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10 juin 2025

Emmanuel Macron brainwashe à contretemps

« On raconte une histoire abracadabrantesque », s’indignait Jacques Chirac, interrogé sur une affaire immobilière impliquant la mairie de Paris. Les commentaires s’étaient alors focalisés sur l’adjectif plutôt que sur l’affaire elle-même(1). Emmanuel Macron recourt-il au même subterfuge quand il déclare dans la presse quotidienne régionale, le 7 juin : « Certains préfèrent pendant ce temps-là brainwasher sur l'invasion du pays et les derniers faits divers » ?

C’est peu probable. De ses propos prononcés à l’occasion de la troisième conférence de l’ONU sur les océans, les journalistes retiennent d’abord : « Je ne suis pas content de ce que j’ai pu voir ces derniers jours », à propos de reculs gouvernementaux sur des sujets écologiques. Cependant, Maurice Szafran note :

Dans ces confidences accordées à nos confrères, une autre « petite phrase » est passée inaperçue, en réalité stupéfiante. « Certains préfèrent « brainwasher » (opérer un lavage de cerveau, ndlr) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers. »(2)

Peut-être en effet la phrase serait-elle passée vraiment inaperçue sans l’étrange « brainwasher ». Mais ce verbe attire l’attention sans la justifier à lui seul. Il ne présente pas l’intérêt littéraire d’un vocable emprunté à Arthur Rimbaud. Il introduit plutôt qu’il n’occulte « l’invasion du pays et les derniers faits divers ».

Et si le logos de la petite phrase tient pour beaucoup à ce « brainwasher », son pathos réside plutôt dans les deux derniers mots. Sarah Knafo le relève aussitôt sur X : « Il y a des parents qui enterrent leur fils de 17 ans. Et un Président qui appelle ça "brainwasher"sur un fait divers. Qu’il ose leur dire en face. » Le tweet est vu 400 000 fois en deux jours. Le franglais de pacotille aggrave ce que la locution « fait divers » a de minoratif alors qu’elle désigne une préoccupation majeure de l’opinion à ce moment.

« À l’évidence [Emmanuel Macron] vise l’extrême-droite », estime Maurice Szafran. Mais une fois de plus, son tir fait ricochet. Pire : il alimente trop aisément son ethos déjà dégradé : « un mot franglais bricolé, ça lui ressemble bien… » De fait, il lui arrive d’introduire des anglicismes ou des mots anglais dans ses déclarations (« Je veux que la France soit une start-up nation », « Il faut maintenant être dans un agenda de réalisation »…).

Cela ne le distingue pas des Français dans leur ensemble : l’anglais tient une place croissante dans leur langage de tous les jours. La publicité, qui parle comme « les gens », en témoigne amplement. « Il n’y a plus de lieux "safe" », disait Gérald Darmanin, ministre de la Justice, voici quelques jours. Mais le président de la République ne fait pas partie des Français dans leur ensemble. Pour lui, il n’y a plus de mots safe.

M.L.S.

(1) Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, Paris 2015, p. 83.

(2) Maurice Szafran, « Quand Macron cogne sur l’extrême-droite… Et surtout sur son propre camp », Challenges, 8 juin 2025, https://www.challenges.fr/idees/quand-macron-cogne-sur-lextreme-droite-et-surtout-sur-son-propre-camp_605728

Illustration : pêle-mêle publié sur X par la députée au Parlement européen Sarah Knafo