La disparition de Helmut Schmidt le 10 novembre a été
l’occasion de répéter que « les profits d’aujourd’hui font les
investissements de demain et les emplois d’après-demain ». Malgré son
aspect sérieux et scientifique, cette formule illustre à merveille le
comportement fantasque des petites phrases.
Les petites phrases d’origine étrangère ne sont pas très
répandues en France, hormis celles issues de l’Antiquité gréco-romaine. Il y a
tout de même des cas fameux comme « No pasaran »* ou « Yes
we can »**. Au-delà d’une demi-douzaine de mots, ces phrases ne
sont connues que dans leur traduction française. Il a va ainsi de celle de l’ancien
chancelier allemand.
Et en réalité, elle est bien plus connue en France que partout
ailleurs, y compris en Allemagne, comme l’a noté une universitaire japonaise, Hideko
Magara. Sur l’internet, elle est citée trois fois plus souvent en français
qu’en allemand (« die Gewinne von heute sind die Investitionen von
morgen und die Arbeitsplätze von übermorgen ») ! Elle n’est même
pas reprise parmi les déclarations fameuses de Schmidt sur Wikiquote.
Pour la raccourcir encore, les Français ont même inventé la formule « théorème de Schmidt », qui n’est utilisée qu’en France (ailleurs, « Schmidt’s Theorem » renvoie aux travaux de l’astronome soviétique Otto Schmidt ou à ceux du mathématicien austro-américain Wolfgang M. Schmidt).
Pour la raccourcir encore, les Français ont même inventé la formule « théorème de Schmidt », qui n’est utilisée qu’en France (ailleurs, « Schmidt’s Theorem » renvoie aux travaux de l’astronome soviétique Otto Schmidt ou à ceux du mathématicien austro-américain Wolfgang M. Schmidt).
En langues étrangères, les citations de la phrase de Helmut Schmidt
sont parfois dues à des auteurs français comme
Patrick Artus ou Thomas Piketty (en note dans Capital in the
Twenty-First Century). Et l’on soupçonne qu'il arrive à ceux qui la citent de se
recopier les autres, car personne ne mentionne de référence
précise. Quelques-uns pourraient même s’être fiés à Wikipédia,
qui renvoie à un simple article
d’un blog francophone non officiel.
Celui ci assure que la phrase aurait été prononcée « le
3 novembre 1974 lors du débat
sur le type de relance à mener au lendemain du premier choc pétrolier », choc qui remonte en réalité à octobre 1973.
La même date est citée sans plus de précision par d’autres auteurs tels Nicolas
Goetzmann sur Atlantico. Pourtant, la bibliographie de Helmut Schmidt
ne signale au 3 novembre 1974 qu’une intervention devant le congrès d’un
syndicat professionnel du textile à Munich.
Michel Le Séac’h
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* Voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?, p. 117.
** Voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?, p. 121.
Helmut Schmitt en
1977, photo de Jack E. Kightlinger pour le gouvernement américain,
domaine public, Wikimedia
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