« L’État, c’est moi » : ces quatre
syllabes d’un roi adolescent sont peut-être la citation la plus connue de toute
l’histoire de France. Elles représentent l’archétype du mot historique :
bref, célèbre, chargé de sens… et apocryphe.

Louis XIV, qui n’a pas 17 ans, accourt aussitôt. Voltaire a
décrit cette scène fameuse dans son Siècle de Louis XIV. Le roi
se présente vêtu de son habit de chasse, « en grosses bottes, le fouet
à la main » et déclare : « On sait les malheurs qu’ont
produits vos assemblées ; j’ordonne qu’on cesse celles qui sont commencées
sur mes édits. » Apparemment sûr de ses sources, Voltaire
précise : « Ces paroles, fidèlement recueillies, sont dans les
Mémoires authentiques de ce temps-là : il n’est permis ni de les omettre
ni d’y rien changer dans aucune histoire de France.»
« L’État, c’est moi » ne figure pas dans la
description de Voltaire mais dans: les Mémoires secrets sur le règnes de
Louis XIV, la Régence et le règne de Louis XV de l’historien breton Charles
Pinot Duclos, qui en tant qu’historiographe royal assure avoir « lu une
infinité de mémoires » ‑ mais qui ne dit pas où et quand la phrase
aurait été prononcée. La tradition a rapproché l’image de Voltaire et les
paroles de Duclos. Reste que les deux ouvrages, ont été rédigés pas loin d’un
siècle après la scène. Beaucoup d’historiens doutent que celle-ci ait
réellement eu lieu.
Mais peu importe : la petite phrase est profondément
ancrée dans les mémoires car elle « démontre » à l’évidence le
comportement despotique des rois de France (tout comme d’autres formules plus douteuses encore : « ainsi sera car tel est notre bon
plaisir »[1], « s’ils
n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche »[2]…).
Pourquoi sait-on que les rois étaient des despotes ? Parce que Louis XIV a
dit : « l’État c’est moi » ! Même apocryphe, cette
petite phrase a véritablement « fait l’histoire », elle raconte une
histoire qu’elle a contribué à fabriquer. Y compris à l’étranger. « L’État
c’est moi: the cult of Sarko », titrait en 2009 le quotidien britannique
The Independent[3].
[1] Voir Michel
Le Séac’h, La Petite phrase, Eyrolles, 2015, p. 35.
[2] Idem, p. 95, et http://www.phrasitude.fr/2016/10/car-tel-est-notre-bon-plaisir-une.html
[3] [3]
John Lichfield, « L’Éétat
c’est moi: the cult of Sarko », The Independent, 23 octobre 2009,
http://www.independent.co.uk/news/world/europe/iltat-cest-moii-the-cult-of-sarko-1807658.html,
consulté le 31 janvier 2017.
Portrait de Louis XIV en 1654 par Juste d’Egmont, musée du château d’Ambras à Innsbrück, Wikipedia Commons
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