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22 mars 2023

« La foule n’a pas de légitimité » : après un débat pauvre en petites phrases, Emmanuel Macron reprend la parole par accident

Le débat parlementaire sur la réforme des retraites a été pauvre en petites phrases. Ce n’est pas une opinion, c’est un constat. Aucune formule n’a été qualifiée de « petite phrase » par un nombre significatif de médias.

Sans doute, Gala a bien titré, début mars, « Olivier Véran ridiculisé : cette petite phrase qui fait rire jaune », avec confirmation par BFMTV, qui a aussi évoqué une petite phrase du ministre du travail, tandis que Francetvinfo distinguait chez Élisabeth Borne « une petite phrase qu’elle a répété une dizaine de fois dans l’hémicycle ». Mais ce sont plutôt des exceptions qui confirment la règle : ce débat s’est déroulé sans formule remarquable qui ait saisi les esprits.

Cette disette irait plutôt dans le sens de ce que disent certains commentateurs : quoique massivement hostile à la réforme, l’opinion publique n’a pas trouvé de vrai débouché politique, pas de porte-parole consensuel.

Cette période de carence s’est soudain achevée le 21 mars de la plus étrange façon. La veille de son entretien télévisé de ce mercredi, le président de la République reçoit des parlementaires de sa majorité. L’un de ceux-ci diffuse un enregistrement clandestin dans lequel Emmanuel Macron déclare : « La foule n’a pas de légitimité face au peuple qui s’exprime à travers ses élus ».

La formule se répand immédiatement sur les réseaux sociaux. Elle est expressément tenue pour une petite phrase par TF1, francetvinfo, L’Indépendant, L’Humanité, France Bleu, RMC et d’autres. Et elle est reçue de manière très négative. Le quotidien suisse Le Temps évoque « cette petite phrase, maladroitement tirée de son contexte ou volontairement clivante, quoi qu’il en soit très polémique ». « Ce qui m'inquiète, c'est le retour d'une vieille spécialité d'Emmanuel Macron : la petite phrase qui fâche, prononcée à contre-temps », s’inquiète Stéphane Vernay sur RCF.

Comme au temps des gilets jaunes

Il est troublant de constater qu’on retrouve le même genre de phénomène qu’à la grande époque du « carré macronien » (« je traverse la rue », les « Gaulois réfractaires », les « gens qui ne sont rien », le « pognon de dingue ») : des phrases ambiguës, prononcées et/ou saisies plus ou moins au hasard, sorties de leur contexte… ou entrées dedans et interprétées systématiquement de manière négative.

Quant au fond, la petite phrase enfonce pourtant une porte ouverte : bien entendu, la foule n’a pas de légitimité face au suffrage universel (Donald Trump lui-même n’a pas été jusqu’à prétendre que l’assaut du Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021, suffisait à renverser le résultat de l’élection présidentielle américaine). Mais cette analyse constitutionnaliste n’est guère audible : la petite phrase est condamnable, non à cause de son contenu mais à cause de son auteur et du contexte.

Ce qui, en un sens, n’est pas totalement négatif pour Emmanuel Macron : son statut de leader est confirmé. Et c’est même un leader sans concurrent crédible. Mais c’est aussi un leader négatif, celui qui, dans une polarité politique inversée, apparaît comme un repoussoir irremplaçable, attesté par ses petites phrases insupportables – ou du moins insupportées.

M.L.S.

Illustration : copie partielle d’écran TF1, entretien d'Emmanuel Macron avec Marie-Sophie Lacarrau et Julian Bugier

21 mai 2021

« L’art d’être Français » : Onfray tacle Macron

La conférence de presse présidentielle du 25 avril 2019 clôture solennellement le Grand débat national engagé après les troubles des « Gilets jaunes ». Un débat voulu par Emmanuel Macron pour tourner la page d’une période troublée. Cette conférence de presse est donc destinée à être un temps fort de son mandat. Plusieurs journaux qualifient la mise en scène de « gaullienne ».

Le chef de l’État estime entre les lignes que le mouvement des Gilets jaunes est dû au moins en partie à ses petites phrases. « Il y a des phrases que je regrette », assure-t-il. Et il affiche sa volonté de changer : « Je crois que j'ai compris beaucoup de choses de la vie du pays. »

La première manifestation de cette volonté de changement est lexicale. De la conférence de presse, la presse retient avant tout une expression : « l’art d’être Français ». C’est clairement le but recherché : elle figure pas moins de quatre fois dans l’introduction d’Emmanuel Macron. Sibeth Ndiaye, qui s’occupe alors de sa communication, la répète sur France Inter le lendemain.

