Affichage des articles dont le libellé est présidentielle américaine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est présidentielle américaine. Afficher tous les articles

28 octobre 2016

Les petites phrases alimentent l’essor de YouTube

Alphabet devrait-il subventionner les petites phrases ? Le groupe, maison-mère de Google et de YouTube, vient d’annoncer pour le troisième trimestre 2016 des résultats financiers en hausse de 27 % d’une année sur l’autre. Une bonne partie de sa réussite est due au site de vidéos YouTube.

Après l’avoir racheté voici dix ans, Google s’est attaché à faire de YouTube un site beaucoup plus carré, pourchassant les copies de films pirates et les contenus injurieux, violents ou pornographiques (au risque de tomber dans le politiquement correct, mais c’est une autre histoire). YouTube est devenu un support publicitaire de première importance, notamment auprès des jeunes, et a très bien réussi son adaptation au smartphone.

L’élection présidentielle américaine aura été un triomphe pour le site : les recherches en rapport avec la campagne électorale qui s’achève ont été multipliées par six par rapport à celles de 2012. Pendant et après le premier débat entre Hillary Clinton et Donald Trump, les utilisateurs du site ont regardé 88 millions de vidéos. Les consultations ont bondi à 124 millions pour le second débat et plus de 140 millions pour le troisième. En moyenne, les utilisateurs ont visionné les débats pendant 22 minutes, c’est-à-dire qu’une grande partie d’entre eux n’en ont regardé que des extraits – parfois très brefs.

Les internautes recherchent notamment les vidéos des petites phrases ("sound bites") dont Donald Trump a émaillé la campagne. Et quand ils regardent les vidéos mises en ligne par le camp démocrate… ils y retrouvent souvent les petites phrases de Donald Trump ! L’équipe internet de Hillary Clinton, qui compte une centaine de personnes, s’est attachée à prélever les formules les plus contentieuses du candidat républicain pour les utiliser contre lui, comme dans cette publicité politique où Donald Trump est présenté comme un mauvais exemple pour les enfants.

Les vidéos satiriques et humoristiques autour des petites phrases de l’un ou l’autre candidat sont aussi très recherchées sur YouTube, comme cette parodie de La Guerre des étoiles garantie « fabriquée à 100 % avec des petites phrases authentiques de Donald Trump », vue près de 4,4 millions de fois en onze mois.

La conclusion est claire : pour soutenir leur croissance future, YouTube, Google et Alphabet ont tout intérêt à encourager l’utilisation des petites phrases chez le personnel politique !


Michel Le Séac’h 

08 février 2016

Présidentielle américaine : Marco Rubio s’est tiré une petite phrase dans le pied

Le succès d’une petite phrase tient à sa reprise par les médias, à sa répétition sur le web, à sa mémorisation par le public. L’homme politique qui a mijoté une formule puissante cherchera donc à orienter les citations vers elle. Au risque d’en faire trop.

C’est ce qui est arrivé samedi à Marco Rubio lors du dernier débat des candidats républicains à la présidence des États-Unis avant la primaire du New Hampshire. Malgré son air juvénile, Rubio n’est pas un perdreau de l’année. À 44 ans, il a siégé une dizaine d’années à la Chambre des représentants de Floride avant d’être élu sénateur de cet État en 2010. Jusqu’à ce week-end, il était considéré comme l’un des favoris parmi les prétendants à la Maison blanche.

La thématique des petites phrases ne lui est pas étrangère. « Il ne parle jamais des questions de fond et il est incapable de sortir davantage qu’une petite phrase de dix secondes sur les sujets clés », disait-il en septembre dernier de son rival Donald Trump. Mais en bon professionnel de la politique, lui-même n’arrive jamais sur un plateau de télévision sans quelques formules bien senties dans sa besace.

Samedi, comparé par son concurrent Chris Christie au Barack Obama inexpérimenté de 2008, Marco Rubio a répondu : « Dire que Barack Obama ne sait pas ce qu’il fait, c’est juste pas vrai, il sait exactement ce qu’il fait. » Christie a insisté, Rubio a répété sa phrase. Christie ne l’a pas manqué : « Nous y voilà, le discours de 25 secondes appris par cœur » ! Et Rubio, comme groggy, de répéter deux fois encore : « [Obama] sait exactement ce qu’il fait. »

Toute la presse en a fait des gorges chaudes. « La sortie de Rubio constitue une manière nouvelle de perdre un débat télévisé » a commenté Alan Schroeder, professeur de journalisme à Northwestern University, qui compare le sénateur de Floride à un robot humanoïde du film Les Femmes de Stepford (1975) : « il s’est trouvé bloqué en mode détraqué ». On a pu dire parfois qu’une petite phrase avait remporté une élection présidentielle[1] ; une petite phrase peut aussi faire perdre une élection.

Michel Le Séac’h



[1] On songe en particulier à « Vous n’avez pas le monopole du cœur », Voir La petite phrase : D'où vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portée réelle ?, p. 109.

Photo de Marco Rubio par Michael Vadon via Flickr, licence CC BY-SA 2.0

08 janvier 2016

« Do we want a candidate who could be tied up in court for two years? » : Trump contre Cruz

« Voulons-nous un candidat qui pourrait se retrouver englué devant les tribunaux pendant deux ans ? » À la veille des primaires pour l’élection présidentielle américaine, cette petite phrase de Donald Trump fait sensation.

Elle vise Ted Cruz, aujourd’hui considéré comme le principal rival de Trump dans la course à l’investiture républicaine. Interrogé lundi soir par le Washington Post, Trump a expliqué : « Je n’aimerais pas qu’un obstacle de ce genre se dresse devant lui. Mais beaucoup de gens en parlent et je sais même que certains états regardent cela de très près, le fait qu’il est né au Canada et qu’il a eu un double passeport. » Il n’y a pas qu’en France que la double nationalité est un sujet de débat !

On ne va pas entrer ici dans le fond de l’affaire. En bref, la Constitution américaine dispose que le président des États-Unis doit être citoyen de naissance (« natural-born citizen »). Ted Cruz est né au Canada d’un père cubain et d’une mère américaine. Pourrait-il devenir président ? Les constitutionnalistes ne semblent pas l’exclure. Or, contrairement à l’habitude, cette sortie de Donald Trump n’a pas été accueillie par des quolibets. Au contraire, elle a été relayée par les responsables du Parti républicain. Pourquoi ?

Le journaliste conservateur Rush Limbaugh a son idée sur la question : « l’establishment républicain déteste Cruz. Ils détestent Cruz plus qu’ils ne détestent Trump, car ils se disent que Trump serait plus ou moins malléable, qu’ils auraient une petite chance de travailler avec lui. Mais ils voient Cruz comme un conservateur rigide et inflexible, rien à faire, ils le méprisent. » Les grands journaux comme le Daily News ou le Wall Street Journal, pas davantage séduits par le fondamentalisme chrétien de Ted Cruz, se font un plaisir de reprendre l’interrogation, transformant en petite phrase ce qui aurait pu rester une simple pique.

N.B. : une interrogation n’est pas propice à la naissance d’une petite phrase*. Ici, de toute évidence, la question est rhétorique. Elle signifie simplement : « Cruz n’est pas un bon candidat ». Mais au lieu de le dire directement, elle l’exprime avec toute la puissance d’un sous-entendu.

Michel Le Séac'h
____________________________