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26 juillet 2021

Comment dit-on « petite phrase » en anglais ?

Traduire « petite phrase » en anglais, à première vue, c’est facile : les dictionnaires bilingues ont généralement opté pour sound bite ou soundbite ‑ littéralement « bouchée sonore ». C’est la solution retenue par Le Grand Robert & Collins, le Harrap’s Unabridged Dictionary ou le Harrap’s Shorter. La locution « petite phrase » ne date que du 20e siècle. C’est aussi le cas du sound bite, enfant des médias de masse radio-télédiffusés « La nature réductionniste de la télévision pousse les politiciens à résumer leurs discours dans des sound bites – phrases cohérentes ayant un début, un milieu et une fin, qui véhicule un principe clair – une idée principale présentée avec un minimum de mots », explique la fondatrice de Rhetoric Academy[i].

Cependant, les petites phrases ne sont pas toujours si « cohérentes ». Et surtout, le sound bite est affaire de forme plus que de fond, de technique plus que de langage. Selon l’International Encyclopedia of Political Communication, « un sound bite est un segment audiovisuel dans lequel on peut voir et entendre un orateur »[ii]. Il s'agit à l’origine d'un extrait que le producteur d’un journal radiophonique ou télévisé va retenir dans un discours enregistré. Si les sound bites duraient en moyenne 40 secondes dans les années 1960 et moins de 10 aujourd’hui, ce n'est pas parce que les politiciens cultivent la concision mais parce que les chaînes de télévision leur coupent la parole.

Dans la pratique, donc, le choix des dictionnaires n’est pas toujours suivi. Le site de traduction Linguee recense dans sa base de données de textes bilingues une trentaine d’extraits contenant la locution « petites phrases »[iii]. Ils proviennent de sources comme l’administration canadienne ou le parlement européen. Parmi les traductions, « sound bites » vient nettement en tête, en un seul mot ou en deux, avec une dizaine d’occurrences. Mais on trouve aussi « brief phrases », « catchphrases », « empty phrases », « familiar phrases », « little lines », « little phrases », « more sentences », « pieces of advice », « proverbs and inspirational messages », « quotes », scathing comments », « short phrases », « short sentences », « simple phrases », « simple sentences », « small sentences », « sterile statements » et « well-rehearsed sentences » !

On pourra trouver aussi à l’occasion « baselines », « buzzwords», « loaded phrases », « one-liners », « punchlines », « snippets » ou « utterances » d'une part[iv], « slogan », « rengaine », « accroche », « phrase clé », « phrase fétiche », « phrase culte » ou « clip sonore » de l’autre. Il faudrait y ajouter de nombreux néologismes formés sur des noms propres pour désigner des petites phrases propres à certains personnages ; on reviendra sur ce sujet.

Une telle dispersion montre à la fois que le phénomène est très présent et qu’il n’est pas bien cerné. Toutes ces expressions sont au fond des métaphores pour un concept auquel il manque un nom. Et rien n’est plus difficile que d’étudier une chose sans nom !

Michel Le Séac’h

Illustration [cc] CALI Lesson par Eric Molinsky via Flickr


[i] Michelle Stein Teir, « What makes a speech effective? Netanyahu's and Obama's SPECtrum of Rhetoric Intelligences (SPEC/RI) in United Nations speeches 2009-2012 », in The Rhetoric of Political Leadership: Logic and Emotion in Public Discourse, Ofer Feldman (dir.), Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2020, p. 35.

[ii] Ozen Bas et Maria Elizabeth Grabe, article « Sound Bite » dans The International Encyclopedia of Political Communication, G. Mazzoleni (dir.), doi:10.1002/9781118541555.wbiepc063.

[iii] Voir https://www.linguee.com/english-french/search?source=auto&query=%22petites+phrases%22. Consulté le 26 juillet 2021.

[iv] Voire une simple allusion que le traducteur désignera spontanément comme une petite phrase : « ‘Eh bien, je suis sûr que les dirigeants de Wall Street vont adorer.’ Cette petite phrase est lancée parmi d’autres commentaires ordinaires, mais la culpabilité associée vous trotte dans la tête », in Robert Greene, Les Lois de la nature humaine, Paris, Alisio, 2019, p. 268. Traduction de Cécile Capilla, Danielle Lafarge et Sabine Rolland.

07 mai 2021

« De l’Empire nous avons renoncé au pire… » : la rime Macron/Napoléon n’est pas très riche

« De l’Empire nous avons renoncé au pire, de l’Empereur nous avons embelli le meilleur », a déclaré Emmanuel Macron le 5 mai, pour le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier.

Le président de la République savait que son discours à l’Institut de France serait scruté avec une extrême attention. Qu’on chercherait, pas forcément avec des intentions favorables, à y distinguer une petite phrase résumant l’ensemble.

Les petites phrases d’Emmanuel Macron se partagent entre trois catégories.

  • Les formules malheureuses, les gaffes en somme, qui lui ont construit une image déplorable (exemples : le « pognon dingue » ou les « Gaulois réfractaires »).
  • Les considérations politiques personnelles à l’emporte-pièce, comme des réflexions à haute voix (exemple : « le libéralisme est une valeur de gauche »).
  • Les phrases fabriquées pour être reprises par la presse afin de diffuser un message calibré, que le marketing politique appelle traditionnellement sound bites.

Chez la plupart des dirigeants politiques, un discours solennel est l’occasion d’un sound bite. Mais le président de la République n’a jamais paru à l’aise dans cet exercice. Lors de l’annonce de sa candidature, déjà, en novembre 2016, il était complètement passé à côté de l’occasion. C’était pourtant le moment ou jamais de commencer à se bâtir une stature présidentielle. N’y avait-il donc chez En Marche personne qui fût capable de lui expliquer le principe ?