Un concept insaisissable

Comme le note alors Arnaud Benedetti dans Atlantico, cet art d’être Français-là prolonge en fait l’expression « en même temps », familière à Emmanuel Macron. Ce que celui-ci confirme entre les lignes en expliquant :

L’art d’être Français c’est à la fois être enraciné et universel, être attaché à notre histoire, nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du plus fort mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour aujourd’hui et pour demain.

Selon toute apparence, « l’art d’être Français » était destiné à servir de devise au chef de l’État pour la suite de son mandat. Mais avec cette définition alambiquée et ambiguë, « l’art d’être Français » est mal parti. Les sarcasmes pleuvent. Le chef de l’État ne s’acharne pas. Il ne renonce pas totalement à l'expression, pourtant. En février 2020, à la veille du Salon international de l’agriculture[i], il salue une profession « qui participe à l’art d’être français » (on note cependant la disparition de la majuscule à « français », au moins sur le site d’En Marche).

La formule réapparaîtra-t-elle au cours de la prochaine campagne présidentielle ? C’est à peu près exclu désormais : Michel Onfray a publié hier un livre intitulé L’Art d’être français[ii]. Il y écrit ceci :

L'art d'être français fut une expression utilisée par un président de la République française qui, paradoxalement, fit aussi savoir en son temps, appelé à ne pas durer dans l'Histoire, qu'il y avait pas de culture française, seulement des cultures en France...

Tout « art d’être français » dans la bouche d’Emmanuel Macron deviendrait une publicité pour un philosophe absolument pas « Macron-compatible ». La cause est entendue.

Michel Le Séac'h


[i] Voir https://en-marche.fr/articles/actualites/agriculture-emmanuel-macron-1. 

[ii] Michel Onfray, L’Art d’être français, Paris, Bouquins, 2021.

31 janvier 2021

Petites phrases et métaphores

Beaucoup de petites phrases reposent sur une métaphore. Si l’on songe par exemple aux quatre déclarations d’Emmanuel Macron auxquelles on a imputé la fureur des Gilets jaunes, on trouve quatre métaphores. Un « Gaulois réfractaire » n’est pas un Celte qui échappe au STO. « Je traverse la rue » peut amener dans une autre ville. Le « pognon dingue » sort des caisses de l’État et non d’un asile d’aliénés. Les « gens qui ne sont rien » sont quand même quelqu’un. Au palmarès du président de la République, on peut citer aussi « le traité de Versailles de la zone euro », « les premiers de cordée », « l’Otan est en état de mort cérébrale », « le kamasutra de l’ensauvagement » ou « une nation de 66 millions de procureurs ».

Ce n’est pas nouveau. D’« Alea jacta est » au « monopole du cœur » en passant par « du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent » ou « les Français sont des veaux », les métaphores émaillent la vie politique. Sans elles, le bataillon des petites phrases se réduirait drastiquement.


Depuis la Poétique et la Rhétorique d’Aristote, on voit dans les métaphores une figure de style, un ornement du langage. Différents philosophes, linguistes et hommes de lettres français ont compris qu’elles étaient bien davantage. Ils ont noté en particulier leur étonnante fréquence. Quelques exemples :

  • Gabriel-Henri Gaillard dans Rhétorique française, à lu̓sage des jeunes demoiselles (Paris, Tenré, 1822) : « Combien de gens font des métaphores, depuis quarante ans et plus, ainsi que M. Jourdain faisait de la prose sans en rien savoir ? »
  • Antoine Varinot dans son Dictionnaire des metaphores françaises (Paris, Arthus Bertrand, 1818) : « Toutes les langues sont remplies de métaphores ; cette figure se répand jusques dans la conversation familière »
  • Nicolas Brussel dans ses Recherches sur la langue latine (Paris, 1750, Guillyn) : « l'on a actuellement en France un tel goût pour la Métaphore dans les conversations des personnes douées de quelque esprit, que presque rien n'y est dit sans Métaphore »
  • Jean-Charles-François Tuet dans Matinées sénonoises ou Proverbes françois… (Paris, 1789, Née de La Rochelle) : « Les métaphores proverbiales sont innombrables dans toutes les langues »

En réalité, les métaphores sont partout. Elles nous sont si naturelles qu’il nous a fallu longtemps pour nous en rendre compte, dans les années 1980, quand George Lakoff et Mark Johnson ont publié Les Métaphores dans la vie quotidienne[i]. Elles abondent dans toutes les langues, des plus parlées comme le chinois, langue « hautement métaphorique »[ii], aux plus locales comme l’ekegusii, une langue bantoue du Kenya[iii]. Dans la langue anglaise, elles représenteraient un mot sur huit.

Une métaphore est un phénomène cognitif et pas seulement esthétique. Elle soutient et contribue à modeler la pensée humaine en conceptualisant des domaines de connaissance vagues, abstraits (temps, causalités, orientation spatiale, idées, émotions, concepts de compréhension…) dans les termes d’une connaissance plus spécifique, familière et incarnée[iv]. Autrement dit, elle présente de l’abstrait avec les mots du concret. Ce faisant, elle influence insensiblement les raisonnements[v]. Lakoff et Johnson ont prolongé leur étude des métaphores jusqu’à proposer une nouvelle théorie de la vérité : une phrase serait « vraie » dans une situation où notre compréhension de la phrase concorde avec notre compréhension de la situation[vi]. Le cerveau a besoin de cohérence. Le problème d’Emmanuel Macron est que, sous cet éclairage, les « Gaulois réfractaires » ou le « pognon dingue » sont « vrais ».

Les métaphores, moyen d’incommunication

Bien avant Lakoff et Johnson, cependant, les métaphores ont pris une place dans les tests d’intelligence (dès 1916 pour le test Stanford Binet), les évaluations de l’état cognitif, les diagnostic de désordres psychiatriques, etc. En bref, ne pas comprendre des métaphores courantes signale un cerveau qui fonctionne mal.

Ou un fossé culturel. « Il faut que la métaphore soit tirée des choses qui conviennent non-seulement à l'orateur, mais au sujet, & même à l'auditeur », constatait Baltasar Gibert au milieu du 18e siècle[vii]. Les métaphores n’ont de sens que si elles ont un public, un certain nombre de cerveaux qui les comprennent et les mémorisent à peu près de la même manière.

Ce qui peut se dire dans l’autre sens : ces formes omniprésentes érigent une barrière culturelle entre le groupe qui les comprend et les autres. « Chaque langue a des métaphores particulières qui ne sont point en usage dans les autres langues », notait César Chesneau Du Marsais [viii]en 1830 « […] Il est si vrai que chaque langue a ses métaphores propres & consacrées par l'usage, que si vous en changez les termes par les équivalents même qui en approchent le plus, vous vous rendez ridicule. » Certaines métaphores sont aussi propres à certaines religions[ix].

Beaucoup de petites phrases pourraient ainsi avoir un caractère identitaire : elles contribuent à définir le groupe qui les comprend et à exclure les autres. Le problème, c’est si les Gaulois réfractaires comprennent une chose alors que leur président a voulu en dire une autre...

Michel Le Séac'h

Illustration : Portrait de Rodolphe II en Vertumne par Giuseppe Arcimboldo (1590), domaine public

[i] George Lakoff et Mark Johnson, Les Métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit, 1986. Le titre original de l’ouvrage, Metaphors We Live By, est lui-même une métaphore en abyme ; il souligne que les métaphores contribuent à la composition de notre vie.

[ii] Xiaoxia Wang, « Le chinois - langage idéographique et métaphorique et l’intersubjectivité dans l’image de la poésie chinoise », Les Chantiers de la Création, 2008, n°1. https://doi.org/10.4000/lcc.139.

[iii] Aunga Solomon Onchoke et Xu Wen, « A Cognitive Analysis of Woman Metaphors in Ekegusii Language », Linguistics and Literature Studies 5(5), 2017, p. 344-353. DOI: 10.13189/lls.2017.050503. http://www.hrpub.org/journals/article_info.php?aid=6261

[iv] Agata Maltese, Lidia Scifo, Anna Fratantonio, Annamaria Pepi, « Linguistic Prosody and Comprehension of Idioms and Proverbs in Subjects of School Age », Procedia - Social and Behavioral Sciences, vol. 69, 24 décembre 2012, https://doi.org/10.1016/j.sbspro.2012.12.161

[v] Paul H. Thibodeau et Lera Boroditsky, « Natural Language Metaphors Covertly Influence Reasoning », PLOS ONE, 2 janvier 2013, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0052961

[vi] George Lakoff et Mark Johnson « Conceptual Metaphor in Everyday Language », The Journal of Philosophy, Vol. 77, n°8 (août 1980), p. 486.

[vii] Balthasar Gibert, La rhétorique, ou Les règles de l'éloquence, Paris, Huart & Moreau, 1749, p. 451.

[viii] César Chesneau Du Marsais, Des tropes, 1730.

[ix] Sabbagh, Toufic, La Métaphore dans le Coran, Paris, Adrien Maisonneuve, 1943.

01 septembre 2020

« Le masque ne sert à rien », le retour d’une petite phrase-sparadrap

Avec la rentrée, la France entre dans le dur des mesures anti-covid-19, à l’école, dans les entreprises et dans les transports en commun. Beaucoup de gens pour qui elles n’étaient pas une réalité quotidienne y sont désormais soumis. Et celle qui passe mal est évidemment le port du masque.

Porter un masque chirurgical en ville et au travail est une routine dans certains pays d’Asie. Mais les Français ne sont pas des Asiatiques. Et quand on voit une opposition dure monter en Allemagne et au Royaume-Uni, on se dit que la France y échappera difficilement. De fait, une hostilité croissante s'exprime depuis quelques jours sur le net et les réseaux sociaux. Beaucoup s’exclament : « le masque ne sert à rien ».


La force de cette expression est qu’il ne s’agit pas d’un slogan ou d’un mot d’ordre mais d’une petite phrase. Et pas une simple parole malheureuse mais une position officielle du gouvernement d’Édouard Philippe. Celui-ci déclarait lui-même en mars dernier, au journal de TF1 : « Porter un masque en population générale, ça ne sert à rien ». À la même époque, son entourage plussoyait :
  • « L’usage des masques est inutile en dehors des règles d’utilisation définies » ‑ Olivier Véran, ministre de la Santé.
  • Le masque est « totalement inutile pour toute personne dans la rue » ‑ Jérôme Salomon, directeur général de la Santé.
  • « Les Français ne pourront pas acheter de masques dans les pharmacies, car ce n’est pas nécessaire si on n’est pas malade » ‑ Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement.
(À propos de Sibeth Ndiaye, un site parodique lui avait fait dire que « le port du masque ne sert à rien » mais qu’il deviendrait obligatoire « dès que les stocks seront réapprovisionnés ». L’AFP avait rapidement dénoncé ces « propos inventés »…)

Quelles que puissent être ses raisons objectives, un changement de doctrine des experts médicaux par exemple, le gouvernement aura du mal à se débarrasser de cette petite phrase. Elle collera à ses semelles comme le légendaire sparadrap du capitaine Haddock. Elle nourrira toutes les oppositions au masque, et tout ce que le gouvernement pourra dire à ce sujet sera fatalement suspect d’insincérité. Il a lui-même délégitimé à l’avance une mesure qu’il entend imposer aujour’hui.

Voici deux ans, un objet du quotidien, aussi basique que le masque, la chasuble de sécurité, était devenu l’emblème d’une rébellion civique approuvée à ses débuts par plus de 60 % des Français. La révolte des Gilets jaunes était largement motivée par des petites phrases. Décidément, Emmanuel Macron et les siens ont du mal avec ces objets verbaux mal identifiés.

Michel Le Séac’h

14 novembre 2019

Gilets jaunes : avec le recul du temps, les petites phrases encore en cause ?

La France souffle la première bougie des « gilets jaunes ». À l’origine, ce mouvement semblait motivé par la hausse de la taxe sur les carburants. Son retrait n’avait pas ramené le calme. Le vrai problème était donc ailleurs.

Plusieurs observateurs désignaient les « petites phrases » d’Emmanuel Macron. Une déclaration d’un député anonyme de La République en marche était largement reprise dans la presse : « 80 % du bordel des "gilets jaunes" est le résultat des petites phrases du chef de l’État depuis six mois »[i]. Après tout, les petites phrases sont des intruses qui s’invitent dans un débat où elles ne devraient pas avoir leur place. Elles sont à l’éloquence politique traditionnelle ce que les gilets jaunes sont au corps politique traditionnel !

Pour les auteurs de Dans la tête des Gilets jaunes, le premier ressort de la révolte est le sentiment d’être méprisé éprouvé par les manifestants : « on se sent blessé en tant qu’individu par l’attitude d’un acteur en particulier, et c’est souvent par E. Macron intuitu personae qu’on est socialement humilié. Des phrases-cultes sur les illettrés, les Gaulois réfractaires, le pognon de dingue, les gens qui ne sont rien, ceux qui n’ont qu’à traverser la rue reviennent en boucle »[ii].

Au minimum, on pouvait voir dans les petites phrases le prétexte, l’allumette de la révolte des Gilets jaunes. Ainsi commence un appel solennel de Raphaël Glucksmann, Claire Nouvian et Thomas Porcher, fondateurs du mouvement de gauche Place publique, publié le 8 décembre 2018[iii] : « La crise vient de loin. Par des mesures injustes et des petites phrases arrogantes, Emmanuel Macron a certes allumé l’étincelle, mais le feu ne demandait qu’à prendre. ».

Mieux : l’épouse du chef de l’État serait sur la même ligne. À en croire Nathalie Schuck, co-auteure de Madame la Présidente, « Brigitte Macron déteste toutes les petites phrases : traverser la rue pour trouver du boulot ; les feignants ; les gens qui ne sont rien… explique-t-elle. Elle lui a dit : 'T'es en train de foutre en l'air ton quinquennat arrête tes conneries !' »[iv].

La thèse du rôle prééminent des petites phrases a été développée par Arnaud Mercier, professeur d’information-communication à Paris 2 Panthéon-Assas[v]. Selon lui, Emmanuel Macron a rompu le fil de la confiance « en multipliant depuis son élection, les petites phrases assassines à destination des Français qui ont été prises comme autant de marques d'humiliation à l'égard de ceux qui sont en galère, au profit des "premiers de cordée" ».

Des petites phrases assassines ! Le mot est fort, l’accusation est grave : un assassinat est un « meurtre commis avec préméditation » (article 221-3 du code pénal). Mais, « oh ! encore une question », comme dirait le lieutenant Colombo, quelles sont ces petites phrases assassines à destination des Français ?

Le professeur Mercier en cite quatre expressément : « Je traverse la rue, je vous trouve du travail », « des Gaulois réfractaires au changement », « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux », « des gens qui ne sont rien ». Et en effet, ces formules ont souvent été reprises par les protestataires. « Dans le dos de leur habit fluo ou en chanson, les manifestants en colère se réapproprient des expressions du président qui les ont parfois agacés ou choqués » notait Camille Caldini[vi], qui avait repéré en particulier des « Gaulois réfractaires », des « pognon de dingue » et des « traverser la rue ».

Interrogeons davantage les quatre suspectes.

1. « Je traverse la rue, je vous trouve du travail »


Les visiteurs défilent au palais de l’Élysée, ouvert au public pour les Journées du patrimoine en septembre 2018. Emmanuel Macron leur fait les honneurs du logis et s’enquiert de leurs préoccupations. Un jeune horticulteur cherche du travail mais n’en trouve pas. Emmanuel Macron l’incite à en envisager d’autres métiers, car certains secteurs – le bâtiment, les hôtels-cafés-restaurants… – proposent des emplois à guichets ouverts : « Je traverse la rue, je vous en trouve ».

Cette petite phrase est-elle préméditée ? Évidemment non : le président n’a pu préparer les dizaines voire les centaines de dialogues brefs noués ce jour-là. Est-elle prononcée « à destination des Français » ? Pas davantage : elle s’adresse à un interlocuteur donné, localisé, confronté à une situation particulière. La formule se veut un encouragement, pas un reproche. Elle n’est même pas très claire à cause du relatif « en », dont l’antécédent est incertain (travail ? entreprise ?).

Néanmoins, la presse donne un retentissement national à la parole présidentielle. Elle la redresse aussi : la formule devient « je traverse la rue, je vous trouve du travail » ou « je vous trouve un emploi ». Ainsi clarifiée, elle devient l’épicentre des commentaires. Plusieurs médias, comme Le Midi libre, Paris Match, Gala, RTL, Sud Radio ou LCI la qualifient expressément de petite phrase. Elle est reprise des milliers de fois sur les réseaux sociaux, souvent sur un ton moqueur – témoin le hashtag #TraverseLaRueCommeManu lancé sur Twitter.

2. « Des Gaulois réfractaires au changement » 


Le 29 août 2018, en visite officielle au Danemark, Emmanuel Macron prononce un discours devant la reine Margrethe II. Comme le veut la coutume, il rend hommage au pays qui l’accueille. Il vante sa pratique de la « flexi-sécurité » et ajoute : « Il ne s'agit pas d'être naïf, ce qui est possible est lié à une culture, un peuple marqué par son histoire. Ce peuple luthérien, qui a vécu les transformations de ces dernières années, n'est pas exactement le Gaulois réfractaire au changement ! Encore que ! Mais nous avons en commun cette part d'Européen qui nous unit. »

Y a-t-il préméditation ? Sans doute : un discours officiel prononcé lors d’une visite d’État a sûrement été préparé à l’avance. Est-il « à destination des Français » ? Non, il est destiné à la reine du Danemark et au-delà d’elle aux Danois : le président de la République française dit qu’ils ne sont pas des Gaulois. Il ne dit pas expressément que les Français en sont, même si la conclusion paraît s’imposer d’elle-même. Elle n’est pas forcément offensante pour un peuple qui a fait un triomphe à Astérix.

Mettre sur un même plan religion d’État (« peuple luthérien ») et origine ethnique (« Gaulois ») aurait pu choquer. Ce n’est pas ce raccourci qui est retenu. La presse française se focalise sur le volet « gaulois » de ce passage. Le JDD, LCI, France Culture et d’autres y voient explicitement une « petite phrase ». Les réseaux sociaux français font de même : le discours est tronqué, son sujet, les Danois, disparaît entièrement. Il n’y en a que pour le Gaulois (souvent mis au pluriel comme en atteste la version retenue par le professeur Mercier, « des Gaulois réfractaires au changement »). La réserve « encore que ! » est ignorée : la formule est prise pour une affirmation sans nuance.

3. « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux » 


Le 12 juin 2018, des images « volées » d’une réunion de travail entre Emmanuel Macron et ses plus proches collaborateurs commencent à circuler sur l’internet. Dans une discussion à bâtons rompus, le président déclare : « La politique sociale, regardez, on met un pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens, y sont quand même pauvres, on n'en sort pas, les gens qui naissent pauvres, ils restent pauvres, ceux qui tombent pauvres, ils restent pauvres, on doit avoir un truc qui permet aux gens de s'en sortir [...] Il faut prévenir la pauvreté et responsabiliser les gens pour qu'ils sortent de la pauvreté. Et sur la santé c'est pareil. » En réalité, cette petite vidéo d’un peu moins de deux minutes a été délibérément mise en ligne via Twitter par Sibeth Ndiaye, alors conseillère du président de la République chargée de la communication. « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux » y occupe trois secondes.

Y a-t-il préméditation ? A priori non, la scène est une véritable réunion de travail. En tout cas, la petite phrase n’est pas destinée à être mise en valeur. Est-elle à destination des Français ? Non, elle s’adresse aux collaborateurs de l’Élysée. Sibeth Ndiaye a tenté de précises son intention dans un tweet : « Le Président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu’il prononcera demain au congrès de la Mutualité, il nous précise donc le brief ! Au boulot ! »  L’intention était de montrer le président au travail, pas de présenter une déclaration politique.

Peine perdue : la presse et les réseaux sociaux ne s’intéressent qu’au « pognon dingue », qualifié de « petite phrase » dans La Dépêche, Capital, Gala et d’autres. Sibeth Ndiaye a voulu montrer un président bosseur qui s’adresse à ses collaborateurs ; on voit finalement un président gaffeur qui s’adresse aux Français. L’objectif est de lutter contre la pauvreté ? Beaucoup croient comprendre qu’il s’agit de réduire les budgets sociaux.

4. « Des gens qui ne sont rien » 


La Station F est un lieu parisien très branché. Installée à l’initiative de Xavier Niel dans l’ancienne Halle Freyssinet de la SNCF, c’est le plus gros incubateur du monde pour les start-ups du numérique. François Hollande, président de la République, a posé la première pierre en 2014. Emmanuel Macron inaugure l’établissement le 29 juin 2017.

Devant un parterre d’invités de marque et de jeunes « start-upeurs », il rappelle que la Halle Freyssinet était un grand dépôt ferroviaire et brode sur l’esprit des lieux :  « Ne pensez pas une seule seconde que si demain vous réussissez vos investissements ou votre start-up, la chose est faite. Non, parce que vous aurez appris dans une gare, et une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien, parce que c'est un lieu où on passe, parce que c'est un lieu qu'on partage ». Les « gens qui ne sont rien » sont immédiatement isolés du discours et présentés comme une petite phrase.

Y a-t-il préméditation ? C’est douteux : prononcé sans prompteur, le discours d’Emmanuel Macron était très peu structuré ; il paraît largement improvisé. La petite phrase est-elle destinée aux Français ? Non, elle s’adresse explicitement aux dirigeants des start-ups hébergées par la Station F. Lesquels s’imaginent plutôt du côté des « gens qui réussissent » évoqués dans la même phrase.

°°°

Résumons les caractéristiques des quatre petites phrases suspectées d’avoir provoqué le mouvement des Gilets jaunes :


Préméditation
Destinataires immédiats
Orientation principale du passage incriminé
Interprétation dominante de la petite phrase
« Je traverse la rue, je vous trouve du travail »
Non
Un jeune chômeur
Où trouver du travail
Macron prend les chômeurs pour des flemmards
« Des Gaulois réfractaires au changement »
Oui
S.M. la reine Margrethe II
Les qualités du Danemark et des Danois
Macron juge les Français rétrogrades
« On met un pognon de dingue dans les minima sociaux »
Non
Des collaborateurs de l’Élysée
Comment sortir les gens de la pauvreté
Macron voudrait réduire les budgets sociaux
« Des gens qui ne sont rien »
Peut-être
Des créateurs de start-ups
Rien n’est acquis dans la vie
Macron prend les gens de haut

Ainsi, sur quatre « petites phrases assassines à destination des Français », au moins deux ne présentent pas le caractère de préméditation propre à l’assassinat, aucune n’est directement destinée à l’ensemble des Français et aucune ne reflète fidèlement le message du fragment incriminé.

Aujourd’hui, pour retrouver le sens réel de la plupart des formules citées ci-dessus, il faut se replonger dans la presse de l’époque. Seules demeurent dans les mémoires des petites phrases qui témoignent moins de ce que pense Macron que de ce que les Français ou les journalistes pensent qu’il pense.

Cela n’infirme pas du tout l’hypothèse du « bordel par les petites phrases ». Mais cela montre au minimum que le fonctionnement des petites phrases, aspect majeur de la communication politique, est bien plus complexe qu’on ne l’imagine parfois.

Michel Le Séac’h





[i] Mathilde Siraud, « La République en marche se fissure sur les ‘gilets jaunes’ », Le Figaro, 2 décembre 2018.
[ii] François-Bernard Huyghe, Xavier Desmaison et Damien Liccia, Dans la tête des giles jaunes, Paris, V.A. Éditions, 2018, p. 13.
[iii] Raphaël Glucksmann, Claire Nouvian et Thomas Porcher, «Fonder un nouveau pacte fiscal, social et écologique», Le Parisien, 9 décembre 2018, http://www.leparisien.fr/politique/fonder-un-nouveau-pacte-fiscal-social-et-ecologique-l-appel-de-place-publique-09-12-2018-7963845.php.
[iv] Interview de Nathalie Schuck dans un documentaire diffusé par BFM TV le 19 septembre 2019. Voir https://www.programme-tv.net/news/societe/239941-brigitte-macron-furieuse-contre-les-petites-phrases-demmanuel-macron-tes-completement-con-pourquoi-tu-as-dit-ca/.
[v] Arnaud Mercier, « "Gilets jaunes" contre Macron : aux racines de l’incommunication », TheConversation, 3 décembre 2018, https://theconversation.com/gilets-jaunes-contre-emmanuel-macron-aux-racines-de-lincommunication-108048
[vi] https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/gilets-jaunes/video-gilets-jaunes-quand-les-gaulois-refractaires-reprennent-a-leur-compte-les-petites-phrases-d-emmanuel-macron_3085583.html#xtor=AL-67-[video]

12 janvier 2019

« Trop de Français n’ont pas le sens de l’effort » : Emmanuel Macron invite au biais de confirmation

Et une de plus, encore une formule malheureuse d’Emmanuel Macron. En résumé, hier, au cours d’un discours officiel à l’Élysée[1], le chef de l’État a (ou aurait) déclaré que « trop de Français n’ont pas le sens de l’effort ».

Aussitôt, plusieurs journaux sonnent l’alarme :
Les commentaires hostiles se multiplient sur les réseaux sociaux. L’expression « sens de l’effort », qui ne suscitait aucune recherche sur Google les jours précédents, devient une vedette en quelques heures.


Beaucoup voient dans cette formule une attaque contre les « gilets jaunes » et/ou un dérapage du chef de l’État. « Voilà une petite phrase glissée dans un discours qui risque, une nouvelle fois, de poursuivre Emmanuel Macron », estime La Dépêche, qui ajoute : « Certains appelleront ça jeter de l'huile sur le feu. Il faut dire qu'à la veille de l’acte IX des Gilets jaunes, le moment était particulièrement mal choisi. »

Rares sont ceux qui s'interrogent, comme Geoffroy Clavel, chef du service politique du HuffPost : « Emmanuel Macron a-t-il vraiment dit "trop de Français n'ont pas le sens de l'effort"? » Réponse : « S'il ne l'a pas dit ainsi, le président de la République a semblé le suggérer dans une phrase alambiquée ». Un peu alambiqué aussi, ce commentaire est en tout cas fort en retrait sur la « petite phrase glissée dans un discours » de La Dépêche (ci-dessus).

Qu’a dit en réalité Emmanuel Macron ? D’abord, sa « phrase alambiquée » n’est compréhensible que dans son contexte. Le chef de l’État, respectant une vieille tradition, recevait des représentants des boulangers-pâtissiers venus lui remettre une galette de l’Épiphanie. Au discours de circonstance du représentant de la profession, il a répondu par un remerciement d’une douzaine de minutes. Un bref discours probablement pas rédigé à l’avance, sans prompteur, conforme aux principes des échanges de moutarde et de séné.

Après avoir complimenté la profession de boulanger-pâtissier, Emmanuel Macron a fait l’éloge de l’apprentissage dans les termes suivants :

...Le défi est que notre jeunesse trouve toute sa place dans et par le travail et qu'elle trouve toute sa place par l'engagement, le sens de l'effort, et l'apprentissage c'est cela. Notre jeunesse, elle a besoin qu'on lui enseigne un métier , des gestes, des savoirs, le sens de l'effort et le sens de cet engagement qui fait qu'on n'a rien dans la vie si il n'y a pas cet effort. Les troubles que notre société traverse sont aussi parfois dus et liés au fait que beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu'on peut obtenir sans que cet effort soit apporté, que parfois on a trop souvent oublié qu'à côté des droits de chacun dans la République, et notre République n'a rien à envier à beaucoup d'autres pays je peux vous le dire à cet égard, il y a des devoirs. Et s'il n'y a pas cet engagement, ce sens de l'effort, le fait que chaque citoyen apporte sa pierre à l'édifice par son travail par son engagement au travail, notre pays ne pourra jamais pleinement recouvrer sa force, sa cohésion ce qui fait son histoire et je le crois encore son présent et son avenir. L'apprentissage est au cœur de cette philosophie…

Rien ne permet de dire que le chef de l’État pensait aux « gilets jaunes » en évoquant « les troubles que notre société traverse ». Rien ne permet de l’exclure non plus. Mais surtout, il est clair que ce n’était pas le cœur de son discours et qu’aucun effort de forme n’avait été fait pour créer une phrase « détachable » (les expressions « sens de l'effort » et « beaucoup trop de nos concitoyens » ne figurent d'ailleurs pas dans la même phrase). La petite phrase semble moins « glissée dans un discours », comme écrit La Dépêche (ci-dessus), qu'« extraite d’un discours » par des médias et des internautes sourcilleux.

Ce qui n'excuse pas entièrement Emmanuel Macron. Il sait aujourd’hui que toute déclaration, même anecdotique, peut être retenue contre lui. Mus par le classique « biais de confirmation », les gens « recherchent des informations susceptibles d’être compatibles avec les conviction qui sont alors les leurs »[2]. Puisque Emmanuel Macron a la réputation d’être arrogant, tout ce qui peut être interprété comme arrogance de sa part le sera[3]. Il ferait donc mieux d’éviter les improvisations. Un bon prompteur vaut mieux qu’une mauvaise polémique.

Michel Le Séac’h



[1] La vidéo est visible sur le site Elysee.fr : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/11/reception-maitres-boulangers-epiphanie-galette. Passage incriminé à 11 :25 environ.
[2] Daniel Kahneman, Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée, Paris, 2011, Flammarion, p. 103.
[3] Voir sur ce blog : « ‘Je traverse la rue’ : la flèche de l’image d’Emmanuel Macron s’égare », http://www.phrasitude.fr/2018/09/je-traverse-la-rue-la-fleche-de-limage.html

09 décembre 2018

Pour Emmanuel Macron, une crise construite à force de petites phrases

« Le président de la République s’exprimera », annonce le Premier ministre. Est-ce bien raisonnable ? Car, y compris chez les représentants du pouvoir, beaucoup estiment désormais que les petites phrases d’Emmanuel Macron sont pour quelque chose dans le déclenchement de la crise des gilets jaunes. Sans nul doute, sa prochaine intervention sera très maîtrisée afin qu’aucune formule ne dépasse. Et on lui reprochera son insincérité…

Depuis une semaine, c’est un déferlement dans la plupart des médias : d’abord surpris par des revendications qui partent dans tous les sens, beaucoup de commentateurs finissent par y repérer un plus petit dénominateur commun : la démission du président de la République. Ce président presque inconnu il y a dix-huit mois est désormais détesté alors que les effets de ses décisions restent marginaux à ce jour. Comment l’expliquer ? En bonne partie par ses petites phrases. L’avis du professeur Arnaud Mercier a été évoqué ici. Il est désormais partagé largement.

Il suffit d’ailleurs d’observer les « gilets jaunes » eux-mêmes. « Dans le dos de leur habit fluo ou en chanson, les manifestants en colère se réapproprient des expressions du président qui les ont parfois agacés ou choqués » a noté Camille Caldini, de France Télévision, qui a repéré en particulier des « Gaulois réfractaires », des « pognon de dingue » et des « traverser la rue ». Adrienne Sigel, de BFM TV, partage cette observation : « ses sorties sont aujourd’hui détournées contre lui, comme en témoigne le tag “Ok Manu, on traverse”, observé boulevard Haussman à Paris samedi ». Le phénomène est national. Sylvie Ducatteau, dans L’Humanité, signale par exemple des « Gaulois réfractaires » sur une banderole dans le Puy-de-Dôme.

Comment des formules aussi vagues et anodines que « traverser la rue » ou « pognon dingue » peuvent-elles susciter tant d’émotion ? On n’imagine guère qu’une analyse sémantique puisse apporter une réponse satisfaisante. Il faudrait plutôt se tourner vers la psychosociologie. Le problème n’est pas dans ce que disent les petites phrases mais dans ce qu’en perçoivent les auditeurs-électeurs. Emmanuel Macron ne semble pas s’être rendu compte qu’il disait en substance à une grande partie des Français : « nous ne sommes pas du même monde ». Un vice rédhibitoire quand on prétend représenter un peuple. « Encore quelques-unes du même tonneau et Emmanuel Macron devra se préparer sérieusement à traverser la rue », écrivais-je ici au mois de septembre après « je traverse la rue ».

« Pas de grand homme sans petite phrase » (La Petite phrase, Paris, Eyrolles, 2015, p. 234)  bien sûr, mais, on le sait depuis Esope, sa langue peut-être la meilleure ou la pire des choses pour l'homme politique. On peut comprendre que le président de la République n’ait pas vu le danger : il n’a pas fait ses classes électorales. Il est plus étonnant, voire consternant, que les professionnels de la communication qui l’entourent à l’Élysée et au gouvernement ne l’aient pas alerté.

Retour sur quelques petitesphrases d’Emmanuel Macron :