Affichage des articles dont le libellé est Valls. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Valls. Afficher tous les articles

29 décembre 2021

Élysée confidentiel, d’Eliot Blondet et Paul Larrouturou

Eliot Blondet et Paul Larrouturou fréquentent assidûment l’Élysée, l’un comme photojournaliste, l’autre comme reporter politique. Leur livre est né d’un constat : la « bulle Macron » est difficilement saisissable. D’abord parce qu’elle n’existe pas : en réalité, « il en existe autant que de personnes qui l’ont approché de près ou de loin ». Ils dressent donc les portraits de quatorze d’entre elles : l’ancien Premier ministre Manuel Valls mais aussi Sibeth Ndiaye, Stéphane Séjourné, Benjamin Griveaux, Christophe Castaner, Arnaud Jolens, Jean Gaborit, Aurélien Taché, Jean-Marc Dumontet, Marie Tanguy, Patrick Pelloux, Laurence Benhamou et deux inconnus auxquels le président a conféré leur quart d’heure de célébrité, le Gilet jaune Gépy et l’homme prié de traverser la rue, Jonathan Jahan.

Les petites phrases ne manquent pas dans ce livre, dès la première ligne : « Emmanuel Macron est bien évidemment loyal à l’égard du Président », dit Manuel Valls en mai 2016. Quatre lignes et une trahison plus bas, le festival commence. « Macron, c’est Brutus, mais avec une petite différence : Hollande n’est pas César », persifle Alain Juppé, alors considéré comme le grand favori pour l’élection présidentielle de 2017. « Il serait le fils naturel de Kennedy et de Mendès France », chipote Édouard Philippe. « On peut en douter ; Le premier avait plus de charisme, le second plus de principes », répliquent les auteurs.

Le premier témoin par ordre d’entrée en scène, Manuel Valls, est aussi le plus féroce envers Emmanuel Macron : c’est le jugement d’un ambitieux envers un ambitieux qui vise le même fauteuil que lui et qui lui coupe l’herbe sous le pied en attaquant le premier. « Abel contre Caïn ? » demandent les auteurs, qui préfèrent finalement une comparaison empruntée à Walt Disney : Valls est comme Scar, le méchant du Roi Lion, tandis que Macron serait le lionceau Simba, « le petit prince trop cool ». Puis pas si cool que ça, finalement.


Le ton est bien différent avec Sibeth Ndiaye, « moins une duègne qu’une boxeuse », que les auteurs ont vue à l’œuvre comme porte-parole du gouvernement. Elle prétend porter sa part du fardeau : « Chaque fois qu’un truc a cloché, j’ai toujours considéré que je ne l’avais pas assez protégé. » Pourtant, elle a du mal à assumer ses propres gaffes : « Tout ça, c’était pas des conneries au moment où je les dis. » C’est la faute des autres : « Avec le recul, j’ai été un très bon soldat dont le travail était de prendre les balles perdues. »

Les auteurs montrent plus d’indulgence avec Stéphane Séjourné, dont « la plupart des phrases commencent désormais par la triste formule : "Personne ne s’intéresse à ce que l’on fait, mais…" » et qui analyse « l’explosion en plein vol de Nathalie Loiseau à son arrivée au Parlement européen ». Surtout, il explique, clair mais peut-être pas désintéressé, comment Emmanuel Macron devrait s’appuyer sur son image de champion de l’Union européenne et du monde libre pour être réélu en 2022.

Benjamin Griveaux, en revanche, prédecesseur de Sibeth Ndiaye comme porte-parole du gouvernement, et comme elle issu du Parti socialiste, incarne « l’arrogance en politique ». Les auteurs n’en rajoutent pas – ils ne mentionnent qu’en passant l’affaire de la vidéo intime qui a mis fin à sa campagne pour la mairie de Paris – mais  rappellent sa fameuse petite phrase sur Wauquiez, « le candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel », tirade qui a « fait honte » à Bayrou mais qu’il assure n’avoir jamais prononcée. De toute façon, le personnage, « plus irritant sniper de la macronie », serait plutôt surévalué. Il « n’a jamais été suffisamment dans la première bulle pour être réellement dans les petits papiers du président ». La preuve : sa candidature à la mairie de Paris est victime de « l’inaction, la stratégie de pourrissement très darwinienne d’Emmanuel Macron ».

Avec Christophe Castaner, on remonte le temps : il a précédé Sibeth Ndiaye et Benjamin Griveaux au poste de porte-parole du gouvernement. « Christophe Castaner et Sibeth Ndiaye se livrent un duel pour savoir quel porte-parole a fait le plus de boulettes au cours du quinquennat », assurent les auteurs. Pourtant, ils manifestent une certaine tendresse envers ce « faux calme mais vrai sensible » qui reproche à Emmanuel Macron d’avoir festoyé à La Rotonde au soir du premier tour de l’élection, reconnaît s’être « planté » à propos des Gilets jaunes et doit quitter le ministère de l’Intérieur à la suite d’une rébellion de ses troupes.

Le scénographe Arnaud Jolens est l’homme des visuels : il livre quelques secrets des mises en scène présidentielles et raconte comment le bleu du drapeau français a (re)viré du bleu cobalt au bleu marine. On apprend que l’image est parfois sacrifiée au texte, comme à Athènes, le 7 septembre 2016, où « l’image sur le Pnyx est dingue, j’en suis très fier, mais elle est passée à la trappe à cause de la petite phrase sur les fainéants » (« Je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes »).

Avec Jean Gaborit, on découvre un pan anecdotique de l’entourage présidentiel. Ce cascadeur du Puy-du-Fou a attiré Emmanuel Macron dans le fief de Philippe de Villiers. À un journaliste qui s’en étonne, le ministre répond : « l’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste », l’une de ses petites phrases les plus tonitruantes. Mais Gaborit déplore la fracture persistante entre Paris et les régions et finit par abandonner l’Élysée pour la Vendée.

Aurélien Taché, « caution de gauche de la majorité présidentielle », voire « curé de gauche de la Macronie », est « fier d’être le "gauchiste de service" ». Après un parcours classique d’apparatchik socialiste, il a misé sur le mauvais cheval avec DSK. Le voilà donc chez Macron. Cet ambitieux qui a choisi d’escalader le pouvoir par la face gauche est dépité. « Dans la Macronie, si j’avais été le bon élève, si j’avais fait du Gabriel [Attal] depuis le départ, je serais au gouvernement, j’en suis certain ». Il s’en va voir ailleurs.

Jean-Marc Dumontet ne révèle pas grand chose de l’Élysée. Son regard est celui d’un homme de spectacle et d’un expert en mondanités. Il assure qu’il ne demande rien mais se serait bien vu ministre de la Culture.

Marie Tanguy, écorchée vive de gauche, arrive dans l’équipe de campagne après avoir été la plume de Laurent Berger. C’est d’elle qu’on attendrait des petites phrases, mais on a tort. « La colonisation est un crime contre l’humanité » n’est surtout pas son œuvre ! Elle la ressent comme un « tremblement de terre ». Avec son entourage, elle conclut : « le mec a quand même tendance à sortir à son audience ce qu’elle a envie d’entendre et à aller trop loin. » Elle est fière tout de même d’avoir imaginé une petite phrase reprise trois ou quatre fois par Emmanuel Macron : « Je ne suis pas le père Noël ». Le père Noël, pourtant, elle n’y croit plus : « Il a suivi le fil de l’excellence. Du darwinisme. Une espèce de dureté. » Elle finit par décrocher et ne figurera pas dans la distribution des prix post-électorale.

Jonathan Jahan est « la vraie vie derrière la petite phrase "Je traverse la rue, je vous en trouve du travail" ». Sa vision de l’Élysée n’a rien de confidentiel : elle se limite à une visite, un jour de portes ouvertes en septembre 2018. Impitoyablement, les auteurs reproduisent l’intégralité du récit qu’il a posté sur Facebook : « comme vous laver surement remarquer hier je suis passer à la télévision… ». D’abord satisfait de l’aventure, il est retourné par les commentaires qui l’assaillent : « c’est comme s’il m’avait donné une claque ». Il a traversé la rue mais continue de galérer.

Le confidentiel vrai de vrai vient de Patrick de Perglas, alias Gépy, Gilet jaune qui a obtenu un entretien à l’usure. Il veut prévenir le président de faire attention, car une révolution va avoir lieu. « J’ai trouvé l’homme extraordinaire, attentionné », dit-il. « M. le président n’a pas bouleversé mon comportement, c’est moi, je pense, qui ai bouleversé le comportement de M. le président de la République. » Il a une autre révélation, encore plus sensationnelle : « Le président n’est qu’une marionnette. Il est dirigé par d’autres personnes. »

L’urgentiste vedette Patrick Pelloux, en revanche, ne révèle rien du tout. Il figure dans le livre en réalité parce qu’il n’a rien à dire. Malgré l’épidémie de covid-19, il N’A PAS rencontré Emmanuel Macron. Mais il a échangé des messages aimables avec Brigitte Macron.

Laurence Benhamou, enfin, représente l’Agence France Presse à l’Élysée. Un poste privilégié ? Pas si sûr : en quatre ans, elle n’a jamais eu une vraie conversation avec Emmanuel Macron. En cas de mauvaise humeur, dit-elle, il ne faut pas attendre de lui des petites phrases mais des phrases toutes faites : « Ce ne sont pas les journalistes qui m’intéressent, ce sont les Français », etc. Car Emmanuel Macron n’aime pas les journalistes. Il a voulu supprimer la salle de presse de l’Élysée, les oblige à fonctionner en pool et les pousse en marge en communiquant en direct sur les réseaux sociaux.

Malgré quelques longues digressions, par exemple sur l’attaque d’un bâtiment ministériel par les Gilets jaunes en 2019 (trois pages), l'itinéraire de Jonathan Jahan entre Beaune-la-Rolande et l’Élysée ou les températures enregistrées pendant la canicule de 2003, ce livre souvent féroce, ponctué de photos originales, jette des éclairages vifs sur Emmanuel Macron. Dire qu’il en dresse LE portrait serait excessif. Il fonctionne plutôt à la manière d'un kaléidoscope, comme si le président était plusieurs personnages en même temps. Là est peut-être la vraie confidence.

Michel Le Séac’h

Élysée confidentiel, une enquête d’Eliot Blondet et Paul Larrouturou, Paris, Flammarion, 2021. 240 pages, 22,90 €. ISBN : 9782080245717.

05 décembre 2016

Quelle petite phrase pour annoncer la candidature de Manuel Valls ?

Manuel Valls doit annoncer ce soir sa candidature à la présidence de la République. Dans sa déclaration on cherchera « la » petite phrase. La sortie soupesée pour une entrée en campagne, qui fera les titres et les tweets des heures suivantes. Car Manuel Valls est un virtuose des petites phrases, il en joue comme Mme Valls de son archet. Il connaît la puissance de ces « formules concises qui sous des dehors anodins visent à marquer les esprits », pour reprendre l’excellente définition de l’Académie française.

Avant même les phrases, Manuel Valls s’intéresse aux mots. Il a préconisé en juin 2009 de changer le nom de son parti, « car le mot socialisme est sans doute dépassé »‑ et à partir d’un seul mot voilà déjà une petite phrase. Peu de politiques oseraient manier comme lui les mots apartheid (« il y a un apartheid territorial, social, ethnique qui s’est imposé à notre pays »), guerre (« le FN peut conduire à la guerre civile »), antisionisme (« l’antisionisme, c’est-à-dire tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël »).

Ses discours officiels comportent souvent une phrase destinée à être reprise par les médias et les réseaux sociaux. Son premier discours de politique générale, après sa nomination à Matignon en 2014, commençait ainsi : « Trop de souffrance, pas assez d’espérance, telle est la situation de la France ». La triple rime était habile : les sciences cognitives ont montré que les rimes donnent un sentiment de vérité. En l’occurrence trop habile, peut-être : quatorze mots étaient déjà trop pour faire un titre. Raccourcie à « Trop de souffrance, pas assez d’espérance » dans le titre d’une dépêche AFP, la phrase a souvent été reproduite dans cette version croupion.

Petite phrase en attaque ou en défense

Manuel Valls sait aussi qu’une phrase sans malice peut devenir une petite phrase proprio motu[1] – le plus souvent défavorable à son auteur – y compris sur les thèmes les plus inattendus. Il a éprouvé lui-même le phénomène au mois de mars 2016 après avoir déclaré sur RTL que « les conditions ne sont pas réunies pour que Karim Benzema revienne en équipe de France ». Cette opinion avait soulevé la fureur de l’intéressé et un certain émoi chez les passionnés de football. Il avait fait de son mieux pour la déminer quelques jours plus tard sur Stade 2 (on note le choix d’une émission sportive pour éviter d’élargir le débat) en déclarant : «Je ne veux absolument pas polémiquer avec Benzema. C'est par ailleurs un formidable footballeur». Lors de la même émission, il avait aussi cherché à faire oublier sa première petite phrase par une seconde, positive : « L’Euro 2016 doit se tenir et il va se tenir ».

Manuel Valls apprécie aussi les petites phrases chez les autres. Dans Pour en finir avec le vieux socialisme et être enfin de gauche (2008), il a dit son admiration pour Clemenceau, grand spécialiste des formules qui font mouche. De Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, il a cité dans un discours officiel : « le Code du travail se veut protecteur et rassurant, il est devenu obscur et inquiétant ». Et il sait qu’il faut parfois intervenir, au cas où une phrase menacerait de devenir trop marquante. Ce fut le cas fin janvier 2016. Christiane Taubira venait de démissionner en lançant : « Parfois résister c’est partir », formule reprise à l’envi par la presse et les médias sociaux. Dès le lendemain, profitant d’une réception de la presse, Manuel Valls avait répliqué : « Résister aujourd’hui, ça n’est pas proclamer, ça n’est pas faire des discours, résister c’est se confronter à la réalité du pays ».

Une petite phrase pour l’appareil ou pour l’opinion ?

D’après les moteurs de recherche, Manuel Valls est le troisième homme politique français le plus souvent associé à l’expression « petite phrase », derrière les deux derniers présidents de la République. Nul n’illustre mieux que lui la différence entre langue de bois et petite phrase : ses formules ne sont pas destinées à être aussitôt oubliées, elles visent à marquer les esprits. Plus d’une fois, il a heurté les adhérents de son parti avec des formules comme « la gauche peut mourir », « je suis contre l’instauration de quotas de migrants », « la TVA sociale est une mesure de gauche » ou « nous devons déverrouiller les 35 heures ». Délibérément. Jouer l’opinion contre l’appareil socialiste, c’est ce que deux biographes appellent la « méthode vallsiste »[2]. Ils citent ainsi Manuel Valls : « Le jeu médiatique a une fonction d’existence. Exister, c’est un bouclier. Ça vous protège. Si vous n’êtes pas fort dans l’appareil, il faut être fort dans les médias. J’ai donc bâti une construction dans l’opinion. »

Cette méthode est-elle valable pour une élection primaire ? Là, il s’agit de satisfaire les électeurs socialistes et sympathisants. Or la proportion des « durs » a progressé dans le parti tandis que les modérés s’en détournaient. Il est vrai aussi que la proportion relative des élus et de leurs entourages qui ont des postes à défendre s’est aussi accrue – et ceux-là devraient être plus enclins à suivre un candidat qui « joue l’opinion », si cela peut sauver l’appareil. Laquelle de ces deux logiques Manuel Valls aura-t-il choisie ? La petite phrase phare de sa déclaration de ce soir devrait en dire beaucoup sur la stratégie retenue.

Michel Le Séac'h


[1] Mais parfois avec l’aide de certains médias. En l’occurrence, la petite phrase de Manuel Valls avait été reprise par l’AFP dans un titre de dépêche.
[2] David Revault d’Allonnes et Laurent Borredon, Valls à l’intérieur, Robert Laffont, 2014.

