Comme je le souligne dans mon livre (voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?
, p. 149 et
suivantes), les « petites phrases » s’adressent à la mémoire et
déclenchent des attitudes plutôt que des raisonnements. Elles jouent donc un
rôle important dans l’enseignement et l’apprentissage.
Nous avons tous vu nos professeurs utiliser des petites
phrases qui leur sont propres. Leurs élèves apprennent à les repérer et à
comprendre leur signification cachée. Elles deviennent des marqueurs d’une culture
commune entre l’enseignant et ses élèves. Les plus fameuses se transmettent
même d’une année sur l’autre, des anciens élèves aux nouveaux.
Spécialiste américain des méthodes pédagogiques, Doug Lemov
note l’importance de ces signaux (ou « tell », une expression
venue du poker, où les adversaires s’épient pour deviner le jeu de l’autre). Il
raconte :
L’un de mes signaux en tant qu’enseignant était le mot « intéressant », prononcé sur un ton badin mais légèrement condescendant et d’ordinaire accompagné d’un « Hmmm » et d’un clignement des deux yeux. Je l’utilisais, sans m’en rendre compte, dans mes cours d’anglais quand un commentaire d’un élève me semblait mal fondé. Aussitôt, une élève prénommée Danielle disait très clairement au fond de la classe : « Oho ! Essaie encore, Danny ! » Elle savait qu’« intéressant » voulait dire « décevant ». Comme la plupart des enseignants, j’en disais plus que je ne croyais. Le message adressé à Danny signifiait : « tu aurais sans doute fait mieux de garder ton idée pour toi », et Danny le savait comme les autres.

- Doug Lemov, Teach Like a Champion 2.0, San Francisco, Jossey-Bass, 2015