Entre les attentats du 13 novembre et le
discours de François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès, près de
soixante heures se sont écoulées : les assistants du président de la
République ont eu le temps nécessaire pour calibrer son intervention.
L’incipit de cette adresse, « La France est en guerre », a
donc été soupesé et choisi avec soin. Étant donné la solennité de son contexte, la certitude qu’il serait abondamment repris par les médias et l’état d’émotion de l’opinion publique, il avait tout pour marquer les esprits. En d’autres
termes, pour devenir une « petite phrase ».
Alors, pourquoi avoir choisi une formule aussi forte* que « La
France est en guerre » ? Le président de la République avait déjà
employé le mot « guerre » samedi 14, au sortir d’un conseil de
défense : « c'est un acte de guerre qui a été préparé, organisé,
planifié de l’extérieur et avec des complicités intérieures que l’enquête
permettra d'établir ». Mais il plaçait ainsi la France dans le rôle
passif d’une victime, non dans celui d’un belligérant.
Déjà, cette formule n’était pas sans risque : les
communicants du président de la République en étaient sûrement conscients, elle
rappelait très fort celle de George W. Bush devant le Congrès américain le 20
septembre 2001 : « le 11 septembre, des ennemis de la liberté ont
commis un acte de guerre contre notre pays » ‑ un acte de guerre lui
aussi planifié de l’extérieur. Être comparé à George W. Bush n’est probablement
pas un impératif prioritaire pour un président socialiste.
G.W. Bush avait réagi à l’attaque du 11 septembre en
déclarant la « guerre contre la terreur ». Dès le 16 novembre
François Hollande a accentué le parallélisme en déclarant « La France
est en guerre ». Outre le risque de comparaison, la formule ouvrait un
risque de polémique politique intérieure. Déclarer la France en guerre, et
devant le Parlement encore, revenait à piétiner symboliquement l’article 35 de
la Constitution : « La déclaration de guerre est autorisée par le
Parlement ». Pourquoi avoir choisi d’ouvrir un discours aussi solennel
par une phrase aussi extrême que « La France est en guerre » ?
Selon certains commentateurs, la formule du 14 novembre (« c'est
un acte de guerre qui a été préparé… », etc.) aurait été imposée par
Manuel Valls. Le Premier ministre avait en tout cas saisi la balle au bond au
20H de TF1 le soir même : « Ce que je veux dire aux Français, c’est
que nous sommes en guerre. Le président de la République l’a dit avec force ce
matin. Oui, nous sommes en guerre. », etc. Une déclaration autrement
plus martiale que celle de François Hollande le même jour.
Il est probable que les sondeurs de l’Élysée se sont penchés le 15 novembre sur l’impact respectif des deux déclarations du 14. Depuis des mois déjà, les communicants de François Hollande étaient conscients que l’état de guerre pouvait être pour lui une planche de salut électorale. Même l’opposition le reconnaissait. « Décrié et souvent indéchiffrable sur le front intérieur, François Hollande recueille l'approbation pour sa détermination lorsqu'il endosse l'uniforme du chef de guerre » écrivait ainsi Alain Barluet dans Le Figaro en octobre 2014. Il était impossible d’abandonner ce terrain au Premier ministre. À Versailles, François Hollande a montré que le chef de guerre, c’est lui.
Michel Le Séac'h
_____________
* ...et chargée d'un sens plus large encore, comme il sied à une petite phrase. « "La France est en guerre." C'est par ces mots, dont la froide simplicité n'est pas proportionnelle à la lourde charge qu'ils portent, que Hollande, sàolennel, a débuté son allocution devant le Congrès », note ainsi Erik Emptaz à la Une du Canard enchaîné ce mercredi [note ajoutée le 18 novembre].
Photo François Hollande en 2012 : Toufik-de-planoise, Wikimedia Commons, CC-BY-SA-3.0
Il est probable que les sondeurs de l’Élysée se sont penchés le 15 novembre sur l’impact respectif des deux déclarations du 14. Depuis des mois déjà, les communicants de François Hollande étaient conscients que l’état de guerre pouvait être pour lui une planche de salut électorale. Même l’opposition le reconnaissait. « Décrié et souvent indéchiffrable sur le front intérieur, François Hollande recueille l'approbation pour sa détermination lorsqu'il endosse l'uniforme du chef de guerre » écrivait ainsi Alain Barluet dans Le Figaro en octobre 2014. Il était impossible d’abandonner ce terrain au Premier ministre. À Versailles, François Hollande a montré que le chef de guerre, c’est lui.
Michel Le Séac'h
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* ...et chargée d'un sens plus large encore, comme il sied à une petite phrase. « "La France est en guerre." C'est par ces mots, dont la froide simplicité n'est pas proportionnelle à la lourde charge qu'ils portent, que Hollande, sàolennel, a débuté son allocution devant le Congrès », note ainsi Erik Emptaz à la Une du Canard enchaîné ce mercredi [note ajoutée le 18 novembre].
Photo François Hollande en 2012 : Toufik-de-planoise, Wikimedia Commons, CC-BY-SA-3.0