« Ich bin Charlie », titraient voici quelques
jours de nombreux journaux, dans la presse française
aussi bien qu’allemande
ou anglophone.
Ils annonçaient la parution de la première édition internationale, en allemand,
de Charlie Hebdo.
La formule vous rappelle une chose, bien sûr. Ou peut-être
deux ? Elle est formée sur deux formules qui ont couru dans le monde entier :
- « Ich bin ein Berliner » (« je suis un Berlinois »), phrase prononcée par John Fitzgerald Kennedy à Berlin en juin 1963. Il exprimait ainsi la solidarité des États-Unis avec les habitants de Berlin-Ouest soumis au blocus soviétique.
- « Je suis Charlie », slogan créé par le graphiste Joachim Roncin en janvier 2015 après l’attentat contre Charlie Hebdo et qui a déferlé en quelques heures sur le web français puis international[1].
Ces deux petites phrases sont si connues qu’elles sont
toutes deux devenues des snowclones,
c’est-à-dire des formules dont ont réutilise des éléments caractéristiques pour
former d’autres phrases présentant une parenté sémantique, sous la forme
« Ich bin ein XXXer » pour l’une, « Je suis XXX » (avec
souvent reprise du graphisme d’origine) pour l’autre. Le titre né de leur
fusion bénéficie d’emblée d’une grande puissance évocatrice. L’attentat commis
au marché de Noël de Berlin hier lui a donné un caractère terriblement
prophétique.
Au passage, « Ich bin Charlie » donne une nouvelle illustration de la capacité de l’Agence France Presse (AFP) à imposer des petites phrases. La formule, qui figurait dans une de ses dépêches, a simplement été reprise par un certain nombre de journaux.
Michel Le Séac’h
[1] Voir Michel
Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, 2015, p. 228. Sur « Ich bin ein Berliner », voir Pierrick Geais, « 'Ich bin ein Berliner', une petite phrase dont l'histoire continue de s'écrire », Vanity Fair, 20 décembre 2016.