20 juin 2021

« Ce n’est plus le virus qui nous traque… » : une petite phrase qui a déjà trop servi

« Ce n’est plus le virus qui nous traque, c’est nous qui le traquons » : Ainsi s’exprimait Olivier Véran au micro de Sonia Mabrouk, sur Europe 1, le 26 juin 2020 (à 1:05 sur la vidéo ; texte intégral sur le site Vie Publique). Avec son balancement interne, cette petite phrase était de belle facture. Elle n’avait pourtant pas eu un retentissement considérable à l’époque. Question de contexte, sûrement. Sortis du confinement, les Français avaient d’autres idées en tête.

Peut-être déçu du peu d’impact de sa formule, le ministre de la Santé l’avait réitérée un mois plus tard, à deux jours d’intervalle, à l’occasion d’entretiens avec Le Soir puis avec Le Parisien. Là, il prenait un risque, car la tonalité héroïque de cette phrase n’était déjà plus de mise. « Derrière le propos guerrier pointe la fébrilité du gouvernement », soulignait Solveig Godeluck dans Les Échos. En effet, les contaminations avaient recommencé à progresser depuis trois semaines : la seconde vague de l’épidémie s’annonçait.

Les répétitions de cette phrase n’avaient pas marqué davantage que sa première apparition. Et en réalité, vu la suite des événements, le ministre avait tout lieu de s’en féliciter : il valait mieux rester dans l’obscurité que s’illustrer avec une formule démentie par les faits.

On comprend donc mal pourquoi, deux vagues épidémiques et 100 000 décès plus tard, Olivier Véran a tenu à réitérer encore une fois sa petite phrase aujourd’hui dans Le Journal du dimanche. Peut-être est-elle enfin vraie sur le fond, mais à quoi bon prendre le risque qu’on lui rappelle ses antécédents ?

Ce qui n’a pas manqué, bien entendu : la répétition a été vite repérée par des internautes et par les chaînes d’information en continu. Et le second degré de la petite phrase, qui aurait dû être « la France est en train de vaincre l’épidémie », devient quelque chose comme : « le ministre de la Santé se ridiculise ».


Michel Le Séac’h

Illustration : copie partielle d’écran Twitter

Aucun commentaire: