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05 mars 2021

Derrière « Vous êtes gentils… », une grande violence

Avant les grands moyens, les petites phrases ? Emmanuel Macron a souvent été desservi par ses sorties non calculées. Mais il sait aussi calculer. Il l’a montré avec cette formule : « Vous êtes gentils, mais tant que vous avez des vaccins dans les frigos, je ne reconfinerai pas les gens ».

La phrase n’a pas été prononcée publiquement mais au cours d’un conseil de défense sanitaire mercredi 3 mars. Elle a été rapportée le lendemain par Elisa Bartholomey, de BFMTV. Une indiscrétion tout à fait délibérée et autorisée, très probablement.

Elle ne s’adresse pas au citoyen lambda mais à un public bien déterminé : le ministère de la Santé et l’hôpital public. Et ce n’est pas une considération générale : en utilisant le « vous », le président souligne qu’il parle en direct à un groupe. Le triptyque habituel des petites phrases, auteur-médias-public, est bien caractérisé.

La phrase est d’une grande violence. C’est « une façon de mettre la pression sur le gouvernement, sur le ministre de la Santé en particulier », a commenté Elisa Bartholomey. Mais la cible n’est pas un homme ou une institution. « Vous êtes gentils » s’adresse à des personnes. L’accusation implicite désigne les milieux de la santé publique : s’ils réclament un reconfinement, comprend-on, c’est parce que beaucoup d’agents hospitaliers refusent de se faire vacciner – d’où les « vaccins dans les frigos ». Pour s’épargner une contrainte, ils en imposent une plus dure au pays entier.

Cette violence au second degré reste pourtant maîtrisée. « Vous êtes gentils » est certes une antiphrase. Telle la réplique-culte américaine « nice shoes », elle n’annonce rien de bon. Pourtant, elle tempère l’expression par un peu de bonhomie. Un troisième degré encore plus menaçant pourrait se profiler par derrière. Il n’aura pas échappé au ministre de la Santé et à son directeur général. Une rumeur court à bas bruit depuis les débuts de l’épidémie de covid-19 : leur principal impératif aurait toujours été de protéger l’hôpital public. Il fallait contenir les infections avant tout parce que, techniquement et humainement, l’hôpital n’était pas en état de faire face. Ce qui revenait en somme à considérer la réduction de la mortalité comme un moyen et non une fin. Si au sortir de l’épidémie une opinion publique exaspérée par des mois de restrictions et de valses-hésitation réclame des têtes, on saura lui en désigner.

Michel Le Séac’h

Illustration : capture partielle d'écran BFMTV