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27 janvier 2025

Quelle phrase pour désigner le discours inaugural de Donald Trump ?

Politologues et journalistes américains désignent classiquement les discours inauguraux des présidents des États-Unis par leur phrase ou leur expression la plus significative, par exemple :

  • « Nous sommes tous républicains, nous sommes tous fédéralistes » (Thomas Jefferson)
  • « La seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même » (Franklin D. Roosevelt)
  • « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous mais ce que vous pouvez faire pour votre pays » (John F. Kennedy)

Le premier discours inaugural de Donald Trump, le 20 janvier 2017, est souvent désigné comme l’« American Carnage speech » à cause de cette petite phrase, vers le milieu d’une allocution à la tonalité très sombre : « This American carnage stops right here and stops right now ». (Ce carnage américain cesse ici et maintenant).


Avant le second discours inaugural de Donald Trump, ce 20 janvier 2025, certains Américains ont proclamé qu’ils ne l’écouteraient pas. La journaliste et historienne Alexis Coe a tenté de les convaincre, qu’ils aient ou non voté pour Trump, d’assister quand même à l’événement :

Alors que se prépare la seconde inauguration de Donald Trump, lundi, l’historienne de la présidence que je suis est surprise d’apprendre que beaucoup de gens l’ignorent joyeusement, comme si c’était une simple frivolité, du remplissage pour les médias, une absurdité dont on peut aisément se passer. […] Et l’on n’échappera pas à son résumé pendant au moins 24 heures. N’est ce pas suffisant ?

Absolument pas. Que ce soit deux heures ou deux cents ans plus tard, je vous l’assure, ce n’est pas la même chose. Rien ne remplace le spectacle de l’histoire en train de se faire en temps réel.

Et cette histoire en train de se faire se confond avec la petite phrase qui donnera son sens au discours :

Peut-être êtes-vous encore traumatisé par 2017 et l’allocution inaugurale « American Carnage » de Trump, une fièvre dystopique de seize minutes. Sa vision lugubre de l’Amérique – que vous y adhériez ou pas – est devenue une partie notoire de l’histoire américaine. Une petite phrase [catchphrase] est une petite phrase.

Donald Trump a un peu compliqué la question : le 20 janvier, il a prononcé deux discours au lieu d’un. Le premier, l’inaugural address proprement dite, a été prononcé devant un parterre d’invités de marque réunis à Washington dans la Rotonde du Capitole. Le second a été prononcé devant un public de partisans. Selon certains, Trump aurait retenu ses coups lors du premier discours, le plus « officiel », et se serait davantage lâché devant ses proches.

Le discours de la Rotonde abonde néanmoins en petites phrases candidates à rester dans l’histoire. En voici quelques-unes :  

  • Drill, baby, drill ! (Fore, bébé, fore). Cette « petite phrase familière » déjà utilisée pendant la campagne avait été un slogan du Parti républicain il y a une quinzaine d’années. Elle est cependant compromise depuis qu’elle a été détournée en « Spill, baby, spill » (Pollue, bébé, pollue) après un grave accident de forage dans le golfe du Mexique (que Donald Trump veut rebaptiser « golfe d’Amérique »).
  • From this moment on, America’s decline is over. (À partir de maintenant, le déclin de l’Amérique est fini)
  • I was saved by God to make America great again. (Dieu m’a épargné pour que l’Amérique retrouve sa grandeur)
  • We will strive together to make his [Martin Luther King] dream a reality. (Nous nous efforcerons ensemble pour que faire de son rêve une réalité)
  • We will not forget our country, we will not forget our Constitution, and we will not forget our God. (Nous n’oublierons pas notre pays, nous n’oublierons pas notre Constitution et nous n’oublierons pas notre Dieu)
  • The American dream will soon be back and thriving like never before. (Le rêve américain sera bientôt de retour et plus prospère que jamais)
  • We are going to bring law and order back to our cities. (Nous ramènerons la loi et l’ordre dans nos cités)
  • We will pursue our Manifest Destiny into the stars, launching American astronauts to plant the stars and stripes on the planet Mars. (Nous poursuivrons notre Destinée manifeste jusqu’aux étoiles, nous enverrons des astronautes américains planter le « stars & stripes » sur la planète Mars)
  • In America, the impossible is what we do best. (En Amérique, l’impossible est ce que nous faisons le mieux)
  • With your help, we will restore America promise and we will rebuild the nation that we love — and we love it so much. (Avec votre aide, nous rétablirons la promesse de l’Amérique et nous reconstruirons la nation que nous aimons – et nous l’aimons tant)

C’est beaucoup. Un grand discours est identifié à une petite phrase, pas deux, encore moins une demi-douzaine ! Plutôt que les formules ci-dessus, la petite phrase de l’inaugural address pourrait bien être en définitive celle qui ouvre le discours :

  • «  The golden age of America begins right now ». (L’âge d’or de l’Amérique commence dès à présent)
D'autant plus que cette formule déjà utilisée plusieurs fois au cours de la campagne présidentielle est reprise dans la péroraison du discours : « The future is ours, and our golden age has just begun » (L’avenir est à nous et notre âge d’or vient seulement de commencer).

Ainsi, le discours pourrait bien rester dans l’histoire comme le « Golden Age speech ». À moins que les Américains n’en décident autrement. Comme le dit Alexis Coe, “la vraie force de l’Amérique n’a jamais résidé uniquement dans les paroles de ses leaders mais dans la résilience et l’idéalisme de son peuple. Même si l’on nous présente un discours confus, des prétentions fantastiques et des songeries lunatiques, appliquer délibérément le message reste de notre responsabilité. En définitive, les vrais architectes de l’histoire ne sont pas sur le podium – ils sont parmi la foule. »

Une petite phrase est choisie par son public, dont le jugement est parfois inattendu. La foule américaine pourrait-elle imposer un autre choix ? Elle a semblé très sensible à une phrase bien particulière :

  • « It will henceforth be the official policy of the United States government that there are only two genders: male and female.  » (La politique officielle du gouvernement des États-Unis sera désormais qu’il n’y a que deux sexes : homme et femme).

Cette phrase a provoqué une réaction enthousiaste au Capitole et des applaudissements frénétiques chez la foule de partisans réunis dans un stade voisin, note le correspondant de la BBC. « C’est le signe que les questions culturelles – à propos desquelles Trump affiche les contrastes les plus nets avec les démocrates – resteront pour le nouveau président l’un des moyens les plus puissants de garder le contact avec sa base. »

Michel Le Séac’h

Photo Donald Trump en 2024 : Gage Skidmore, licence CC BY-SA 2.0, via Flickr

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