Le président de la République est le personnage le plus
important vers lesquels les citoyens puissent se tourner. On espère de lui, en
tant que leader, un rôle protecteur et un guidage dans la bonne direction. On
attend ses oracles et l’on cherche à le connaître ; les petites
phrases résument sa pensée. S’il n’en fournit pas lui-même, on en trouvera
pour lui.
Emmanuel
Macron semble avoir du mal à intégrer cette constante de la communication
politique. Bien entendu, il
lui arrive de proposer délibérément des formules calibrées pour frapper
l’opinion. Certaines fonctionnent (« Make
our planet great again »). D’autres sont plus laborieuses (« Demandez-vous
ce que vous pouvez faire pour votre pays »). Mais dans
l’ensemble, ces petites phrases ne sont probablement pas assez congruentes avec
ses attitudes et ses comportements. Souvent, les médias et les citoyens
préfèrent picorer à leur gré dans ses expressions publiques.
Au hasard ? Sûrement pas. Ces petites phrases successives
sont ce que leurs sélectionneurs retiennent du chef de l’État. Emmanuel Macron
est un personnage complexe dont l’image politique n’est pas encore figée. Les
petites phrases choisies sont donc disparates, elles passent par des flambées
soudaines puis disparaissent plus ou moins vite. Mais elles dessinent peu un
peu un portrait en patchwork. Elles forment une « flèche de l’image »
progressivement révélée.
L’orientation de cette flèche a de quoi inquiéter les
communicants présidentiels. Le dernier épisode en date semble confirmer qu’elle
vole dans une direction dangereuse. « Je traverse la rue, je vous
trouve un emploi », réponse
d’Emmanuel Macron à un jeune chômeur qui visitait l’Élysée ce dimanche à
l’occasion des Journées du patrimoine, a remporté un succès énorme.
Cette formule anodine était en concurrence avec des
centaines d’autres prononcées publiquement ce jour-là par le président de la
République. Elle n’était pas vraiment « détachable », elle ne
signifie pas grand chose hors de son contexte. Pourtant, elle été reconnue très
vite comme une « petite phrase » par de nombreux médias comme Le
Midi libre, Paris
Match, Gala,
RTL,
Sud
Radio ou LCI.
Elle a été reprise des milliers de fois sur les réseaux sociaux, souvent sur un
ton moqueur – témoin le hashtag #TraverseLaRueCommeManu
lancé sur Twitter.
Or son interprétation générale n’est pas douteuse : le
président manque d’empathie, pour le dire diplomatiquement. Venant après le « pognon
dingue » ou « les
Français détestent les réformes », le fait même qu'elle ait été retenue par les acteurs de l'opinion dénote une dégradation progressive de l'image du président -- image qu'elle contribue en même temps à façonner. S'il continue à alimenter ce cercle vicieux, Emmanuel Macron devra se préparer sérieusement
à traverser la rue.
Illustration : copie partielle d’un
écran BFM TV