Photo : [c] Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons


Note d’après discours : Finalement, Manuel Valls n’a pas vraiment choisi ! Sa petite phrase, sur laquelle il a conclu sa déclaration de candidature, n’est autre que le slogan qu’on pouvait lire dès la première seconde sur son pupitre : « Faire gagner tout ce qui nous rassemble ». Habitué des formules clivantes, il change de personnage pour devenir consensuel. Cette mutation suffit-elle à susciter l’émotion et marquer les esprits ? On peut en douter. À ce discours, il manquait quelque chose. Même les meilleurs communicants ont parfois des passages à vide – mais le moment, en l’occurrence, était malencontreux. À défaut de texte, Manuel Valls a-t-il soigné l’image, nouant sa cravate de travers en signe de continuité avec le président de la République ? On note aussi que les « minorités visibles » formaient environ un tiers de la brigade d’acclamations réunie autour de Manuel Valls. Mais peut-être était-elle simplement représentative de la population d’Évry et non porteuse de quelque message politique. (Illustration : copie partielle d'un écran BFM TV)


01 février 2016

Désamorcer une petite phrase : la réponse de Valls à Taubira

« Parfois résister c’est partir » : en quelques heures, la petite phrase twittée par Christiane Taubira s’est imposée dans la presse et sur l’internet. Ses « 3C » -- contenu, contexte et culture de son public -- étaient bien alignés :
  • Contenu : une formule concise, non ambiguë (du moins sous cette forme raccourcie, débarrassée de l’autre volet du tweet initial), au caractère heuristique marqué (elle prescrit une action).
  • Contexte : la démission d’une ministre en vue à l’occasion d’un débat largement répercuté par la presse.
  • Culture : la résolution par la rupture d’une tension interne à une partie de la gauche, en faisant implicitement appel à une référence sacrée de l’histoire nationale (« résister »).
Cette petite phrase conférait une valence positive à la démission de la ministre de la Justice, ce qui n’était pas du tout le cas de la formule célèbre de Jean-Pierre Chevènement : « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». Démissionner, cette fois, c'est affirmer solennellement une attitude morale supérieure et non rentrer dans le rang à contrecœur (ou, au mieux, se retirer sur un Aventin individuel).

La substitution d’une « jurisprudence Taubira » à la « jurisprudence Chevènement » comportait évidemment un risque de discrédit pour le gouvernement, risque dont la petite phrase était en quelque sorte l’agent actif. Manuel Valls, qu'on sait sensible aux petites phrases, n’a pas laissé passer celle-ci. « Résister aujourd’hui, ça n’est pas proclamer, ça n’est pas faire des discours », a-t-il glissé dans ses vœux à la presse, dès le lendemain. « Résister c’est se confronter à la réalité du pays».

Si le nom de Christiane Taubira n’était pas prononcé (Manuel Valls l'avait mentionnée un peu plus tôt, en louant sa « cohérence » et son « efficacité »), tous les commentateurs ont naturellement considéré qu’elle était la cible de cette remarque. Peut-être s’agissait-il simplement d’une « réponse du berger à la bergère », comme l’a dit Solenn de Royer dans Le Figaro. Mais, que ce soit par hasard, par calcul ou par intuition, la déclaration de Manuel Valls est aussi un bel exemple de communication politique tactique.

Le lendemain, Libération, BFM TV et de nombreux autres médias titraient : « Résister c’est se confronter à la réalité ». Construite comme celle de Christiane Taubira autour du même verbe fort, « résister », cette petite phrase introduit une dissonance cognitive (« Résister c’est quoi déjà ? »). Elle brouille les pistes de l’opinion publique, réduisant ainsi largement les chances d’une « petitephaséification » durable de la déclaration de l’ex-Garde des Sceaux.

Michel Le Séac’h
__________________
Photo © Rémi Jouan, CC-BY-SAGNU Free Documentation LicenseWikimedia Commons