Affichage des articles dont le libellé est Gilles Bouleau. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Gilles Bouleau. Afficher tous les articles

17 juillet 2020

Les petites phrases de Macron : sorties de leur contexte… ou entrées dedans ?

Interrogé par Gilles Bouleau et Léa Salamé, Emmanuel Macron s’est exprimé en direct devant les Français le 14 juillet. Questionné sur la « détestation » qu’il pouvait susciter, il a déclaré dès la troisième minute de ce long entretien :

le jeu des maladresses, parfois des phrases sorties de leur contexte d'autres fois, de l'opposition, de la vie politique a fait que cette détestation a pu être alimentée.

Derrière ces « phrases » du président de la République, certains ont même entendu spontanément « petites phrases », comme France 2, Le Figaro, Challenges ou Nice Matin. Elles font évidemment songer au « carré macronien » : « je traverse la rue », « les Gaulois réfractaires », « un pognon de dingue » et « des gens qui ne sont rien ».


Le thème de la petite phrase « sortie de son contexte » est un grand classique de la vie politique. Ce n’est pas une nouveauté pour Emmanuel Macron. En septembre 2017, peu après son élection donc, il déplorait devant des journalistes : « J'ai fait un discours important à Athènes, vous avez choisi une phrase sortie de son contexte » (en l’occurrence : « je ne céderai rien devant les fainéants »).

Les théoriciens de l’analyse du discours ont créé un mot pour désigner le phénomène d’extraction d’un fragment de texte : aphorisation. Une petite phrase est une aphorisation, précise Dominique Maingueneau. L’aphorisme se suffit à lui-même. Il n’a pas besoin d’un contexte.

Cependant, il serait difficile de considérer « les Gaulois réfractaires » ou « je ne céderai rien devant les fainéants » comme des aphorismes. Le problème de ces petites phrases prises en mauvaise part est en fait que leur auteur ne leur attache pas le même sens, la même valeur, que son auditoire. Le premier considère qu’elles disent quelque chose du monde. Le second considère qu’elles disent quelque chose du premier. Et ce quelque chose ne lui plaît pas.

Emmanuel Macron l’a compris, ou presque. Dans le même passage de son entretien du 14 juillet, il admet :

j'ai sans doute laissé paraître quelque chose que je ne crois pas être profondément, mais que les gens se sont mis à détester.

Quand un leader politique se plaint qu’on arrache des petites phrases à leur contexte, il entend par « contexte » le texte dont elles sont issues. Mais le véritable contexte du discours d’un leader politique, c’est le peuple.

Michel Le Séac’h

Illustration : copie d’écran https://www.youtube.com/watch?v=ojdZ7VGbqSw (à 2 :58)