« Il est vrai que ce sont les grands événements qui
les transforment en légendes », dit Philippe Labro de formules comme « la
France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre »
ou « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes
et de la sueur ». Cela ne dit pas pourquoi ces phrases-là ont été
retenues alors que tant d’autres prononcées elles aussi pendant la Seconde
guerre mondiale se sont perdues.À propos de la phrase de Churchill, Philippe Labro a tenu à rappeler les mots exacts prononcés par le Premier ministre britannique. Mais le moteur de recherche Google trouve « du sang, de la sueur et des larmes » presque cinq fois plus souvent que « du sang, de la peine, des larmes et de la sueur »*. La postérité a spontanément reformulé la petite phrase, elle a éliminé l’intrus conceptuel (la peine, qui n’est pas un liquide biologique) et réordonné les mots pour mettre en valeur une allitération en « S ». Cela pour la version française. Phénomène remarquable, il en va de même en anglais : l’écart est du même ordre entre « blood, toil, tears and sweat » et « blood, sweat and tears ». Cette mutation confirme que le processus mémoriel n’est assurément pas si « simple » !
Michel Le Séac'h
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* Voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?
Photo Philippe Labro : Thesupermat, Wikimédia France
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