Ce n’était probablement pas son intention, mais si Valérie Pécresse a prononcé une petite phrase ce dimanche au Zénith de Paris, c’est celle-ci :
« Pas de fatalité, ni au
grand déclassement, ni au grand remplacement. »
Du moins est-elle désignée avec tant d’insistance par les commentaires et les conversations sur les réseaux sociaux que, inévitablement, c’est elle qui marque les esprits. Elle est même expressément qualifiée de petite phrase par le site web de l'audiovisuel public, Francetvinfo (« une petite phrase qui n’a pas manqué de faire jaser… »), ou par La Dépêche (« Même au QG de la candidate, la petite phrase du meeting est mal passée »).
Ce qui dérange manifestement Valérie Pécresse, elle l’a dit hier sur RTL :
« Cette phrase que j’ai prononcée est une phrase que j’ai prononcée dix
fois, et tous les commentateurs qui la reprennent ont des mémoires de
bigorneau. J’ai dit dix fois dans la primaire de la droite que je ne me
résignais ni au grand remplacement ni au grand déclassement. […] C’est ce que j’ai dit [dimanche], et
tout le monde me fait dire le contraire. »
Et en effet, l’internet, qui, lui, a une mémoire d’éléphant,
atteste que Valérie Pécresse déclarait voici quelques mois, à propos du « grand
remplacement » : « Je
déteste cette expression parce qu'elle donne le sentiment que tout est
foutu ». Quand un orateur déteste une expression, il ferait mieux
de ne pas l’utiliser. Mais la candidate aurait-elle voulu jouer au plus fin ?
Chercherait-elle à faire croire aux uns (les « commentateurs ») qu’elle rejette le concept
politique, aux autres (les électeurs) qu’elle rejette le fait démographique ? On n'ose croire à un calcul aussi invraisemblable. Pourtant, on se rappelle de Gaulle
déclarant « Je vous ai compris » aux Français d’Algérie…
Du simple point de vue du marketing
électoral, il n’y a pas photo : en octobre dernier, un
sondage Harris Interactive montrait que 67 % des Français s’inquiétaient d’un
« grand remplacement ». La question posée par l’institut à la
demande de Challenge tapait même très fort : « Certaines personnes parlent du grand remplacement: "les populations
européennes, blanches et chrétiennes étant menacées d'extinction suite à
l'immigration musulmane, provenant du Maghreb et d'Afrique
noire". Pensez-vous qu'un tel phénomène va se produire en France? »
Heurter une opinion aussi massive serait électoralement suicidaire. Heurter les « commentateurs » le serait-il moins ? En réalité, une petite phrase telle que « Pas de fatalité, ni au grand déclassement, ni au grand remplacement », d’autant plus ambiguë qu’elle empile dangereusement les négations, échappe à son auteur : fatalement, elle sera interprétée par d’autres. Qui ne veulent pas forcément du bien à Valérie Pécresse.
Michel Le Séac’h
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