Affichage des articles dont le libellé est chômeur. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est chômeur. Afficher tous les articles

18 septembre 2018

« Je traverse la rue » : la flèche de l’image d’Emmanuel Macron s’égare

Le président de la République est le personnage le plus important vers lesquels les citoyens puissent se tourner. On espère de lui, en tant que leader, un rôle protecteur et un guidage dans la bonne direction. On attend ses oracles et l’on cherche à le connaître ; les petites phrases résument sa pensée. S’il n’en fournit pas lui-même, on en trouvera pour lui.

Emmanuel Macron semble avoir du mal à intégrer cette constante de la communication politique. Bien entendu, il lui arrive de proposer délibérément des formules calibrées pour frapper l’opinion. Certaines fonctionnent (« Make our planet great again »). D’autres sont plus laborieuses (« Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays »). Mais dans l’ensemble, ces petites phrases ne sont probablement pas assez congruentes avec ses attitudes et ses comportements. Souvent, les médias et les citoyens préfèrent picorer à leur gré dans ses expressions publiques.

Au hasard ? Sûrement pas. Ces petites phrases successives sont ce que leurs sélectionneurs retiennent du chef de l’État. Emmanuel Macron est un personnage complexe dont l’image politique n’est pas encore figée. Les petites phrases choisies sont donc disparates, elles passent par des flambées soudaines puis disparaissent plus ou moins vite. Mais elles dessinent peu un peu un portrait en patchwork. Elles forment une « flèche de l’image » progressivement révélée.

L’orientation de cette flèche a de quoi inquiéter les communicants présidentiels. Le dernier épisode en date semble confirmer qu’elle vole dans une direction dangereuse. « Je traverse la rue, je vous trouve un emploi », réponse d’Emmanuel Macron à un jeune chômeur qui visitait l’Élysée ce dimanche à l’occasion des Journées du patrimoine, a remporté un succès énorme.


Cette formule anodine était en concurrence avec des centaines d’autres prononcées publiquement ce jour-là par le président de la République. Elle n’était pas vraiment « détachable », elle ne signifie pas grand chose hors de son contexte. Pourtant, elle été reconnue très vite comme une « petite phrase » par de nombreux médias comme Le Midi libre, Paris Match, Gala, RTL, Sud Radio ou LCI. Elle a été reprise des milliers de fois sur les réseaux sociaux, souvent sur un ton moqueur – témoin le hashtag #TraverseLaRueCommeManu lancé sur Twitter.

Or son interprétation générale n’est pas douteuse : le président manque d’empathie, pour le dire diplomatiquement. Venant après le « pognon dingue » ou « les Français détestent les réformes », le fait même qu'elle ait été retenue par les acteurs de l'opinion dénote une dégradation progressive de l'image du président -- image qu'elle contribue en même temps à façonner. S'il continue à alimenter ce cercle vicieux, Emmanuel Macron devra se préparer sérieusement à traverser la rue.

Illustration : copie partielle d’un écran BFM TV

Michel Le Séac’h