Le plus souvent, Emmanuel
Macron ne calcule pas ses petites phrases. Il en a donné un nouvel exemple
mardi. Alors qu’il visitait les Restaurants du cœur à Paris, une Marocaine
s’est plainte à lui de ne pouvoir obtenir de « papiers » pour rester
en France, où elle était entrée avec un visa de commerce. Voici l’essentiel de
la réponse du président de la République :
« On peut pas accueillir tous
les gens qui viennent sur des visas ou
de commerce ou d'étudiant et qui restent après. Donc, après, il faut
retourner dans son pays, je vous le dis franchement. […]. Je ne peux pas donner
des papiers à tous les gens qui n'en ont pas. [...] Si vous n'êtes pas en danger etc., il faut retourner dans votre
pays. Et au Maroc, vous êtes pas en danger. On prend notre part mais on peut
pas prendre toute la misère du monde comme disait Michel Rocard. »
Vite désigné comme petite phrase par
Le Point, M6
et quelques autres, « Il faut retourner dans son pays » (ou « dans
votre pays ») a suscité de nombreux échanges dans les médias sociaux. RTL
ou France
Info ont plutôt souligné la reprise d’une formule de Michel Rocard,
elle aussi qualifiée de petite phrase[i] :
« la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Emmanuel
Macron l’avait déjà citée fin juin, en se rangeant à la version remaniée
après coup par son auteur.
Et, comme il y a cinq mois, une claire division apparaît sur
les réseaux sociaux : pour les uns, le président est condamnable parce
qu’il a dit ça, pour d’autres il est louable… parce qu’il a dit ça. (Pour être
juste, il faudrait mentionner une frange non négligeable qui nuance : il
serait louable ‑ s’il agissait en conséquence.) Il est rare que les internautes
discutent du fond de la position présidentielle, que ce soit vis-à-vis des migrants en général ou de cette femme en particulier. Ou même qu'ils y voient un simple rappel au droit des visas. Le plus souvent, sans autre forme de procès, ils sautent
directement à la conclusion : sa déclaration range le président du côté
de la lumière ou des ténèbres.
Au sein d’une société, une grande partie des petites phrases
sont des attributs attachés soit à des héros, soit à des méchants. « Ralliez-vous
à mon panache blanc » et « les chambres à gaz sont un
détail » en sont deux exemples représentatifs. Le fait qu’une même
petite phrase puisse être rangée dans les deux catégories à la fois dénote une sérieuse division de la société.
[i] Voir Michel
Le Séac’h, La Petite phrase, 2015, Eyrolles, Paris, p. 101.
Photo d’Emmanuel Macron : OFFICIAL LEWEB PHOTOS, Flickr, cc-by-2.0.
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