
Peut-être en effet la phrase serait-elle passée vraiment
inaperçue sans l’étrange « brainwasher ». Mais ce verbe attire l’attention
sans la justifier à lui seul. Il ne présente pas l’intérêt littéraire d’un vocable
emprunté à Arthur Rimbaud. Il introduit plutôt qu’il n’occulte « l’invasion
du pays et les derniers faits divers ».
Et si le logos de la petite phrase tient pour
beaucoup à ce « brainwasher », son pathos réside plutôt dans
les deux derniers mots. Sarah Knafo le
relève aussitôt sur X : « Il y a des parents qui enterrent leur
fils de 17 ans. Et un Président qui appelle ça "brainwasher"sur un
fait divers. Qu’il ose leur dire en face. » Le tweet est vu 400 000
fois en deux jours. Le franglais de pacotille aggrave ce que la locution « fait
divers » a de minoratif alors qu’elle désigne une préoccupation majeure de
l’opinion à ce moment.
Cela ne le distingue pas des Français dans leur ensemble :
l’anglais tient une place croissante dans leur langage de tous les jours. La
publicité, qui parle comme « les gens », en témoigne amplement. « Il
n’y a plus de lieux "safe" », disait Gérald Darmanin, ministre
de la Justice, voici quelques jours. Mais le président de la République ne fait
pas partie des Français dans leur ensemble. Pour lui, il n’y a plus de mots
safe.
M.L.S.
(1) Voir Michel Le
Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, Paris 2015, p. 83.
(2) Maurice
Szafran, « Quand Macron cogne sur l’extrême-droite… Et surtout sur son
propre camp », Challenges, 8 juin 2025, https://www.challenges.fr/idees/quand-macron-cogne-sur-lextreme-droite-et-surtout-sur-son-propre-camp_605728
Illustration : pêle-mêle publié sur X par la députée au Parlement européen Sarah Knafo
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