Le ministre de l’économie joue volontiers des petites
phrases, mais il arrive que les petites phrases se jouent de lui. Interrogé
hier matin par Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV et RMC, Emmanuel Macron a lâché une formule
sûrement pas préparée à l’avance (il
suffit de regarder pour s’en convaincre, à partir de 18:22) : « la
vie d'un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d'un salarié,
il ne faut jamais l'oublier, parce qu'il peut tout perdre, lui, et il a moins
de garanties ».
La phrase n’est qu’incidente, elle s’inscrit dans un
développement sur les difficultés des entreprises. Comme le note
Violaine Jaussent sur Francetvinfo.fr, elle passe d’abord à peu près
inaperçue. Puis elle est reprise sur le
compte Twitter de RMC. Désormais sortie de son contexte, elle prend une
toute autre tonalité. Aussitôt, le web s’enflamme, tandis que la presse reprend
la formule, qualifiée de « petite phrase » par 20
Minutes, L’Expansion,
VSD
et bien d’autres.
Le phénomène de simplification par l’opinion[1],
classique des petites phrases, fonctionne à une vitesse stupéfiante.
Vingt-quatre heures après l’émission, une interrogations sur Google donne les
résultats suivants :
- « la vie d'un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d'un salarié » : 6 580 résultats
- « la vie d'un entrepreneur est souvent plus dure que celle d'un salarié » : 7 280 résultats
- « la vie d'un entrepreneur est plus dure que celle d'un salarié » : 14 300 résultats
- « la vie d'un entrepreneur est bien plus dure que celle d'un salarié » 55 000 résultats
On note que la phrase réellement prononcée est la première
ci-dessus. Beaucoup d’internautes sont spontanément allés vers l’expression la
plus extrême en la débarrassant de la réserve contenue dans « souvent »
et en recyclant l’adverbe « bien » pour renforcer le message.
On assiste là à un phénomène classique : Emmanuel Macron est
victime d’un effet de halo négatif, autrement dit, d’une diabolisation[2].
Chez une fraction de l’opinion, ce qu’il dit vraiment compte moins que ce qu’on croit qu’il
aurait pu dire.
Michel Le Séac’h
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