- Voyons, dit le médecin, vous savez bien que vous n’êtes pas un morceau de sucre.
- Je le sais moi, mais le chien, lui, il ne le sait pas !
Tout deviendra plus clair pour le patient et le chien une fois qu’ils auront lu No One Understands You and What to Do About It, de Heidi Grant Halvorson. Professeur de psychosociologie à Columbia Business School, celle-ci explique pourquoi les autres ne nous voient pas comme nous croyons être, pourquoi ils comprennent de travers ce que nous leur disons.
Le livre s’ouvre sur un débat télévisé pendant la campagne présidentielle américaine de 2012. Barack Obama est réputé excellent orateur. Pour se donner l’air « présidentiel » et ne pas apparaître « sarcastique », il épargne à son adversaire, Mitt Romney, les petites phrases préparées par ses assistants. Il quitte la salle sûr de sa victoire. En réalité, le débat est un désastre : selon un sondage le président est apparu « léthargique et indifférent », il n’est donné pour vainqueur du débat que par 25 % du public. Comme quoi, il vaut peut-être mieux ne pas se priver de petites phrases !
Prononcer une petite phrase ne suffit pas. Elles « ne signifient pas grand chose par elles-mêmes », note Heidi Grant Halvorson. « Nous devons découvrir leur sens – d’après le contexte et d’après tout ce que nous savons (ou croyons savoir) d’autre sur leur auteur. » Autrement dit, le sens d’une petite phrase est conditionné par ce qui se trouve déjà dans la tête des auditeurs. Or ces auditeurs sont, comme nous tous, des « avares cognitifs », selon l’expression des psychologues Susan Fiske et Shelly Taylor : il se passe tant de chose autour de nous que, pour simplifier, nous devons nous en remettre à des raccourcis.
Le « biais de confirmation » est le plus puissant d’entre eux. Dans ce que nous voyons ou entendons de nouveau, nous cherchons la confirmation de ce que nous savons ou croyons déjà. Modifier les impressions d’autrui est possible ; c’est juste très difficile. Les deux derniers tiers du livre de Heidi Grant Halvorson disent comment faire. Mais on en retiendra qu’un homme politique ne devrait pas tenter de petite phrase en contradiction avec son image dans l’opinion. Au mieux, elle passera inaperçue. Au pire, elle sera comprise de travers et pourra même tourner vinaigre, comme Nicolas Sarkozy en a fait l’expérience avec « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».
Heidi Grant Halvorson, No One Understands You and What to Do About It, HBR Press, Boston 2015.
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