24 avril 2015

Le « je » de Ségolène Royal n’est pas celui de Charlie


Ségolène Royal ne cultive pas la modestie : en atteste un curieux florilège de citations établi sur
France TV info par Bastien Hugues voici quelques jours. Dernier témoignage en date, un entretien avec Sud Ouest, le 6 avril, dans lequel la ministre de l’Écologie déclarait : « Même si je voulais partir du gouvernement, on me demanderait de rester ». Les précédents ne manquaient pas, relève Bastien Hugues : « Vous trouverez rarement un leader politique qui se soit comporté avec autant de sens moral que moi », « Oui, j’ai inspiré Obama », « Non, je ne suis pas modeste »

Ces formules ne sont pas passées inaperçues en leur temps. Pourtant, il serait difficile de les qualifier de petites phrases. Elles n’ont pas « imprimé ». Elles n’ont guère été reprises, citées sur le web, détournées, etc. En fait, les petites phrases très rarement construites sur le pronom « je ». Sauf exception : « Je suis Charlie » s’est imposé littéralement en quelques minutes. Mais Charlie n’est pas un personnage réel et la sémantique de cette petite phrase est à l’opposé de celle de la première personne du singulier. « Je suis Charlie » exprime une adhésion à un sentiment collectif, non pas le « je est un autre » de Rimbaud, mais je est tous les autres réunis dans un même sentiment d’indignation*.
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* Voir La Petite phrase, p. 228.

Photo de Ségolène Royal : Jackolan1, Wikimedia Commons, CC-BY-SA-3.0

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