Un soupçon de créativité

Faute de mieux, la presse avait surtout retenu cette phrase : « Je suis candidat à la présidence de la République ». Pas faux, mais c’était quand même le degré zéro de la communication politique. Nouvelle pour Emmanuel Macron, cette proclamation avait été entendue par les Français dans bien d’autres bouches.

Par la suite, hormis « Make our planet great again », les petites phrases des grandes occasions présidentielles n’ont jamais été très créatives. Emmanuel Macron a même fait dans le plagiat pur et simple avec « Demandez-vous chaque matin ce que vous pouvez faire pour votre pays », pour ses vœux du 1er janvier 2018. Une formule presque directement empruntée au président Kennedy. « L’art d’être français », « quoi qu’il en coûte » ou « nous sommes en guerre » n’étaient pas non plus d’une grande originalité, sinon par leur présence multiple au sein d’un même discours.

Par contraste, « de l’Empire nous avons renoncé au pire, de l’Empereur nous avons embelli le meilleur » semble le produit d’un effort d’imagination. Cette petite phrase bénéficie à la fois d’un doublement (l’Empire/l’Empereur) et de deux rimes internes (Empire/pire et Empereur/meilleur), deux dispositifs dont la puissance évocatrice est connue depuis l’Antiquité.

Une phrase trop retouchée ?

Ni sa prosodie ni sa métrique ne sont optimales, pourtant. On dirait qu’elle a été travaillée, discutée, soupesée et que cette moulinette critique l’a affaiblie. Une formule au présent, avec des verbes d’action, du genre « de l’Empereur nous gardons le meilleur, de l’Empire nous rejetons le pire », aurait eu plus de force. Quant au fond, elle ne signifie pas grand chose. Empire/pire tient plus du calembour que de la rime. Et qui peut se représenter en quoi consiste « embellir le meilleur de l’Empereur » ?

Pourtant, il ne fait aucun doute que ce passage était LA petite phrase du discours. On l’avait même annoncée à l’avance. Le Monde du 29 avril[1] la mettait dans la bouche d’un « proche de M. Macron » sous la forme : « Nous regardons Napoléon en face ; la République embellit le meilleur de l’Empereur et s’est séparée du pire de l’Empire » (la différence avec la phrase réellement prononcée permet de se faire une idée des débats préparatoires). Le Canard enchaîné avait repris cette formulation quelques heures avant le discours.

Le site de l’Élysée confirme le caractère central de la phrase. Il la cite dans une courte introduction au texte intégral du discours, et la commente ainsi : « avec cette commémoration, le Président regarde l'histoire en face ». On est bien dans la mécanique du sound bite à l’américaine[2] mais les communicants présidentiels n’ont pas l’efficacité des spin doctors d’outre-Atlantique.

Michel Le Séac’h

Illustration : statue équestre de Napoléon par Vital-Dubray, Rouen ; photo Frédéric Bisson via Flickr, licence CC BY 2.0


[1] Olivier Faye, « L’Elysée veut honorer Napoléon ‘’de manière équilibrée’’ », Le Monde, 29 avril 2021.

[2] Voir David Colon, Propagande – La manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, 2019/édition Champs Flammarion, 2021, p. 167.

28 octobre 2016

Les petites phrases alimentent l’essor de YouTube

Alphabet devrait-il subventionner les petites phrases ? Le groupe, maison-mère de Google et de YouTube, vient d’annoncer pour le troisième trimestre 2016 des résultats financiers en hausse de 27 % d’une année sur l’autre. Une bonne partie de sa réussite est due au site de vidéos YouTube.

Après l’avoir racheté voici dix ans, Google s’est attaché à faire de YouTube un site beaucoup plus carré, pourchassant les copies de films pirates et les contenus injurieux, violents ou pornographiques (au risque de tomber dans le politiquement correct, mais c’est une autre histoire). YouTube est devenu un support publicitaire de première importance, notamment auprès des jeunes, et a très bien réussi son adaptation au smartphone.

L’élection présidentielle américaine aura été un triomphe pour le site : les recherches en rapport avec la campagne électorale qui s’achève ont été multipliées par six par rapport à celles de 2012. Pendant et après le premier débat entre Hillary Clinton et Donald Trump, les utilisateurs du site ont regardé 88 millions de vidéos. Les consultations ont bondi à 124 millions pour le second débat et plus de 140 millions pour le troisième. En moyenne, les utilisateurs ont visionné les débats pendant 22 minutes, c’est-à-dire qu’une grande partie d’entre eux n’en ont regardé que des extraits – parfois très brefs.

Les internautes recherchent notamment les vidéos des petites phrases ("sound bites") dont Donald Trump a émaillé la campagne. Et quand ils regardent les vidéos mises en ligne par le camp démocrate… ils y retrouvent souvent les petites phrases de Donald Trump ! L’équipe internet de Hillary Clinton, qui compte une centaine de personnes, s’est attachée à prélever les formules les plus contentieuses du candidat républicain pour les utiliser contre lui, comme dans cette publicité politique où Donald Trump est présenté comme un mauvais exemple pour les enfants.

Les vidéos satiriques et humoristiques autour des petites phrases de l’un ou l’autre candidat sont aussi très recherchées sur YouTube, comme cette parodie de La Guerre des étoiles garantie « fabriquée à 100 % avec des petites phrases authentiques de Donald Trump », vue près de 4,4 millions de fois en onze mois.

La conclusion est claire : pour soutenir leur croissance future, YouTube, Google et Alphabet ont tout intérêt à encourager l’utilisation des petites phrases chez le personnel politique !


Michel Le Séac’h