Interrogée par Sonia Mabrouk sur CNews le 20 mai, Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, a déclaré que « le macronisme, probablement, trouvera une fin dans les mois qui viennent ». Qualifiée de « petite phrase » par LCP, Europe1, BFMTV ou Le Parisien, cette sortie a irrité les proches du président de la République, François Bayrou, Gabriel Attal, le secrétaire d’État Hervé Berville, Aurore Bergé… Sans s’excuser vraiment, Sophie Primas a voulu calmer le jeu. « Ce n’était ni l’objectif ni la volonté de lever un tel tollé », a-t-elle assuré trois jours plus tard à Apolline de Malherbe sur BFM TV. « J’ai dit quelque chose de factuel, c’est que le mandat du président Emmanuel Macron va se terminer au début de l’année 2027 ». Son explication a été plus ou moins acceptée.
Le factuel ne fait pas petite phrase. Celle-ci suppose un sous-entendu. Le problème, c’est quand les auditeurs entendent quelque chose que l’orateur n’a pas voulu dire. Là où Sophie Primas dit avoir parlé du calendrier constitutionnel, Pieyre-Alexandre Anglade, député Renaissance, a entendu une « offensive brutale de la droite réactionnaire ». La petite phrase est dans le delta entre deux intentions possibles d’une même formulation.
À réécouter la phrase de la porte-parole du gouvernement ‑ « le macronisme, probablement, trouvera une fin dans les mois qui viennent » ‑ on soupçonne quand même qu’elle n’était pas si innocente. Le mandat présidentiel s’achèvera à date fixe ; si l’on parle des « mois qui viennent », a priori, ce n’est pas du mandat qu’il est question. D’autant plus qu’il s’achèvera sûrement et non « probablement ». Mais les subtilités adverbiales sont rarement perçues par les auditeurs. Le logos des petites phrases n’est pas tant modulé par un éventuel adverbe que par l’ethos de la personne qui le prononce. Or la locutrice « était jusqu'à présent une illustre inconnue », estime Pieyre-Alexandre Anglade.
Différentes incarnations pour une même fonction
Était… Il est probable que la notoriété de Sophie Primas a fait un bond. Ce n’est peut-être pas un hasard si l’une des réactions les plus vives et les plus rapides à sa petite phrase a été celle de Prisca Thévenot. Elle-même ancienne porte-parole du gouvernement, elle a pu apprécier le double paradoxe de cette fonction, inhérent aux deux pôles opposés de la communication politique : la langue de bois et la petite phrase.
D’une part, le porte-parole du gouvernement est là en principe pour informer ; pourtant, il doit exceller dans la langue de bois, autrement dit, l’art de ne rien dire tout en faisant semblant de dire quelque chose. (Jean-François Copé, qui a occupé le poste de 2002 à 2007, en a tiré un livre : Promis, j’arrête la langue de bois*.) À l’inverse, le porte-parole du gouvernement ne manque pas d’occasions de signifier plus qu’il ne dit.
Cette double compétence n’est pas donnée à tout le monde, et si l’on repense aux prédécesseurs de Sophie Primas, Christophe Castaner (mai 2017‑novembre 2017), Benjamin Griveaux (novembre 2017‑mars 2019), Sibeth Ndiaye (mars 2019‑juillet 2020), Gabriel Attal (juillet 2020‑mai 2022), Olivia Grégoire (mai 2022‑juillet 2022), Olivier Véran (juillet 2022‑janvier 2024), Prisca Thévenot (janvier 2024‑septembre 2024), Maud Brégeon (septembre 2024‑décembre 2024), on se dit que les gouvernements d’Emmanuel Macron n’ont pas toujours eu la main heureuse.
* Paris,
Hachette Littérature, 2006.
M.L.S.
Illustration :
UMP Photos, 17 janvier
2015, réunion
des nouveaux adhérents (recadrée) licence CC
BY-NC-ND 2.0
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