La petite phrase la plus percutante du monde n’est pas
suffisante pour changer des opinions contraires. C’est ce que laisse supposer un article publié par Nature
voici quelques jours sous le titre « Neural correlates of maintaining
one’s political beliefs in the face of counterevidence » (Corrélations
neuronales de la préservation des opinions politiques face à la preuve
contraire).
Les auteurs de l’article, Jonas T. Kaplan et Sarah I. Gimbel
(University of Southern California Los Angeles) et Sam Harris (Project Reason Los Angeles), ont constitué un
échantillon de quarante liberals (progressistes) bon teint. Ils leur ont
présenté des arguments qui contredisaient certaines de leurs opinions
politiques et observé les réactions de leur cerveau à l’aide d’un IRM. À titre
de comparaison, ils ont aussi effectué le même test sur des opinions non
politiques du genre « Edison a inventé l’ampoule électrique ».
Opinions et contre-arguments étaient exprimés sous forme
brève (environ 11 mots en moyenne pour les première, une vingtaine pour les
seconds). Il n’est pas question ici de « petites phrases », mais pas
non plus de raisonnements bien étayés. Après lecture des contre-arguments, les
opinions politiques évoluaient moins que les opinions non politiques.
Mais
surtout, les parties du cerveau activées n’étaient pas les mêmes dans
les deux cas. Les arguments non politiques activaient le cortex préfrontal dorsolatéral
et le cortex orbitofrontal. Les arguments contestant des opinions politiques
donnaient lieu à une activité accrue dans les régions du réseau du mode par
défaut (DMN) : précunéus, cortex cingulaire postérieur, cortex préfrontal
médian, etc. Or des études antérieures ont montré que les mêmes régions
interviennent dans les croyances religieuses fortes. Le DMN se mobilise pour la
défense des opinions profondes en rapport avec l’identité sociale.
Cette étude en laisse espérer d’autres. Puisque les
« progressistes » sont si réticents à modifier leurs idées, en
va-t-il de même chez les conservateurs ? Et si, au lieu de formulations
génériques, on soumettait au test des petites phrases politiques très connues,
les résultats seraient-ils différents ?
Michel Le Séac’h
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