À propos de l’élection présidentielle de 2022, Le Figaro a publié hier un sondage d’autant plus intéressant qu’il écarte toute certitude ! « La compétition électorale reste très ouverte », lit-on. Était-on mieux fixé il y a cinq ans ? « Présidentielle : un sondage donne la gauche éliminée au premier tour dans tous les cas » titrait Le Monde le 7 septembre 2016. François Hollande serait devancé par Marine Le Pen et le candidat de droite, Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé. Il allait couler encore beaucoup d’eau sous les ponts, trois de ces quatre-là étant exclus du jeu.
Quelques jours plus tôt, le 28 août 2016, François Fillon avait posé la fameuse question : « Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » Il était alors classé en quatrième position dans les sondages sur la primaire de la droite et du centre. Moins de trois mois plus tard, il devancerait finalement Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et Bruno Le Maire. Et on le donnerait pour largement élu en 2017. Cependant, Emmanuel Macron venait de se déclarer candidat le 16 novembre…
Instruits par l’expérience, on sent que les candidats d’aujourd’hui marchent sur des œufs. Xavier Bertrand « a demandé à ses troupes de ne se livrer à aucune critique ni petite phrase vacharde vis-à-vis des équipes adverses », révèle Marion Mourgue dans Le Figaro[1]. Est-ce si raisonnable ?
Pas
de leader silencieux
Une petite phrase est un instrument de leadership. Ce n’est pas seulement une déclaration, c’est un processus : il ne suffit pas qu’elle soit émise par un candidat, encore faut-il qu’elle soit admise par le public. En retenant une petite phrase, celui-ci adoube un leader (positif ou négatif, mais c’est une autre histoire). Une petite phrase vacharde n’est pas différente des autres. Chez toutes les espèces sociales, les individus dominants s’affrontent avec les moyens du bord : cornes, crocs, griffes, ergots… Chez l’homme, avec des mots. Ça peut faire aussi mal mais c’est moins dangereux pour la survie de l’espèce. Ex « Mister Nobody », François Fillon a pris le dessus grâce à une petite phrase. Elle allait finalement faire sa perte, mais là encore c’est une autre histoire.
Personnage nouveau en politique, Emmanuel Macron avait lui-même été distingué par plusieurs petites phrases avant de se déclarer candidat (« Les femmes salariées de Gad, pour beaucoup illettrées », « Le traité de Versailles de la zone euro », « La gauche a pu croire que la France pourrait aller mieux en travaillant moins », « Le libéralisme est une valeur de gauche », « La meilleure façon de se payer un costard, c'est de travailler », etc.). Elles lui avaient valu de solides inimitiés, mais elles avaient aussi établi sa stature dans l’électorat. Elles avaient fait de lui un leader crédible.
En s’interdisant les petites phrases, Xavier Bertrand joue la sécurité. Il fait profil bas. Au risque d’en rester là.
Michel Le Séac’h
Photo : Xavier Bertrand en campagne pour François Fillon le 5 avril 2017. Photo Thomas Bresson via Flickr, licence CC BY 2.0.[1] Marion Mourgue, « Le faux plat de Xavier Bertrand », Le Figaro, 6 septembre 2021.
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