Les dictionnaires français-anglais, on l’a dit, traduisent le plus souvent « petite phrase » par « soundbite » ou « sound bite », et inversement. Cette traduction s’est imposée dans les quinze dernières années du 20e siècle. Peut-être en raison d’un usage de la politique américaine, comme le suggère David Colon : « depuis les années 1990, le White House Office of Communications systématise l'usage de la "ligne du jour", consistant à mettre en avant, chaque jour, un aspect particulier de l'action du président ou plus largement de l'administration présidentielle, à coups de déplacements thématiques et de « petites phrases » (sound bites) glissées à l'oreille des journalistes accrédités[i]. »
Cependant, la locution « petite phrase » n’est peut-être pas très solidement inscrite dans la langue française : si elle a remplacé le « mot » depuis quelques dizaines d’années, elle pourrait être un jour remplacée par une autre expression. « Punchline » reste un prétendant plausible, mais paraît déjà en recul, avec quelques années de retard sur les États-Unis. Car le vocabulaire anglo-saxon lui-même évolue et les dictionnaires courants ont sans doute un temps de retard.
Les recherches sur Google en donnent une indication. Fréquentes au début de ce siècle aux États-Unis, les recherches sur « soundbites » ont peu à peu décliné, tandis que les recherches sur « catchphrases » progressaient. Depuis 2010 environ, « catchphrases » est recherché plus souvent que « soundbites », comme on le constate sur le graphique ci-dessous. Non représenté, « buzzwords », brièvement passé en tête dans les premières années 2010, a ensuite reculé lentement.
Bien entendu, ce graphique ne permet pas de conclusions absolues. Il faudrait comparer aussi les recherches sur le singulier des deux expressions, et aussi sur leur version en deux mots. Il faut noter aussi que si « soundbites » renvoie presque toujours à un usage politique, « catchprases » et plus encore « buzzwords » ou « punchlines » appartiennent souvent au vocabulaire du spectacle, des médias ou du marketing. Mais globalement, l’évolution est claire.
Les définitions canoniques de ces différents termes ne se recouvrent pas exactement. Peu importe, car elles ne sont ni stables ni très précises. Le tout est de savoir si les expressions sont bien utilisées pour désigner des formules concises prononcées par des personnages publics et qui marquent les esprits. La petite phrase reste un concept mal identifié.
Michel Le Séac’h[i] David Colon, Propagande – La manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, 2019/édition Champs Flammarion, 2021, p. 167.
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