Et une de plus, encore une formule malheureuse d’Emmanuel
Macron. En résumé, hier, au cours d’un discours officiel à l’Élysée[1],
le chef de l’État a (ou aurait) déclaré que « trop de Français n’ont pas le sens de
l’effort ».
Aussitôt, plusieurs journaux sonnent l’alarme :
Aussitôt, plusieurs journaux sonnent l’alarme :
- « Cette
petite phrase d’Emmanuel Macron risque encore de mal passer » ‑ Capital
- « Emmanuel
Macron, cette petite phrase qui va faire grincer des dents dans son
entourage » ‑ Gala
- « Macron
s’offre une nouvelle polémique avec sa petite phrase sur ''le sens de
l’effort'' » ‑ Le Parisien
Les commentaires hostiles se multiplient sur les réseaux
sociaux. L’expression « sens de l’effort », qui ne suscitait aucune
recherche sur Google les jours précédents, devient une vedette en quelques
heures.
Beaucoup voient dans cette formule une attaque contre les
« gilets jaunes » et/ou un dérapage du chef de l’État. « Voilà
une petite phrase glissée dans un discours qui risque, une nouvelle fois, de
poursuivre Emmanuel Macron », estime
La Dépêche, qui ajoute : « Certains appelleront ça
jeter de l'huile sur le feu. Il faut dire qu'à la veille de l’acte IX des
Gilets jaunes, le moment était particulièrement mal choisi. »
Rares sont ceux qui s'interrogent, comme Geoffroy Clavel, chef du service politique du HuffPost : « Emmanuel Macron a-t-il vraiment dit "trop de Français n'ont pas le sens de l'effort"? » Réponse : « S'il ne l'a pas dit ainsi, le président de la République a semblé le suggérer dans une phrase alambiquée ». Un peu alambiqué aussi, ce commentaire est en tout cas fort en retrait sur la « petite phrase glissée dans un discours » de La Dépêche (ci-dessus).
Qu’a dit en réalité Emmanuel Macron ? D’abord, sa « phrase alambiquée » n’est compréhensible que dans son contexte. Le chef de l’État, respectant une vieille tradition, recevait des représentants des boulangers-pâtissiers venus lui remettre une galette de l’Épiphanie. Au discours de circonstance du représentant de la profession, il a répondu par un remerciement d’une douzaine de minutes. Un bref discours probablement pas rédigé à l’avance, sans prompteur, conforme aux principes des échanges de moutarde et de séné.
Après avoir complimenté la profession de boulanger-pâtissier, Emmanuel Macron a fait l’éloge de l’apprentissage dans les termes suivants :
Rares sont ceux qui s'interrogent, comme Geoffroy Clavel, chef du service politique du HuffPost : « Emmanuel Macron a-t-il vraiment dit "trop de Français n'ont pas le sens de l'effort"? » Réponse : « S'il ne l'a pas dit ainsi, le président de la République a semblé le suggérer dans une phrase alambiquée ». Un peu alambiqué aussi, ce commentaire est en tout cas fort en retrait sur la « petite phrase glissée dans un discours » de La Dépêche (ci-dessus).
Qu’a dit en réalité Emmanuel Macron ? D’abord, sa « phrase alambiquée » n’est compréhensible que dans son contexte. Le chef de l’État, respectant une vieille tradition, recevait des représentants des boulangers-pâtissiers venus lui remettre une galette de l’Épiphanie. Au discours de circonstance du représentant de la profession, il a répondu par un remerciement d’une douzaine de minutes. Un bref discours probablement pas rédigé à l’avance, sans prompteur, conforme aux principes des échanges de moutarde et de séné.
Après avoir complimenté la profession de boulanger-pâtissier, Emmanuel Macron a fait l’éloge de l’apprentissage dans les termes suivants :
...Le défi est que notre
jeunesse trouve toute sa place dans et par le travail et qu'elle trouve toute
sa place par l'engagement, le sens de l'effort, et l'apprentissage c'est cela.
Notre jeunesse, elle a besoin qu'on lui enseigne un métier , des gestes, des
savoirs, le sens de l'effort et le sens de cet engagement qui fait qu'on n'a
rien dans la vie si il n'y a pas cet effort. Les troubles que notre société
traverse sont aussi parfois dus et liés au fait que beaucoup trop de nos
concitoyens pensent qu'on peut obtenir sans que cet effort soit apporté, que
parfois on a trop souvent oublié qu'à côté des droits de chacun dans la
République, et notre République n'a rien à envier à beaucoup d'autres pays je
peux vous le dire à cet égard, il y a des devoirs. Et s'il n'y a pas cet
engagement, ce sens de l'effort, le fait que chaque citoyen apporte sa pierre à
l'édifice par son travail par son engagement au travail, notre pays ne pourra
jamais pleinement recouvrer sa force, sa cohésion ce qui fait son histoire et
je le crois encore son présent et son avenir. L'apprentissage est au cœur de
cette philosophie…
Rien ne permet de dire que le chef de l’État pensait aux « gilets jaunes » en évoquant « les troubles que notre société traverse ». Rien ne permet de l’exclure non plus. Mais surtout, il est clair que ce n’était pas le cœur de son discours et qu’aucun effort de forme n’avait été fait pour créer une phrase « détachable » (les expressions « sens de l'effort » et « beaucoup trop de nos concitoyens » ne figurent d'ailleurs pas dans la même phrase). La petite phrase semble moins « glissée dans un discours », comme écrit La Dépêche (ci-dessus), qu'« extraite d’un discours » par des médias et des internautes sourcilleux.
Ce qui n'excuse pas entièrement Emmanuel Macron. Il sait aujourd’hui que toute déclaration, même anecdotique,
peut être retenue contre lui. Mus par le classique « biais de confirmation », les gens « recherchent des informations
susceptibles d’être compatibles avec les conviction qui sont alors les leurs »[2].
Puisque Emmanuel Macron a la réputation d’être arrogant, tout ce qui peut être interprété
comme arrogance de sa part le sera[3].
Il ferait donc mieux d’éviter les improvisations. Un bon prompteur vaut mieux
qu’une mauvaise polémique.
Michel Le Séac’h
[1] La vidéo est
visible sur le site Elysee.fr : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/11/reception-maitres-boulangers-epiphanie-galette.
Passage incriminé à 11 :25 environ.
[2] Daniel
Kahneman, Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée, Paris,
2011, Flammarion, p. 103.
[3] Voir sur ce
blog : « ‘Je
traverse la rue’ : la flèche de l’image d’Emmanuel Macron s’égare »,
http://www.phrasitude.fr/2018/09/je-traverse-la-rue-la-fleche-de-limage.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire