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21 mai 2021

« L’art d’être Français » : Onfray tacle Macron

La conférence de presse présidentielle du 25 avril 2019 clôture solennellement le Grand débat national engagé après les troubles des « Gilets jaunes ». Un débat voulu par Emmanuel Macron pour tourner la page d’une période troublée. Cette conférence de presse est donc destinée à être un temps fort de son mandat. Plusieurs journaux qualifient la mise en scène de « gaullienne ».

Le chef de l’État estime entre les lignes que le mouvement des Gilets jaunes est dû au moins en partie à ses petites phrases. « Il y a des phrases que je regrette », assure-t-il. Et il affiche sa volonté de changer : « Je crois que j'ai compris beaucoup de choses de la vie du pays. »

La première manifestation de cette volonté de changement est lexicale. De la conférence de presse, la presse retient avant tout une expression : « l’art d’être Français ». C’est clairement le but recherché : elle figure pas moins de quatre fois dans l’introduction d’Emmanuel Macron. Sibeth Ndiaye, qui s’occupe alors de sa communication, la répète sur France Inter le lendemain.

Un concept insaisissable

Comme le note alors Arnaud Benedetti dans Atlantico, cet art d’être Français-là prolonge en fait l’expression « en même temps », familière à Emmanuel Macron. Ce que celui-ci confirme entre les lignes en expliquant :

L’art d’être Français c’est à la fois être enraciné et universel, être attaché à notre histoire, nos racines mais embrasser l’avenir, c’est cette capacité à débattre de tout en permanence et c’est, très profondément, décider de ne pas nous adapter au monde qui nous échappe, de ne pas céder à la loi du plus fort mais bien de porter un projet de résistance, d’ambition pour aujourd’hui et pour demain.

Selon toute apparence, « l’art d’être Français » était destiné à servir de devise au chef de l’État pour la suite de son mandat. Mais avec cette définition alambiquée et ambiguë, « l’art d’être Français » est mal parti. Les sarcasmes pleuvent. Le chef de l’État ne s’acharne pas. Il ne renonce pas totalement à l'expression, pourtant. En février 2020, à la veille du Salon international de l’agriculture[i], il salue une profession « qui participe à l’art d’être français » (on note cependant la disparition de la majuscule à « français », au moins sur le site d’En Marche).

La formule réapparaîtra-t-elle au cours de la prochaine campagne présidentielle ? C’est à peu près exclu désormais : Michel Onfray a publié hier un livre intitulé L’Art d’être français[ii]. Il y écrit ceci :

L'art d'être français fut une expression utilisée par un président de la République française qui, paradoxalement, fit aussi savoir en son temps, appelé à ne pas durer dans l'Histoire, qu'il y avait pas de culture française, seulement des cultures en France...

Tout « art d’être français » dans la bouche d’Emmanuel Macron deviendrait une publicité pour un philosophe absolument pas « Macron-compatible ». La cause est entendue.

Michel Le Séac'h


[i] Voir https://en-marche.fr/articles/actualites/agriculture-emmanuel-macron-1. 

[ii] Michel Onfray, L’Art d’être français, Paris, Bouquins, 2021.

20 septembre 2015

Michel Onfray esquive la petite phrase

La mécanique de la petite phrase « montée en épingle » commence à être bien comprise des meilleurs débatteurs. Témoin cette passe d’armes entre Michel Onfray et Léa Salamé* hier soir sous le regard de Laurent Ruquier dans On n’est pas couché, sur France 2 (à 1:59:15 dans l’enregistrement) :
- Je retiendrai votre dernière phrase : la France a une politique islamophile.
- C'est ça qui vous intéresse, hein ? Pour pouvoir faire un petit machin... Hein, la petite phrase…
Trois ou quatre fois déjà au cours de l’émission, la journaliste avait entrepris le philosophe sur le thème « vous avez écrit… » ou « vous avez dit… », faisant même diffuser un extrait d’une déclaration à la radio-télévision suisse, qu’elle avait ponctué de la question : « Pourquoi Marine Le Pen est libertaire ? ». Et Michel Onfray, au lieu de répondre directement, de demander : « Vous pouvez donner la question qui m’avait été posée ? », puis d’expliquer : « C'est facile de sortir un mot comme ça et de dire "vous avez dit" ‑ fiche de police ‑ chez les Suisses, une fois, telle chose. » Et un peu plus tard : « Vous avez juste envie que je vous dise que j'adore Marine Le Pen et comme je ne le fais pas ça vous embête. »

Sortir une petite phrase de son contexte pour en faire une exploitation polémique est une pratique vieille comme le débat politique. Chercher « proactivement » à faire prononcer une petite phrase qu’on exploitera ensuite est plus récent et peut poser un problème déontologique. « C'est vrai que vous êtes trop journaliste là, Léa », a commenté Laurent Ruquier. Trop journaliste ? Ou au contraire pas assez ?

Michel Le Séac'h
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* Participaient aussi à l’émission Émilie Frèche, Louis Garrel, Vincent Macaigne, Philippe Martinez, Yann Moix, Nekfeu.