François Hollande avait choisi avec soin son moment et sa
mise en scène en donnant à Francis
Brochet et Pascal Jalabert un
entretien pour le Groupe EBRA,
premier groupe français de presse régionale (Le
Dauphiné Libéré, Le
Progrès…), le 18 août. En ce jour de conseil des ministres de rentrée,
la vie politique reprenait, mais elle n’était pas encore saturée par les
universités d’été des partis. Le chef de l’État était certain que ses
déclarations auraient un impact maximum. De fait, elles ont été abondamment
reprises, citées et commentées.
« Le président Hollande va probablement
ponctuer l'intervalle qui nous sépare du scrutin de décembre de petites phrases dignes d'une vraie ‘câlinothérapie’» -- Jean-Yves Archer, tribune FigaroVox |
Pas de « si » dans les petites phrases
La réorientation du discours présidentiel de la baisse du
chômage (mot qui ne figure pas dans l’entretien) vers la baisse de la
fiscalité, peut-être davantage à la portée du gouvernement, était évidemment un
fait majeur. Mais les deux phrases ci-dessus n’avaient aucune chance de marquer
les esprits. D’abord, elles étaient deux, c’est une de trop. Elles contenaient
au moins trois idées (impôts, croissance, nombre de bénéficiaires), c’est deux
de trop. Et surtout, y figurait le mot « si ».
Les petites phrases conditionnelles sont rarissimes. Qu’on
songe aux mots historiques : on n’en trouvera guère qui incluent la
conjonction « si » ou un verbe au conditionnel (« Se non e
vero e ben trovato »* ne fait pas vraiment exception !). Les
petites phrases ont une valeur heuristique ici et maintenant, pas dans l’avenir.
Le message implicite d’une phrase comme « les impôts baisseront si… »
n’est pas que les impôts baisseront peut-être demain mais que François Hollande fait des
promesses hasardeuses aujourd'hui. Et ça n’a pas manqué. « François Hollande promet de
nouvelles baisses d'impôts, si… » a titré, par exemple, La
Dépêche du Midi.
Du gros son pour tes oreilles
Peut-être les communicants de l’Élysée ont-ils compris trop
tard l’effet déplorable de ce « si ». Dès le lendemain, en
tout cas, lors d’un déplacement dans l’Isère, François Hollande
déclarait : « Il doit y avoir une croissance plus forte en 2016,
il y aura donc, nous verrons quelle est l’ampleur, nous y travaillons, mais il
y aura donc des baisses d’impôts quoi qu’il arrive en 2016. » Une
phrase trop longue pour devenir une petite phrase, bien sûr, mais qui comporte
un fragment détachable évident : « il y aura des baisses d’impôts
quoi qu’il arrive en 2016 ».
Ce « quoi qu’il arrive » paraît trop forcé
pour être fortuit. Il vise certainement à faire oublier le « si »
par une affirmation appuyée, qui rompt avec la prudence verbale habituelle de
François Hollande. Cette tactique peut-elle être efficace ? L’opinion
retiendra-t-elle la promesse et non le doute ? « Quoi qu'il arrive
t'auras du snip (snip) du gros son pour tes oreilles, du bon son pour qu'tu
t'éveilles », scandaient
les rappeurs du groupe Sniper dans la bande-son du film Taxi 4. Mais ils
avertissaient aussi : « Quoi qu'il arrive c'est les mêmes effets
pour les mêmes causes ».
_________
* Voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ? p.
187.Photo François Hollande en 2012 : Toufik-de-planoise, Wikimedia Commons, CC-BY-SA-3.0
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