23 novembre 2017

« Il faut retourner dans son pays » : Emmanuel Macron sur une ligne de fracture

Le plus souvent, Emmanuel Macron ne calcule pas ses petites phrases. Il en a donné un nouvel exemple mardi. Alors qu’il visitait les Restaurants du cœur à Paris, une Marocaine s’est plainte à lui de ne pouvoir obtenir de « papiers » pour rester en France, où elle était entrée avec un visa de commerce. Voici l’essentiel de la réponse du président de la République :

« On peut pas accueillir tous les gens qui viennent sur des visas ou  de commerce ou d'étudiant et qui restent après. Donc, après, il faut retourner dans son pays, je vous le dis franchement. […]. Je ne peux pas donner des papiers à tous les gens qui n'en ont pas. [...]  Si vous n'êtes pas en danger etc., il faut retourner dans votre pays. Et au Maroc, vous êtes pas en danger. On prend notre part mais on peut pas prendre toute la misère du monde comme disait Michel Rocard. »

Vite désigné comme petite phrase par Le Point, M6 et quelques autres, « Il faut retourner dans son pays » (ou « dans votre pays ») a suscité de nombreux échanges dans les médias sociaux. RTL ou France Info ont plutôt souligné la reprise d’une formule de Michel Rocard, elle aussi qualifiée de petite phrase[i] : « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Emmanuel Macron l’avait déjà citée fin juin, en se rangeant à la version remaniée après coup par son auteur.

Et, comme il y a cinq mois, une claire division apparaît sur les réseaux sociaux : pour les uns, le président est condamnable parce qu’il a dit ça, pour d’autres il est louable… parce qu’il a dit ça. (Pour être juste, il faudrait mentionner une frange non négligeable qui nuance : il serait louable ‑ s’il agissait en conséquence.) Il est rare que les internautes discutent du fond de la position présidentielle, que ce soit vis-à-vis des migrants en général ou de cette femme en particulier. Ou même qu'ils y voient un simple rappel au droit des visas. Le plus souvent, sans autre forme de procès, ils sautent directement à la conclusion : sa déclaration range le président du côté de la lumière ou des ténèbres.

Au sein d’une société, une grande partie des petites phrases sont des attributs attachés soit à des héros, soit à des méchants. « Ralliez-vous à mon panache blanc » et « les chambres à gaz sont un détail » en sont deux exemples représentatifs. Le fait qu’une même petite phrase puisse être rangée dans les deux catégories à la fois dénote une sérieuse division de la société.


[i] Voir Michel Le Séac’h, La Petite phrase, 2015, Eyrolles, Paris, p. 101.

Photo d’Emmanuel Macron : OFFICIAL LEWEB PHOTOS, Flickrcc-by-2.0.

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