Et encore plus si vous ne voulez pas être
Républicains ? Je doute que la formule du marquis de Sade puisse être
considérée comme une petite phrase aujourd’hui : on la connaît peut-être,
mais on ne sait pas trop vers quelle attitude ou quel comportement elle
pointerait. Se pourrait-elle qu’elle devienne une petite phrase demain ? L’histoire lui
ressert les plats depuis que Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de rebaptiser
l’UMP et qu’une partie de la gauche s’est mis en tête de lui interdire le nom
Les Républicains.
« En choisissant ces seuls termes de « Les
Républicains » ou « Républicains » pour sa dénomination sociale et en les
déposant, avec un logo reprenant une forme stylisée et les couleurs du drapeau
tricolore national, à titre de marques du commerce, [l’UMP] cherche à
s’approprier de manière exclusive la dénomination de républicains en France aux
fins de pouvoir l’opposer de manière déloyale et manifestement illicite aux
autres partis politiques ou aux autres Français qui ne seraient pas membres de
ce parti », écrivent maîtres Christophe Lèguevaques, Matthieu
Boissavy, Joseph Breham et Vincent Fillola dans une assignation en référé
visant à faire cesser ce « comportement fautif ».
On a pourtant connu le Parti Républicain, les Républicains
indépendants, le Mouvement républicain populaire et quelques autres sans que
cela pose de problème. Mais cette histoire de nom est aujourd’hui une sorte de
Verdun politique (à moins que ce ne soit une ligne Maginot). Si l’UMP devient
Les Républicains et que le Front National se rebaptise Les Patriotes, comme on
en prête l’intention à Florian Philippot, la situation va devenir délicate.
Imagine-t-on un second tour électoral opposant Les Républicains, Les Patriotes
et les socialistes ? Deux vertus contre une idéologie, c’est ennuyeux. Et
la riposte américanoïde qui consisterait pour le PS à se rebaptiser Les
Démocrates est impraticable puisque le nom Les Démocrates a été déposé à l’INPI
par Antonio Duarte, un sérial-déposant qui détient également les marques Les
Progressistes et Les Écologistes.
Cependant, il est douteux qu’un politique contemporain ose
reprendre la formule du divin marquis. Car le contenu que celui-ci lui a donné
est très politiquement incorrect de nos jours ! « Français
encore un effort si vous voulez être républicains » est en fait le
titre du quatrième dialogue de La Philosophie dans le boudoir, un texte
sulfureux, sous-titré « La Religion », dans lequel Sade
affirme l’incompatibilité de la république et de la religion.
Il attaque surtout le christianisme, « cette
imbécile religion ». « Trouvez-vous
dans les saints dont est garni son Élysée quelque modèle de grandeur, ou
d'héroïsme, ou de vertus ? »,
demande-t-il rhétoriquement. Mais il conspue aussi « Lycurgue, Numa,
Moïse, Jésus-Christ, Mahomet, tous ces grands fripons, tous ces grands despotes
de nos idées » avant de réclamer : « Rendez-nous les
dieux du paganisme. Nous adorerons volontiers Jupiter, Hercule ou
Pallas. » Autant dire que si la petite phrase était réactivée
aujourd’hui, son sens ne devrait avoir aucun rapport avec celui que lui a donné
son auteur. Mais vu les risques de contagion, il est probable que les
politiques s’abstiendront.
Michel Le Séac'h
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire